Le soleil brillait haut dans le ciel de Dùralas en cette sympathique journée de printemps. Les marchands préparaient leurs étals dans les alentours d’Ishtar, un quartier annexe à la ville qui permettait au bazar local de s’installer en toute quiétude. Toutes les spécialités étaient presque représentées dans ce marché à ciel ouvert, des joailliers, des alchimistes, des tanneurs, des herboristes, il n’y avait qu’à demander et vous étiez sûr de trouver ce que vous cherchiez en arrivant là. Une ambiance commerçante où les prix se négocient férocement et âprement entre experts du détail et les grossistes.

Parmi les artisans, se trouvaient également des vendeurs venus des régions lointaines pour exposer des produits considérés comme exotiques dans le sud de Dùralas. Des traqueurs proposant à la vente des aigles du Baldor spécialisés dans la chasse, ou encore des elfes venus de la forêt Sylfaen offrant à prix d’or des herbes et des plantes soit disant rares. Ces commerçants participaient aux échanges commerciaux entre Ishtar et les autres régions, aidant parfois à améliorer les relations, où à les empirer, selon les protagonistes. Il manquait toutefois une nation à être représentée dans toute cette pagaille marchande, la grande et fière Sitlantà, reine des océans.

Bien sûr, il y avait déjà des étals de produits de la mer (pas toujours frais), et des produits abyssaux, mais rien d’officiel envoyé par Sitlantà dans le cadre d’une guilde marchande cadrée. C’est fort de ce constat, corrélé au rapprochement de la faction Pirate envers son peuple, que l’oligarchie locale décida de créer sa propre charte des produits locaux de Sitlantà et de les proposer à la vente de manière officielle à Ishtar. Une phase de test sera réalisée pour convenir des produits les plus vendus à proposer le plus régulièrement aux pieds-secs.

Pour commencer, la capitale allait présenter des produits d’artisanats abyssaux, comme des bijoux, des accessoires en cuir de créature marine ou des potions d’alchimie à base d’algues et de coraux. Les gains issus de ce commerce serviront à renflouer les caisses de l’armée sitlantéenne, toujours en proie dans sa guerre interminable comme les répugnants Skarniens. C’était une opération expérimentale pour les abyssaux qui espéraient à un succès rapide et efficace. Pour cela, ils avaient sorti le grand jeu. Vous pensez bien.

L’inauguration du stand était en ce fameux jour ensoleillé. L’emplacement avait été choisi avec beaucoup de considération, un endroit à l’ombre, mais passant, pas trop au centre des agitations commerciales, mais surtout pas trop excentré non plus. Pour fêter cet événement, une des plus grandes chanteuses de l’histoire sitlantéenne avait été forcée invitée à participer à cette inauguration, histoire d’attirer les pieds-secs et de créer un petit engouement. Il faut préciser que son concert de charité pour Sitlantà, organisé par une des capitaines pirates, avait fait connaître la diva abyssale parmi la population d’Ishtar. Avec un peu de chance, la castafiore boosterait les ventes juste par sa simple présence.

C’est ainsi que Marania, ancienne chanteuse principale de l’amphithéâtre de Sitlantà, épouse de général de l’armée sistlantéenne, sculptrice à ses heures perdues, grand-mère fantasque et demi-murène Abyssale Neutre de son état se trouvait là (heureuse et pas du tout forcée). Elle aussi, sortait le grand jeu pour l’occasion. Un grand voile parme cachait sa chevelure et formait une traîne au sol derrière elle. Sa robe, d’un doré lumineux, était ornée de perles blanches issues des élevages de coquillage océanique. Une tiare d’améthyste posée sur son voile couronne le tout pour lui donner des airs de madone grandiloquente.

Auri, le marchand Abyssal de la Muse à qui avait été confiée la lourde tâche de gérer l’étal sitlantéen, regardait la murène d’un air médusé. Pour sûr, elle allait attirer les regards et les attentions des pieds-secs, mais dans un bon ou dans un mauvais sens ? Tout était possible avec cette prétentieuse diva dont la réputation la décrivait comme mondaine et parfois instable. Tout un programme. Soudainement, il entendit la chanteuse se racler la gorge en déposant les dernières fioles d’alchimie sur le comptoir.

- Bienvenue ! Bienvenue à tous ! Venez découvrir les produits de l’océan, les produits sitlantéens ! Potions, bijoux, ou maroquinerie de la mer, il y en a pour tous !

L’apprentie marchande donnait de la voix pour attirer le chaland. Parmi les commerçants qui gueulaient leurs prix, l’avantage d’avoir une chanteuse sous la nageoire prenait soudainement un sens inattendu. Au concours de vocalise, elle allait tous les écraser sans aucune difficulté. D’ailleurs, la concurrence les regarde dorénavant d’un autre œil. Ces nouveaux venus abyssaux ne seront pas aussi discrets qu’ils l’envisageaient.

Sielk était déjà venu quelques fois à Ishtar. Il y était venu la première fois par hasard au milieu de ses pérégrinations. Bien que les lieux lui étaient inconnus, il avait comme une impression de déjà vu. Cela était courant à cause de son pouvoir et des souvenirs de ses ancêtres mais, cette fois, c'était tout autre chose. Un peu comme une seconde vie. Une fois ce malaise mis de côté, le jeune homme avait erré dans la ville portuaire en pensant être à l'endroit idéal pour trouver ce qu'il cherchait. Ses recherches furent vaines mais, il avait trouvé le dépotoir. En voyant le nom, il était rentré en espérant dénicher des armes sur lesquelles il pourrait récupérer des pièces. Finalement, il découvrit là une arène de combats clandestins. Toutefois, après avoir arpenté la ville, il se demandait s'il y avait quoique ce soit à Ishtar qui ne soit pas clandestin. En effet, il n'avait pas mis longtemps à apprendre que les Pirates avaient la mainmise sur la ville. A partir de là, il était peu probable que la législation locale soit appliquée à la lettre. Cela dit, c'était le cadet des soucis du loup-garou. Autrefois, bien avant que son clan n'en deviennent un, ils étaient au service de la loi et c'est ainsi qu'ils avaient fini par devenir des loups-garous. Une juste punition pour ces agresseurs pensant être les sauveurs. Longtemps, les chefs du clan n'avaient pas vu les choses ainsi. Ils méprisaient leur côté loup. Lorsque Sielk prit la tête du clan, il avait bien étudié l'histoire du clan, chose aisée grâce à son pouvoir. Très vite, il comprit que les loups-garous n'avaient fait que se défendre et avaient choisi de laisser le clan en vie. Durant tout ce temps, le clan de la Lune Noire avait vu leur lycanthropie comme une malédiction. Sielk leur avait fait remarqué que si les loups-garous avaient voulu, ils auraient juste pu les tuer. Cela avait encore du mal à rentrer dans certains esprits mais, Sielk comptait bien changer les choses. Toutefois, tout cela était une autre histoire. Mais, cette autre histoire faisait que Sielk ne se souciait guère de la législation.

Au dépotoir, Sielk avait eu quelques coups d'éclat, des bons comme des moins bon. Mais, cette fois, il n'était pas là pour cela, ne sachant même pas si on le laisserait y remettre les pieds. Lui et son adversaire avaient légèrement foutu le bordel, il fallait bien l'avouer. Si le chef de clan était là aujourd'hui, c'était parce qu'il souhaitait développer leur village. Il avait besoin de fournitures pour les commerces et pourquoi pas, des commerçants qui voudraient venir s'installer. Hors, Ishtar étant une ville portuaire et commerçante, cela semblait un bon début pour mener à bien ses recherches. Le lycanthrope avait alors privilégié le marché, ensuite, il irait examiné le port s'il ne trouvait pas ce qu'il cherchait.

Arpentant les étals, Sielk ne repérait rien de bien intéressant hormis quelques stand de nourriture où il ne manqua pas de s'approvisionner. Il avançait nonchalamment lorsqu'il sentit une main sur sa bourse. Il repoussa le voleur et vit au loin une petite blonde un peu ivre qui attirait l'attention sur elle. Faisait elle diversion pour lui? Si c'était le cas, c'était raté. Sielk projeta l'homme au sol et lui dit:

"Pourquoi vouloir me voler? Ma bourse a pourtant l'air bien vide. Es tu si mauvais voleur? Tiens, prends donc ce qu'elle contient mais, je garde la bourse."

Sielk retourna le sachet et le versa dans les mains de l'homme qui cria alors de douleur. Le lycan sourit et dit en reprenant son chemin:

"Quand tu vas à Ishtar, tu dois toujours avoir un oursin dans ta bourse. Je ne sais plus qui m'a dit ça mais, je comprends désormais pourquoi."

Il allait quitter le marché lorsqu'il entendit une voix surpasser les autres. Cela l'intrigua et il décida d'aller voir. Il vit alors une femme bien différente de celles qu'il avait l'habitude de croiser. Une abyssale? C'était ce que ses propos laissaient penser mais, elle était si différente de celui qu'il avait rencontré sur la plage. Elle semblait moins sauvage et elle savait parler. Bah, ça valait le coup d'aller voir, ne serait-ce que par curiosité. Sielk s'approcha alors et dit:

"Bien le bonjour mademoiselle, madame. Je vous ai entendu mentionner Sitlanta. Est-ce que par hasard, vous seriez une abyssale? Pardonnez ma curiosité et n'y voyez aucune offrande... Non, ce n'est pas le bon mot, attendez je vous prie... aucune offense, voilà, c'est ça! C'est seulement que je n'en ai rencontré qu'un seul jusque là et... Comment dire? Il n'avait pas votre locution et semblait bien décidé à savoir quel goût j'avais. Mais,... Je vous importune et j'ai oublié le plus rudimentaire. Permettez moi de me présenter, je me nomme Sielk Morkmane, chef du clan de la Lune Noire."

Il fit une légère révérence ou quelque chose qui s'en rapprochait mais, il n'était pas à l'aise avec cela. Toutefois, il avait vu dans les souvenirs des chefs que c'était ainsi que l'on saluait chez les bonnes gens. Hors, il ne savait pas trop comment reconnaître les bonnes gens et au cas où, puisqu'elle ne semblait pas être une malandrin, il devait prendre ses précautions. Toutefois, il conservait assez de distance pour ne pas être à portée de crocs au cas où.

La légère brise faisait doucement flotter le voile posé sur les cheveux de la chanteuse. L'air marin d’Ishtar lui plaisait particulièrement, suffisamment humide pour ne pas la dessécher et tout à fait respirable. De ses mains aux longs doigts écailleux, l’apprentie marchande bougeait quelques articles de place sur le stand. Il fallait agencer la chose de manière intelligente, mais surtout esthétique selon ses goûts personnels. En fonction de la taille, de la couleur, des vertus pour les produits d’alchimie, bref, elle tentait de trouver de quoi s’amuser dans cette mission commerciale qui ne lui plaisait guère.

Les premiers clients à se présenter furent servis par Auri, c’était lui le marchand professionnel. Son art de la négociation était efficace, avec un petit supplément de quelque chose, le client avait droit à un petit bonus d’autre chose ! En accumulant les petits suppléments, les gens avaient l’impression de faire de bonnes affaires, repartant avec diverses camelotes abyssales qui ne valaient pas grand-chose à Sitlantà. L’ennui commençait à durement frapper la diva lorsqu’un client s’adressa directement à elle. Un grand homme châtain aux longs cheveux attachés à l’arrière. Il semblait curieux et à la fois gêné de sa propre curiosité. La question fut posée de savoir si Marania était bien une abyssale de Sitlantà. Difficile d’en vouloir à un pied-sec, son allure ressemblant davantage à celle d’une Nagate pour un œil inexpérimenté.

- Bienvenue à vous, jeune homme. Vous pouvez m’appeler Marania, tout simplement. Si vous souhaitez rencontrer des abyssaux, vous êtes au bon endroit et au bon moment. Ceci est l’étal officiel de Sitlantà, la fière capitale de l’océan.

La voix chantante et singulière de la diva avait de quoi interpeller son interlocuteur, un timbre qui ne s’entendait pas sur la terre ferme. Par politesse, elle laissa le pied-sec se présenter. Un chef de clan, spécifiquement, de la Lune Noire, Sielk de son prénom. Cela ne disait rien du tout à l’Abyssale qui ne fit même pas semblant de connaître ce clan. Durant ses voyages en dehors de l’océan, il lui avait été enseigné que ce sont les peuples hybrides qui parlaient de clan, il s’agissait là peut-être d’un spécimen d’hybride qui camoufle sa part animale ? Beaucoup d'incertitudes nécessitent de prendre des précautions.

- Oh, un Abyssal a tenté de vous dévorer ? Vous avez dû croiser un Abyssal de la Tempête un peu trop sauvage. Ils ne sont pas tellement civilisés, quoi que cela dépend des individus. Mais vous avez raison de ne pas rester sur cette désagréable impression que cette expérience à créér. Vous ne m’importunez pas le moins du monde. Profitez de nos produits, vous trouverez votre bonheur.

Pas très à l’aise dans son rôle de commerçante, Marania se faufile de l’arrière du stand jusqu’aux côtés du dénommé Sielk afin de lui faire l’article plus facilement. Ainsi, le jeune homme pouvait désormais voir que l’Abyssale avait bel et bien un corps serpentin qu’elle camoufle sous sa grande tunique dorée à traîne. S’approchant de lui, elle commence à faire la présentation des objets en tentant d’y mettre de l’assurance et de trouver les bons arguments.

- Regardez, vous avez par exemple cet objet d’alchimie purement décoratif. Nous appelons cela le cœur de l’océan, il s’agit d’une eau pure, glacée à tout jamais grâce à un procédé ancestral sitlantéen. C’est un cadeau charmant pour une dame. Sinon, je peux vous proposer cette capuche en cuir saumuré. C’est élégant et vous protégera de la pluie. Tenez, essayez là donc.

Ne laissant pas vraiment le choix à ce pauvre client, elle attrapa la capuche en cuir et la lui installa sur la tête. Un joli nœud pour accrocher le tout sous son menton, et elle lui présenta un miroir pour qu’il puisse s’admirer. C’était évidemment de toute beauté ! La diva n’avait aucun doute sur le fait que ce produit était à la hauteur de la recherche de ce client, même si ce dernier ne cherchait rien, c’était là tout l’art du commerce, n’est-ce pas ? Pour détourner l’attention, et surtout obtenir des informations qui pouvaient l’aider à vendre davantage de produits, Marania questionna le jeune homme sur son clan.

- Où est-ce que votre clan de la Lune Noire est-il situé ? Vous êtes le chef, c’est bien cela ? C’est tout à fait impressionnant. Mon époux est haut gradé dans l’armée sitlantéenne, quant à moi, j’étais l’ancienne chanteuse principale de l’amphithéâtre. Je connais le poids des responsabilités. Alors, vous vous trouvez comment avec cette capuche ? Magnifique, n’est-ce pas ?!

Les yeux grands écarquillés et avec un signe de la tête pour confirmer que oui, vraiment, c’était très joli ainsi. Attrapant une broche qui était à proximité sur l’étal, elle l’accrocha à la veste de Sielk.

- Avec cette perle ornementale géante, c’est parfait, tout à fait la mode sitlantéenne !

Ainsi donc, Sielk avait bien à faire à une abyssale mais, elle n'avait effectivement rien à voir avec le brochet mutant rencontré par le passé. Non seulement, elle n'essayait pas de le manger mais, en plus de cela, elle était plutôt avenante. A peine s'était elle présentée qu'elle tentait de lui vendre des objets de toutes sortes. Elle commença par un objet décoratif qui, selon ses dires, plaisait aux jeunes filles. Sielk s'imagina alors l'offrir à Juni et repoussa aussitôt l'objet. En effet, son amie le lui jetterait probablement à la figure, prétextant qu'elle ne voyait pas comment elle pourrait frapper ou découper les gens avec ça.

"Hum, non... Votre coeur de l'océan est très joli mais, si j'offre ça à mon amie, je vais me le prendre en pleine figure et, si je l'offre à une autre, je ne préfère même pas y penser..."

Puis, l'abyssale commença à revêtir divers apparats sur Sielk. Le lycanthrope arbora un air blasé mais, la laissa faire par politesse. Toutefois, lorsqu'elle eut terminé et lui affirma que tout cela lui allait très bien, le jeune homme rétorqua:

"Hum, je ne remets pas vos paroles en doute mais, je n'éprouve aucun intérêt pour la mode. N'auriez-vous pas plutôt quelque chose qui se mange?"

La diva semblait s'être légèrement calmée et Sielk en profita pour se remémorer les propos les plus intéressants de son interlocutrice. Son mari était un important militaire. Quant à elle, elle était une chanteuse réputée. Le chef de clan dit alors:

"Vous dites que votre mari est un militaire important? Peut-être pourriez vous me le présenter? Une grande chanteuse? Aux vues de votre voix, je n'en doute pas. Si un jour vous vouliez vous produire dans mon hameau, vous y seriez la bienvenue. J'espère bien sûr que d'ici là, nous pourrons au moins prétendre à être un village. En tout cas, vous pourrez y rencontrer quelques personnalités hautes en couleurs."

Il pensait surtout à Juni et son oncle Rufus lorsqu'il disait cela mais, ce n'étaient pas les seuls au village qui avaient de fort caractères. Toutefois, il repensa à pourquoi il était ici. Il dit alors:

"Brave dame, il m'est fort plaisant de converser avec vous et, je me demandais s'il serait possible de conclure un accord commercial. Si les articles que vous m'avez proposé ne m'intéresse pas, nul doute que des membres du clan y prêteront intérêt. Peut-être l'un des votres pourrait venir installer une échoppe au village ou alors, pourriez vous fournir l'un de nos commerçants? Bien sûr, vous seriez dédommagés à juste valeur pour cet accord. Il n'est nullement question de vous lêcher... Euh... laiser."

Sielk rougit de son erreur mais, le mal était fait.

Le client ne semblait pas particulièrement convaincu par le cœur de l’océan proposé par l’Abyssale. Un si bel objet représentant l’art décoratif de type Arona ! Marania avait bien compris qu’il était inutile d’insister pour le moment à ce sujet, apparemment l’homme avait d’autres idées en tête. Il est vrai que si les femmes de son entourage ne sont pas intéressées par l’art, la singulière beauté exotique abyssale ne risque pas de les émouvoir beaucoup. Tant pis, la capuche en cuir saumuré, ainsi que la perle géante en broche, auront peut-être un meilleur succès ?

Le suspens ne fut pas long et le dénommé Sielk ne montra aucun intérêt pour cette magnifique pièce de travail du cuir que la demi-murène lui proposait. Poli, car il n’osait peut-être pas émettre un refus catégorique ou même donner son opinion sur l’habit en lui-même, il s’excusa de ne pas apprécier la mode. Tout cela n’était que des balivernes pour la chanteuse ! Lorsque l’on a des responsabilités comme celles de ce jeune homme, on se doit de se montrer sous son meilleur jour ! C’est montrer l’exemple, mais aussi prouver son statut au reste du monde. Regardez la diva elle-même, elle est en tunique dorée à pierres précieuses, ce n’est pas pour rien !

- Si vous êtes un chef de clan, je vous invite à revoir votre opinion sur le sujet ! Votre rôle vous impose l’élégance, le raffinement et la prestance mon cher ami ! Tout cela ne se gagne pas qu’avec du charisme, mais également par l’allure et les vêtements… De quoi manger ? Non, pas pour le moment, j’en suis navrée.

Malgré ses conseils judicieux, Marania retirait la capuche en défaisant le nœud qu’elle avait noué sous le menton de Sielk. Elle rangea l’accessoire en cuir à sa place, tout en espérant pouvoir le vendre un peu plus tard dans la journée à un autre badaud. Quelques instants après cela, elle retire la broche de la veste du jeune homme pour la remettre à son tour sur l’étal. Pendant ce court moment de rangement, la conversation se poursuivait, notamment au sujet de Tangaroa, son époux. Le titre de haut gradé dans l’armée sitlantéenne intéressait particulièrement le jeune homme.

- Oui, sa fonction est importante et il doit prendre de lourdes décisions tous les jours pour protéger et défendre Sitlantà des attaques des Skarniens. Ces horribles créatures dégoûtantes sont encore à nous narguer, mais je ne doute pas que cela sera bientôt réglé.

Les Skarniens n’étaient jamais très loin dans l’esprit de la demi-murène, comme un rappel à la triste réalité. Néanmoins, ces nuages grisâtres ne faisaient que passer dans la joie de la diva qui entendait les compliments de Sielk. Ce dernier lui propose même de venir chanter dans son village. Tout ceci est très charmant, c’est certain, néanmoins, la chanteuse était habituée à des scènes un peu plus prestigieuses que la place centrale d’un hameau perdu quelque part sur le continent pied-sec.

- Eh bien, ce serait intéressant, je n’en doute pas ! Mais, je dois tout de même préciser qu’il serait plus simple que vous venez à Sitlantà si vous souhaitez rencontrer Tangaroa, mon époux. Vous comprendrez aisément qu’il ne peut pas se déplacer selon son bon vouloir, comme moi.

“Comme moi”, la phrase mourut un peu dans la voix de l’Abyssale, elle qui était là contre sa propre volonté. Il fallait tout de même bien sauver les apparences, elle n'allait pas admettre à cet inconnu qu’elle aussi devait répondre aux efforts de guerre de Sitlantà, et même maintenant dans le cadre de cette mission commerciale. D’ailleurs, le chef de clan passa à l’offensive en entrant directement dans le vif du sujet. Il souhaitait établir un échange commercial avec les Abyssaux et son village. Pour le moins, il n’avait pas peur de se prendre un râteau. Une capitale aurait quelque chose à gagner d’une bourgade ? Sur le papier, non, mais il s’agit ici de la fantasque Marania.

- Un accord commercial entre Sitlantà et votre village ? Pouvez-vous m’indiquer le type de commerce de votre peuple mon cher ? Un accord commercial se doit d’être signé entre deux parties, et les deux doivent être gagnantes dans l’opération. Alors, qu’avez-vous à me proposer ? Je tiens à vous rappeler que si les produits Abyssaux vous paraissent exotiques puisque vous n’avez pas l’habitude d’en croiser, il en est de même pour les produits de la terre ferme à Sitlantà. Une fourrure d’animal qui peut résister à l’eau se revendra bien plus cher à un Abyssal que sur ce marché, par exemple. Mais cela fonctionne aussi avec la nourriture, ou l’art. Tant que le produit est qualitatif.

La diva ne rebondira pas sur le lapsus du Lycan, préférant faire comme si elle n’avait rien entendu. Après tout, elle se devait de se montrer sérieuse, ils étaient déjà en pleine négociation.