Quelques jours auparavant, un voyageur croisé au hasard des chemins de la forêt avait bénéficié des conseils de Lariela pour en trouver la sortie. Néanmoins, il avait dû passer la nuit chez elle, la journée étant déjà trop avancée pour lui permettre d'atteindre la destination avant la tombée de l'obscurité. Malgré les protestations de la demoiselle, il l'avait payée avant de la quitter, avec un conseil : elle pouvait tenter de vendre en ville les quelques aliments qu'il avait eu l'occasion de consommer chez elle.

Dubitative, elle avait pourtant suivi ses conseils. La cuisine étant de toutes façons quelque chose qui lui plaisait, elle s'en était donné à coeur joie. Mais, à présent qu'elle se trouvait aux portes de la ville, elle n'était plus si sûre d'elle. Cela valait-il le coup ? Après tout, elle n'avait eu l'avis que d'une seule personne... Et si ceux à qui elle essayait de vendre ce qu'elle avait apporté ne l'appréciaient pas ? Sans compter qu'elle n'était pas une commerçante... Ce qui signifiait qu'elle ne saurait probablement pas vendre comme il se devait.

Alors, la première étape serait donc probablement de trouver un marchand digne de ce nom. Mais elle n'était pas habituée à se rendre en ville. Comment savoir quel marchand était plus honnête et patient qu'un autre ? Sans compter qu'elle apprécierait particulièrement de tomber sur un spécialiste de son domaine...

Oui, si elle voulait trouver l'intermédiaire parfait, elle aurait besoin d'aide.
Alors, après une hésitation, elle se décida à aborder quelqu'un. Etait-il un habitant de cette ville ? Un voyageur ? Saurait-il lui donner l'information demandée ? Il n'y avait qu'un seul moyen de le savoir. Elle s'approcha, et, avec un sourire poli, exprima sa demande, le plus naturellement du monde :

- Bonjour ! Excusez-moi, mais connaîtriez-vous un marchand spécialisé en nourriture ?

Sielk quittait le marché d'Endorial bredouille. Enfin pas tout à fait. En effet, il avait englouti bon nombre de beignets aux légumes et en avait même fait une réserve tant il les trouvait bon. En revanche le stand de pièces technophiles n'avait pas su le satisfaire. En effet, malgré qu'il n'y ait pas de concurrence, la demande était si faible que le commerçant ne refaisait presque jamais ses stocks. En fait, il ne s'agissait que de babioles qu'il avait trouvé. Il s'était dit que ça pourrait se vendre et avait tenté sa chance. Puis, un jour, un technophile était passé et, voyant ses prix, s'était jeté dessus. Plusieurs fois, ce genre d'action se reproduisit et le marchand décida de se renseigner au sujet de ses babioles. Quand il sut de quoi il s'agissait, il augmenta ses prix. Toutefois, au départ, il n'était pas monté dans l'excès. C'est seulement quand les clients ont cessé de s'y intéresser totalement qu'il a affiché ces prix beaucoup trop chers. Lorsque Sielk lui dit qu'il n'y avait aucune logique, le vendeur dit que puisqu'il ne vendait rien, au moins, s'il vendait quelque chose ça lui rapporterait. Le jeune homme soupira. La seule pièce susceptible de l'intéresser, il s'était disputé avec un elfe technophile pour l'avoir avant de céder lorsqu'il s'était rendu compte qu'elle était défectueuse. Il y avait bien d'autres pièces utiles mais, il était inconcevable d'y mettre ce prix. Sielk avait donc quitté l'étal, saluant son camarade technophile en n'oubliant pas de lui recommander d'éviter ce marchand.

Après avoir quitté le stand technophile, Sielk s'apprêta à manger un beignet mais, il se rendit compte qu'il les avait déjà terminés. Il retourna donc en acheter et, le marchand, se souvenant de lui, en rajouta quelques uns en plus, content de voir un client les apprécier autant. Tandis que Sielk quittait le marché, il fut abordé par une jeune femme. En tout cas, en apparence et pour sa race. Lorsqu'elle lui demanda un marchand spécialisé en nourriture, il se dépêcha d'avaler ce qu'il avait dans la bouche puis, il répondit:

"Tu as bien dit nourriture? Oui, justement, j'arrive probablement du meilleur stand de nourriture de tout le marché! Tu veux un beignet? Fais attention, ils sont encore très chauds! J'ai voulu en manger un trop vite et je me suis brûlé. Attends, je t'emmène le voir!"

Après avoir tendu le beignet à la jeune femme et attendu de voir si elle le prenait ou non, Sielk avait commencé à se diriger vers le vendeur de beignet, s'assurant que l'elfe le suivait.

L'elfe avait accepté le beignet mais, avait su faire preuve de plus de patience que Sielk. Elle ne tarda d'ailleurs pas à lui faire part de ses conseils. Le jeune homme se dit alors que c'était parce qu'elle ne les avait pas encore goûtés. Toutefois, il était fort probable qu'elle ne soit pas aussi morfale que lui. Malgré cela, il sentait qu'elle avait un fort lien avec la nourriture. L'instinct de Sielk ne le trompait que rarement. De plus, la conversation apportait nombre d'autres indices pour mettre le loup-garou sur la voie. Elle disait vouloir apprendre. De plus, elle arrivait à peine sur le marché et elle était déjà bien chargée. Sans doute venait-elle donc pour vendre et non pour acheter. De plus, l'odorat développé du lycanthrope lui avait permis de déceler une odeur de nourriture venant du bagage de son interlocutrice. D'ailleurs, elle ne tarda pas à désigner ce dernier après avoir annoncer être cuisinière. Un large sourire se dessina sur le visage du chef de clan. Encore à manger! Serait-ce aussi bon que les beignets de légumes? Il trépignait intérieurement et finit par s'arrêter, reniflant le panier de plus près comme le ferait un loup. Il s'arrêta avant d'être trop proche et que cela ne semble réellement étrange et dit alors:

"Cuisinière? Que cachez vous de bon? Me feriez vous l'honneur de me laisser goûter? Je vous paierai bien entendu! Toutefois, moi, un gourmet? Disons que je sais apprécier les bonnes choses mais, je serais prétentieux si j'aspirais au titre de gourmet. Je suis juste un gourmand invétéré!"

Sur ces mots, il se remit lentement en marche, espérant qu'elle l'arrête pour lui faire goûter un de ses plats. Cependant, Sielk lui avait dit la vérité, il était plus gourmand que gourmet. Ses pulsions lupines le poussaient à préférer la viande la plus crue possible mais, tant que les ingrédients étaient de qualité, à moins d'être parti dans des délires fantasques du genre tourte au dindon farci à l'ananas, il serait bien incapable de donner un avis réellement construit. Sa manière de classifier les plats pourrait d'ailleurs être comparée à celle d'un enfant allant de "c'est trop trop bon" à "beurk beurk beurk" du meilleur au pire. Toutefois, Sielk avait appris le tact et savait qu'il fallait éviter le "beurk beurk beurk". Quand il trouvait un plat vraiment mauvais, il se contentait donc d'un "beurk". Toutefois, généralement, son odorat lui permettait de savoir quand il devait s'abstenir de goûter quelque chose.