Plus le marin s’aventurait vers le Nord et plus la rigueur du froid lui gelait le visage. Sa destination se trouvant en hauteur dans les montagnes de l’Est, il savait à quoi s’y attendre pourtant, il était loin du climat estival d’Ishtar et de son air marin. Ici, l’oxygène se faisait rare, les chemins rocailleux donnaient du fil à retordre à ses genoux, l’obligeant à y laisser quelques gouttes de sueur malgré la température. Finalement, dans un certain sens ce n’était pas une si mauvaise chose, cela l’obligeait à se tenir chaud d’une manière générale. Il continuait d’avancer vers la grande cité montagnarde, luttant contre le vent de l’altitude, son séjour ici ne faisait que commencer et il avait du pain sur la planche.

Baldorheim. La cité Naine paraissait colossale aux yeux de l’abyssal qui découvrait cette région. Mis à part quelques ragots d’ivrogne et histoires de voyageurs, il ne savait rien de cet endroit et pourtant, il se trouvait sur la même île … enfin sur le même continent. Un mélange d’excitation et de satisfaction vint soutenir son sourire sauvage, content qu’il puisse avoir autant de paysage et de trésor à découvrir sur cette terre, sans même avoir besoin de prendre le bateau. C’était un peu cela qu’il ressentait à ce moment même, un peu comme s’il voyageait sur son navire toutes voiles dehors, à la conquête de la découverte.

De la même manière qu’il découvrit ce grand village, il y découvrit également ses habitants, petits et rondouillards : Des Nains. Et ses passants et habitants voisins comme les Géants et les Stryges, des apparences qu’il n’avait pas eu l’occasion de croiser jusqu’à maintenant. Ses premières impressions étaient plutôt bonnes, mais ce qui le marqua encore plus, c’est qu’en son centre, la cité abritait une magnifique arène de combat. Tout en visitant cette nouvelle ville, il s’arrêta devant un immense stand où défilaient une quantité astronomique de gens, les uns derrières les autres. Tous, sans exception patientaient pour prendre leur place au prochain combat qui aurait lieu dans l’arène, ce qui ajouta une dose d’excitation supplémentaire à la coupe déjà pleine de Morgan. Un peu plus loin se tenait l’autre stand, celui auquel il allait s’inscrire. Non, non, non ! Pas pour s’assoir dans les gradins, mais bien pour participer en tant que combattant de l’arène. Il y pensait tellement, il s’y voyait déjà. Lui, un pirate sorti de nulle part, se plaçant à la première place des illustres inconnus, se voyant décerner une victoire écrasante face à un adversaire connu de tous. C’est donc des étoiles plein les yeux qu’il inscrivit son nom sur la feuille déjà bien rempli de la jeune demoiselle tenant le stand. Sans s’en rendre compte, il s’aventurait sur un terrain qui n’était pas le sien.

Puis, vint son tour, le moment tant attendu du pirate d’eau douce, celui de fouler le sol sablonneux de l’arène et d’embrasser le publique qu’il allait surprendre. Du moins, c’est ce qu’il avait en tête à ce moment là. Il s’avança dans le tunnel qui le mènerait au combat, le sourire aux lèvres et son arbalète toute prête, rien ne pouvait fait tanguer l’orgueil du navigateur. Les deux adversaires se rapprochèrent et se jaugèrent, enfin … Morgan passa son regard de la tête aux pieds et des pieds à la tête de son adversaire sans comprendre le sens de tout ceci. Serai-ce une farce ? Qu’elle était cette chose déambulant au milieu de l’arène, pensa-t-il alors, loin de se douter qu’il ne fallait pas prendre à la légère le robot qu’il avait en face de lui. Il n’en avait jamais vu et il allait se rendre compte que l’inconnu pouvait avoir un certain goût d’amertume …

Le combat lancé, le tas de ferrailles déferla sur le sang-mêlé, l’obligeant à se protéger avec ses avant bras pour palier à la surprise. Il s’était laissé prendre de vitesse par une boîte de conserve et la force dont avait fait preuve le robot pour l’envoyer valser aussi loin lui prouvait qu’il n’aurait jamais du sous-estimer cet endroit, ni même ses participants. Légèrement sonné, il déballa son arbalète et la pointa sur sa cible, un œil fermé, la mire parfaitement alignée. Son doigt trembla un instant avant d’appuyer sèchement sur la gâchette. La corde se raidit d’un coup tout aussi sec, laissant retentir la vibration choc de la corde et laissant filer le carreau qui y était armé. La fluidité du mouvement et l’adresse du marin n’était plus vraiment à prouver, mais il avait besoin d’apprendre à connaître ses ennemis, c’était évident. La flèche heurta ce qui semblait être la tête du robot avant de se casser en deux sous le choc. Son attaque avait à peine sonné son adversaire non-vivant et ses yeux restèrent grand ouvert, stupéfait. Son corps immobile ne sembla plus bouger, pas même devant le danger qui se rapprochait à toute allure pour lui coller sa première humiliation. Et tout d’un coup, son visage s’éclaircit sans que l’on sache pourquoi avant qu’il ne rencontre le gant de fer du robot à pleine puissance.

Je sais … je sais ce qu’il me manquait … je me disais aussi … mais qu’ai-je bien pu faire de ma bouteille ?