C'était une matinée d'une chaleur sans nom. Le soleil, maintenant haut dans un ciel vidé de tout nuage, cognait impitoyablement ceux qui passaient sous ses yeux. Mais alors que tous fuyaient ses rayons, je m'étais mis en tête de profiter de ces conditions extrêmes afin d'augmenter la difficulté de mon entraînement matinal quotidien. Ainsi, je courrais depuis un peu plus de deux heures sur les rives du lac, fantasmant de l'instant où, poussé à bout, je plongerais dans le vaste plan d'eau qui scintillait de mille feux.
C'est aux alentours de onze heures que le moment tant attendu arriva. Des gouttes perlent tout le long de mon corps. Certaines, d'une nature plus rebelle que d'autres, tentent de m'aveugler en déversant tout le sel qu'elles contiennent sur mes pupilles. Mes quadriceps, ischio-jambiers et mollets se contractent et se rétractent dans un cycle sans fin. Chaque pas est plus lourd que le précédent et mon souffle est de plus en plus court. Ne pouvant en supporter davantage, je m'arrête net. Je jette alors mes habits trempés sur le bord du lac, et me rue dans l'eau comme un nain sur sa bière. C'est à une dizaine de mètres de la rive que, la profondeur du lac le permettant, je me mets à faire la planche en fermant les yeux.
Mes oreilles plongées dans l'eau, je n'entends à présent plus que le battement sourd de mon cœur qui frappe dans ma poitrine. Je l'écoute diminuer lentement, puis apprécie le calme presque abyssal qui m'est proposé pendant un gros quart-d'heure. En fait, j'aurais pu rester plus longtemps immergé si je n'avais pas reçu un caillou en pleine poire. Reprenant mes esprits, je me demande qui est le sombre idiot qui a osé abimer les fins traits de mon visage. Je me redresse de façon à faire face à mon agresseur. C'était un Blango, sorte de babouin au poil blanc. Seul, il ne représentait aucune menace. En un éclair, je plonge alors sous l'eau et nage le plus rapidement possible en me propulsant vers le singe avec mes ailes.
Au moment où il me voit sortir hors de l'eau, il pousse un cri de peur, réalisant avec effroi que je fais à peu près le double de sa taille. Il ramasse alors les habits que j’avais jeté au sol et détalle comme un lapin en poussant des cris moqueurs. Je me met immédiatement à sa poursuite, me voyant mal rentrer à la tour blanche nu comme un ver, et hurle :
« Pas si vite ! Reviens ici sale bête ! »