Le Monde de Dùralas
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Bonjour Invité, et bonne visite sur Dùralas ! Nous sommes actuellement en l'An 811 du Ve Âge. Bienvenue à notre dernier membre : WaydayWag Le Monde de Dùralas a précisément 4000 jours ! Contribuez en aidant et en faisant part de vos idées pour le forum ici Dùralas, le Sam 12 Oct 2024 - 15:33 La Spécialisation de classe s'obtient à Wystéria. Pour être à l’affût des dernières nouveautés, c'est ici qu'il faut aller ! |
| | Les murmures de l'Automne [Solo] | |
| | Auteur | Message |
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Shae ElendrisHabitant(e)
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| Sujet: Les murmures de l'Automne [Solo] Sam 28 Sep 2024 - 11:22 | | |
Les murmures de l'AutomneLe Logis du Chasseur est l'un des lieux de rassemblement les plus populaires de Kastalinn et des environs, et malgré son nom, si de nombreux giboyeurs le fréquentent assidûment, en réalité toute la populace kastalinnoise s'y retrouve volontiers. Le lieu est également prisé par les aventuriers et les commerçants de passage, à l'affût de rumeurs, de bonnes affaires, de quêtes épiques ou simplement de repos et d'un bon repas nordique. Ses murs ont été maintes fois les témoins de beuveries sans nom, de repas gargantuesques, de chamailleries et de retrouvailles après l'un de ces hivers rigoureux que le Nord connaît si bien. Ce soir, dans l'âtre imposant de la bâtisse, rayonne un feu d'une chaleur qui semble lancer un défi à l'automne et au froid qui approchent. Comme chaque année à cette époque, on se prépare à faire ses adieux à la clémence de l'été, et on profite de la douceur de ces dernières semaines d'abondance pour se retrouver avant que la neige n'isole les villages environnants. Devant le Logis, le fumet de deux sangliers qui tournent sur d'impressionnantes broches au-dessus de braises rougeoyantes aux ardeurs maîtrisées vient titiller l'appétit des Nordiques rassemblés ici à l'occasion d'un important repas clôturant la saison estivale. Cela fait maintenant des heures que la peau des bêtes craque et se dore, les carcasses tournant lentement, les imposantes broches étant manipulées à la force de bras endurants, qui seront remerciés à coups de pintes généreuses et de félicitations lorsque l'on se délectera de leur œuvre laborieuse. En attendant la dégustation tant anticipée, d'autres mains s'affairent autour des sangliers pour les arroser de jus et d'épices, assurant une tendreté parfaite à leur chair délicieuse. À mesure que la soirée avance, l'assemblée se réjouit au son des éclats de rire et des chopes qui s'entrechoquent, mais au même moment, l'un de ses membres s'éloigne progressivement de l'effervescence environnante, se faisant si discret qu'il n'est bientôt plus qu'un murmure qui se faufile dans l'ombre du Logis du Chasseur pour s'y dissoudre et disparaître. Les vents qui descendent du Nord pour courir sur le visage de Shae Elendris lui chuchotent les récits de ces promesses de froid qui vous mordent le visage, prémices à la venue de la neige qui s'amoncellera prochainement dans les plaines d'Aràn. La grandiose robe automnale que la nature enfile à mesure que les feuillages s'embrasent s'agitera tantôt et se soulèvera sous le souffle de la bise jusqu'à ce qu'elle soit emportée par les affres de l'hiver. Dans le cœur de l'homme du Nord, le blizzard a d'ores et déjà enveloppé la brume de ses doutes, et l'Arànien rejoint sa demeure et s'y engouffre tel un fantôme qui n'attend que son ultime délivrance. Pourtant, au sein de la tempête glacée qui avale son monde pour le plonger dans l'obscurité, il se surprend à chérir une flamme qui ne semble point vaciller en ces tourments. Les espoirs du Nordique sont de ces merveilles aussi fragiles que sublimes, et la froide et implacable logique que l'érudit apprécie tant pour son caractère prévisible et compréhensible ne semble avoir aucune prise sur eux désormais. La vie a appris à Shae à connaître son espèce, ses qualités comme ses tares, et l'humain le fascine autant qu'il génère chez lui un sentiment de mépris. Les grains du sablier du temps ayant fini par éroder l'intérêt et l'enthousiasme qu'il portait à ses semblables, bien peu d'entre eux sauraient aujourd'hui s'incarner en ce phare qui illumine son horizon face aux ténèbres galopantes. C'est probablement pour cela que la chaleur qui rayonne sur les tréfonds de son être ne leur doit rien, ce brasier d'espérance qui crépite chaque jour d'une ardeur nouvelle ayant été enflammé par un être pour lequel, pourtant, il n'aurait jamais imaginé ressentir autre chose que de la méfiance teintée d'une once de dégoût. Depuis combien de temps le cœur de Shae n'avait-il pas été aussi léger malgré le poids de ses inquiétudes ? Depuis quand ses pensées ne s'étaient-elles pas ainsi acharnées à se parer de couleurs aussi vives et agréables dans la grisaille de son esprit morose ? L'aurore, une fois venue, élança ses premières lueurs à la surface de l'océan céruléen des pupilles de l'Arànien, qui partit à leur rencontre dans la fraîcheur de cette première journée d'automne. Le chasseur nordique s'en va aujourd'hui davantage pour laisser son esprit gambader à ses côtés dans les plaines, plutôt que pour ramener un gibier quelconque, et si d'habitude ses chasses ne le portent guère à plus de quelques heures de la demeure des Elendris, ce matin, sa silhouette alourdie par une outre remplie d'eau à ras bord et une besace généreusement gorgée de provisions annonce un voyage d'une toute autre nature, dont les détails se précisent dans les peaux de bêtes et les vêtements qu'il emporte avec lui. Dans la radiance du matin, les vagues à l'âme de Shae s'échouent sur les courbes du pays d'Aràn qui soutiennent ses pas, et peu à peu, tandis que l'astre diurne qui s'élève dans les cieux parsemés de nuages grisâtres l'accueille dans sa chaude lumière, l'enfant du Nord sent la tempête glaçante qui rugissait en lui s’apaiser. Vêtu de sa sobre tenue de chasse en laine, composée d'une tunique beige recouverte d'une cotte brune et d'un pantalon de couleur similaire sous lequel il porte des braies en lin, Shae se livre à son Nord natal qui s'étend à perte de vue, quittant les chemins fréquentés pour se noyer dans les terres verdoyantes où la végétation ploie sous les caresses d'un vent qui se fait plus entreprenant d'heure en heure. Si l'horizon cachera encore pendant plusieurs jours les pics des sombres montagnes de Kanaan aux mirettes du Nordique, ses pensées, elles, commencent déjà à s'y balader malgré tout. Dùralas est trop grand pour qu'il se cantonne éternellement à cette infime portion dont il a fait son chez-lui, et s'il advenait qu'il existe encore en tant qu'être doué de conscience lorsque le printemps resurgira, l'érudit se fait la promesse solennelle que cette fois-ci, rien ne se dressera entre lui et cette vie d'exploration et d'aventure dont il rêve depuis l'enfance. Les pas de l'Arànien le portèrent à travers les plaines verdoyantes sans qu'il ne croise aucun de ses semblables, ce début de voyage à la rencontre de l'immensité de son pays lui apportant la solitude que son cœur semblait tant désirer. Un soleil combatif illumina son périple, qui fut préservé des intempéries, malgré les nuées qui se firent parfois menaçantes tandis qu'il arpentait le Nord en direction du levant. Ce n'est pas avant le soir venu que le firmament laissa ses masses moutonneuses l'assombrir pour de bon, alors que la plus radieuse de ses étoiles entamait son déclin dans un magnifique embrasement final annonçant l'avancée du crépuscule. Gorgeant son iris de ces trésors célestes d'or et de citrine nichés au cœur des mers de nuages, le Nordique s'installa pour la nuit sous la protection d'un groupe d'épicéas isolés aux branches fournies. Il ne fallut guère longtemps à Shae pour glaner quelques bois tombés au sol et en récupérer d'autres qu'il déroba en hauteur à l'aide d'une hachette pour s'en faire un support où déposer les peaux de mouton qui lui serviront de literie de fortune. Son corps enfin libéré de la charge conséquente qu'il a portée jusqu'ici depuis Kastalinn, Shae s'étire longuement dans les flammes du couchant, savourant le parfum terreux des herbes et des mousses qui parsèment les environs, ces fragrances se mêlant à celles du bois et de la sève des épicéas. Le Nordique s'abstint de s'offrir le luxe d'un feu revigorant, craignant d'attirer des créatures hostiles en maraude dans cet endroit isolé où personne ne l'entendrait appeler à l'aide. Au lieu de ça, pour cette nuit, il s’emmitouflerait du mieux qu'il peut dans le confort relatif de ses peaux et de ses vêtements de laine. Voilà bien longtemps que l'érudit n'a pas goûté aux joies des nuits en plein air, lui qui est tant habitué aux lits douillets couverts de soies délicates, le voilà aussi démuni et vulnérable que ses lointains ancêtres. Et pourtant, dépouillé à cet instant du luxe et de ses richesses, privé de l'aura de ses accomplissements qui n'ont aucune substance aussi loin du monde auquel ils appartiennent, il ne s'est jamais senti aussi entier et vivant. Alors, seul et sans rien devant le soleil qui abandonne les terres à la pénombre, ses sens sombrant dans les ténèbres aux côtés des dernières lueurs diurnes, l'Arànien s'adosse contre l'imposant épicéa sous lequel il a installé son campement, laissant ses pensées éclairer son esprit. La tempête qui hurlait en lui s'est définitivement essoufflée désormais, et si son cœur est toujours engourdi par l'écume de ses sombres et glaciaux états d'âme, une sensation de sérénité l’enveloppe peu à peu. Sondant ses abysses, Shae n'y distingue plus rien, comme si Silar n'avait jamais existé et qu'il se trouvait totalement hors de son emprise. Une vie aussi simple était-elle encore réellement à sa portée ? Un jour sera-t-il à nouveau libre et pourra-t-il en revenir à une existence aussi pure, débarrassée de tout ce superflu qui parasite toute notion de ce qui est vraiment important en ce monde ? L'érudit repense à cette démone aux déroutantes mirettes de feu, n'est-elle pas l'incarnation même de cette liberté à laquelle il aspire tant ? Pour elle, point de manigances ni de plans imbriqués les uns dans les autres, elle ne désire ni gloire ni richesse, elle veut simplement être libre. Quelle ironie qu'une créature qui se repaît des âmes des mortels se montre à ce point plus vertueuse et morale qu'eux. Au fond, les humains n'hésitent pas à s'utiliser les uns les autres, nombre de leurs plus éminents représentants ayant bâti leur héritage sur une pile de cadavres, pour beaucoup, la valeur de leur prochain ne se mesurant ainsi, tristement, qu'aux avantages qu'ils peuvent tirer d'eux. Ici, sous cet épicéa, ce monde glisse peu à peu hors de sa conscience, comme ces tatouages sur son torse, qu'il prenait soin de renouveler précautionneusement, la peur au ventre, et qui se sont aujourd'hui estompés jusqu'à presque disparaître complètement de son épiderme. La lune, qui vient remplacer le soleil dans la grandeur du ciel qui surplombe le Nordique, perce timidement les nuages opaques qui précipitent la venue de la nuit. Alors, ce que l'enfant du Nord confondait avec le silence se révèle à lui : les criquets, qui profitent des dernières nuits clémentes de l'année, lui dévoilent leurs stridulations, et tout autour de lui prend soudainement vie. Dans les hautes herbes, on se faufile, on gratte la terre, on émet d'imperceptibles couinements. Dans les arbres, il entend le bruit de petites griffes qui hissent un corps frêle et léger jusque dans les hauteurs, d'où une pomme de pin tombe quelques instants plus tard. Qu'il est loin le brouhaha des tavernes, des rues animées de Kastalinn et de Stellaraë, des courtisanes et des porcs aux mains baladeuses. Où sont donc ces cohortes d'humains bruyants qui hurlent et se bousculent, qui s'effraient tant qu'ils érigent des murs vertigineux pour se préserver les uns des autres ? Ici, sous ces quelques conifères qui ont pris racine dans cet océan verdoyant, Shae se sent comme sur une île inaccessible, loin de toute cette folie dans laquelle il pensait se sentir épanoui. Quelques gouttes d'eau tombées de la voûte céleste précèdent le doux murmure de l'ondée légère qui se dévoue pour bercer la nuit de Shae Elendris, qui rejoint la chaleur de ses laines et de ses peaux de moutons. Bientôt, le faible crépitement de la pluie qui vient jouer avec les épines des épicéas apaise les rêves du Nordique qui est, cette fois-ci, vraiment de retour chez lui. |
| | | Shae ElendrisHabitant(e)
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| Sujet: Re: Les murmures de l'Automne [Solo] Hier à 9:55 | | | Glissant des terres d'Aràn plongées dans la nuit, l'humidité et le froid, vers les rivages changeants du monde des rêves, l'inconscient du dormeur le promène entre les voiles tel une étoffe légère qui s'envole au gré des bourrasques joueuses. Provenant d'au-delà de l'horizon, pleurées par les ombres les plus sombres que la nuit puisse projeter, des lamentations s'évadent des entrailles de la terre, de ce lieu dont les murs suintent de l'éther et dont le sol est souillé du sang des chérubins. L'écho des sinistres incantations se répète implacablement tel un refrain maudit, tandis que les symboles sibyllins qui se tracent dans les réminiscences creusent de profonds sillons dans l'âme ainsi marquée au fer rouge de leurs empreintes impies.
Sous des cieux sans étoiles où brille une lune immense et sans éclat, l'érudit et une fille aux yeux de feu sont noyés dans la noirceur d'un néant insondable où aucune lumière ne pénètre, le brasier des chatoyantes prunelles brûlant et flamboyant désespérément pour lutter contre l'obscurité qui cherche à les engloutir. Alors, les griffes de l'Immatériel s'emparent des fils dorés du destin qu'ils avaient tissés avec allégresse et les désagrègent sans pitié. Les mains de l’Intangible se joignent à celles de l'homme du Nord pour présenter la pointe de la lame glacée face à son propre cœur, et lorsque l'abomination souffle sur la dernière lueur d'espoir, sur la dernière braise encore chaude pour la soumettre, emportant au loin bonté et humanité, l'érudit envoie l'acier quérir l'élan qui lui permettra de s'enfoncer brutalement en ses chairs.
La lame déchire le voile, et Shae bondit d'effroi hors de ces couvertures de laine, ses terreurs courant dans ses veines au rythme frénétique des battements de son cœur. Perdu dans la nuit des plaines d'Aràn, où ses pieds nus frissonnent dans les hautes herbes détrempées, l'homme sans repères cherche désespérément une source de lumière qui saura le réchauffer et le rassurer, mais seuls la pluie et le vent glacial sont là pour l’accueillir dans les vastes étendues qui se perdent dans la noirceur environnante. Si le Nordique emprunte le chemin que lui tracent ces songes, alors cette froide nuit de solitude dans le noir et ces cieux ténébreux d'où tombent des torrents de larmes seront bientôt ses seuls horizons, son inconscient lui en hurle la certitude.
L'ondée et la fraîcheur de la nuit encouragent le chasseur à rapidement retourner à l'abri des ramures des épicéas pour ne pas tremper davantage ses vêtements et grelotter de froid, le Nord ayant ainsi bien vite ramené son enfant à la raison sous une voûte céleste trop assombrie par les nuées pour qu'on ne puisse deviner à quel point l'aube est encore hors d'atteinte. Ses braies et sa tunique étant désormais trop humides pour supporter l'attente de la chaleur de l'astre diurne, qui ne saura peut-être point se libérer des nuages et de la pluie, l'Arànien est contraint d'offrir son corps nu aux caresses impétueuses des vents nordiques avant de retrouver la protection de ses peaux et de ses couvertures de laine dans lesquelles il se blottit, frissonnant.
Heureusement pour Shae, la nature miséricordieuse retient ses eaux, et le conifère séculaire qui étend ses myriades de bras pour le protéger tient bon, seules quelques gouttes chutant ponctuellement de ses branchages généreux. L'Arànien aurait aimé rejoindre les rives chaudes et sèches de rêves ensoleillés qui l'autoriseraient à rester en leurs contrées oniriques jusqu'aux aurores, mais l'obscurité dans laquelle il est noyé s'avère bien pâle en comparaison aux terreurs cauchemardesques qui rampent encore en ses abîmes à cet instant. Alors, effrayé comme un enfant, Shae n'ose se rendormir de peur de se faire happer par celui qui y rôde. Pour calmer son esprit, le Nordique laisse ses pensées retourner à l'âtre grandiose du Logis du Chasseur, à ses flammes crépitantes et à leur souffle brûlant qui lui léchait l'épiderme, à la cohorte de Nordiques que ses souvenirs décrivent désormais comme rassurants. Ainsi, blotti dans le sanctuaire chaleureux où sa psyché se réfugie tandis que son corps se réchauffe au sein des peaux de moutons, peu à peu, l'érudit retrouve la sérénité.
Les dernières heures de la nuit furent pour l'homme du Nord l'occasion de réfléchir à ce qui l'attendait et de se confronter une nouvelle fois à la réalité de sa condition. Il n'était qu'un humain aux prises avec des êtres aux dons dépassant largement les siens, et si son intellect était plutôt remarquable, il restait une force dérisoire face à des démons clairvoyants et des abominations de l'Immatériel qui existaient depuis des temps immémoriaux. Quelles étaient véritablement ses chances de parvenir à tromper les uns ou les autres ? Son salut ne tenait-il pas simplement à la pitié qu'ils pourraient ressentir en le voyant aussi faible et vulnérable ? Le cœur de l'Arànien était aussi morose que l'aurore qui finit par pointer ses premières lueurs mornes, étouffées par une grisaille persistante. Shae puisa alors dans l'une des plus formidables ressources que sa condition d'humain lui offrait : sa ténacité. Agrippant les doutes et la peur qui enserraient son cœur à la force de sa volonté, il les envoya choir dans les sombres abysses desquelles ils s'étaient extirpés, et si le ciel se décidait aujourd'hui à garder jalousement les rayons de l'astre solaire pour lui, alors il ferait de ses espoirs et de ses inspirations le fanal qui guiderait ses pas plus loin vers le levant.
Comme si les plaines d'Aràn se montraient admiratives de la persévérance de leur enfant, elles laissèrent les nuages se disperser, abandonnant quelques brumes opaques qui continuèrent à hanter le relief sous les pâles rubis des cieux étincelants. L'âme vaillante et la flamme de sa détermination désormais ravivées, l'homme du Nord récupère vêtements, couvertures et peaux, puis se restaure avant de reprendre la route. Pour ravir ses papilles et préparer son corps aux efforts à venir, il dévore quelques morceaux de pain rustique qu'il agrémente de viande de sanglier séchée et d'un délicieux fromage de chèvre kastalinnois, l'eau fraîche et désaltérante de son outre coulant agréablement dans son gosier pour clôturer ce modeste festin. Quand bien même le chasseur nordique est entraîné et endurant, ses jambes mettront quelques kilomètres à faire taire les signes de fatigue hérités de la veille et à laisser son esprit se faire à nouveau subjuguer par les ravissants atours de l'automne. Ainsi, dans les bosquets que croise Shae Elendris, pins et épicéas balancent avec insolence leurs branches toujours luxuriantes aux vents du Nord, aux côtés des bouleaux qui se sont couronnés d'or et des sorbiers enflammés, créant des contrastes enchanteurs avec les plaines verdoyantes teintées de jaune et de brun qui s'étendent à perte de vue.
La radieuse étoile du jour se hissa au cœur de l'azur, accomplissant son voyage quotidien, réchauffant ponctuellement la peau du Nordique lorsque les nuées se laissaient transpercer par ses rayons ardents, évaporant l'humidité de ses laines exposées aux ondées éparses et à la sueur de son périple. Le soir venu, engagé dans son déclin, l'astre merveilleux se révéla d'humeur créative, ne se contentant pas de disparaître derrière un fantastique horizon de feu. Ainsi, alors qu'il plongeait vers les courbes aràniennes dans le dos de l'enfant du Nord, dont l'ombre s'allongeait vers les sombres montagnes de Kanaan, il projeta ses innombrables traits de lumière au travers du rideau de fines gouttes de pluie qui se dressait devant l'érudit, jouant avec l'eau de ses éblouissants faisceaux. Dans les mirettes de Shae Elendris se reflétèrent alors les douces couleurs d'un ravissant arc-en-ciel qui semblait se tenir debout sur les contours de sa terre bien-aimée, prêt à l'accueillir sous ses pieds immatériels. L'Arànien poursuivit son chemin à travers le vaste Nord, l'arc resplendissant se dérobant à lui à mesure que ses pas déposaient leurs empreintes dans les plaines, jusqu'à ce que les lueurs magnifiques se ternissent et disparaissent dans les trésors du couchant.
Tandis qu'il approchait d'un nouvel îlot d'arbres perdus au milieu des vastes mers verdoyantes et qu'il songeait à s'y installer pour la nuit, l'iris bleuté du Nordique fut attiré par une bâtisse en bois toute proche. L'édifice, isolé de la civilisation, ayant été construit par des mains habiles et persévérantes, offrait des murs composés de planches joliment ouvragées et de poutres en bois massif, probablement de l'épicéa au vu des teintes arborées. La structure de la demeure soutenait un toit pentu recouvert de chaume, d'où émergeait une cheminée en pierre de laquelle aucune fumée ne s'échappait en cet instant, et alors qu'il s'approcha davantage de la maison par son côté gauche, où il découvrit une petite niche qui trahissait la potentielle présence d'un chien, l'attention de l'homme du Nord fut saisie par l'une des fenêtres dont le verre était brisé, et à travers laquelle il décida de poursuivre son investigation. Même si la plupart des ouvertures vers l'extérieur étaient visiblement calfeutrées, la lumière diurne pénétrait la pénombre par la porte d'entrée laissée ouverte et par une autre fenêtre brisée sur la paroi qui faisait face au Nordique. La première chose que remarqua Shae en glissant ses yeux à l'intérieur de la petite maison, fut un corps étendu sur le sol à proximité d'une table et de bancs en bois renversés. En posant ses pupilles inquisitrices sur le reste de la pièce, l'érudit distingua des tiroirs ouverts et des étagères malmenées, mais pas âme qui vive.
L'Arànien projeta son regard sur les nuées qui grouillaient au sein de la voûte céleste. Au loin, une sombre marée approchait avec de nouvelles promesses de précipitations, et cette bâtisse, ou le bosquet tout proche, pourraient lui fournir un abri providentiel en cas de fortes pluies, pour peu qu'ils soient sûrs. Le chasseur fit le tour de la maison, et alors que son iris azuré scrutait le sol, il y découvrit des empreintes de pas de petite taille, potentiellement celles de gobelins. Arrivant devant l'entrée après avoir gravi trois petites marches en pierre, il vit la porte de la demeure et ses nombreux impacts d'armes, signes supplémentaires d'une attaque probable. Voilà hélas le prix de la tranquillité dans les Plaines d'Aràn, certes, on y trouve mille endroits accueillants et paisibles où s'installer loin de tout, mais le jour où un péril se présente à la porte du doux foyer, on se trouve bien vite démuni. Les gobelins ne se déplacent jamais seuls, malgré leur nature primitive ils ont bien compris que l'union fait la force et que l'individualisme ne peut triompher du nombre. Certains humains ont hélas tendance à l'oublier, et lui-même, qui se plairait parfois tant à vivre seul loin des siens, ne peut en cet instant qu'aspirer à revenir à de meilleurs sentiments vis-à-vis de son espèce. Certes, les hommes sont souvent agaçants, mais force est de constater que si cette charmante demeure avait été construite près d'autres habitations, les mouches ne seraient pas en train de pondre leurs rejetons dans le cadavre de son propriétaire.
Pénétrant dans la petite maison, Shae trouve bien vite la carcasse humaine qui gît au centre de la pièce, le tapis de laine brun clair sur lequel il repose étant couvert de la mare de sang dont il s'est gorgé au fil des heures. Le cadavre est affligé de nombreuses blessures : une flèche dans l'épaule, une autre sur le flanc, de multiples lacérations sur le buste et les bras, une trace de perforation dans l'abdomen, et enfin ce crâne qui a probablement subi les assauts répétés d'un gourdin. L'homme étendu ici semble avoir été la victime d'une véritable sauvagerie, et hélas, il ne semble pas avoir emporté ne serait-ce qu'un seul de ses agresseurs avec lui. Pour le moment, le corps ne dégage aucune forte odeur de décomposition, et il semble épargné par les mouches, signes que le drame est encore très récent. Le désordre qui règne dans le reste de la pièce suggère un pillage en bonne et due forme, le groupe de Peaux-Vertes est vraisemblablement reparti avec autant de nourriture qu'il pouvait en emporter, les stocks paraissant vides, rendant peu probable une nouvelle visite de leur part.
En inspectant le reste de la maison, le Nordique remarque une trappe au plafond à l'arrière de la pièce, il en déduit qu'il s'agit surement de l'accès au premier étage où se trouvent logiquement les couchages de la chaumière, en revanche, aucune échelle n'est visible pour l'atteindre. En attardant ses mirettes sur le plafond en planches de pin sylvestre, le chasseur remarque plusieurs impacts de lances qui ont tenté de passer au travers, lui suggérant que quelqu'un devait se trouver à l'étage, ou s'y trouve encore en ce moment même. L'Arànien perd quelques instants à inspecter les environs de l'âtre de la cheminée qui jouxte l'emplacement de la trappe, mais rien, toujours aucune échelle. Le plus simple sera encore d'utiliser les meubles pour atteindre l'étage supérieur, impossible, cela dit, d'accomplir cette tâche de manière discrète. Avant de se lancer dans un bruyant remue-ménage qui risquerait d'attirer sur lui une attention indésirable, l'homme du Nord préféra laisser sa voix plus discrète quérir l'ouïe d'éventuels congénères toujours vivants de l'autre côté des planches de ce plafond de bois.
- Je ne suis pas ici pour vous faire du mal, les gobelins sont partis. Si quelqu'un se cache là-haut, manifestez-vous.
Personne ne répond au Nordique qui, en attendant, jette furtivement un œil aux environs par les diverses fenêtres de la demeure, au cas où une menace rôderait, avant de revenir aux côtés du cadavre. L'homme étendu devant lui devait avoir approximativement trente ans, et même si l'estimation peut être hasardeuse dans sa position actuelle, ce Nordique semble être plus grand que Shae d'une bonne tête. De longs cheveux bruns cachent en partie son visage marqué par la mort, et l'œil exposé à l'iris de l'érudit, dévoile un vert aussi peu commun qu'attrayant. Shae aurait pensé que contempler ainsi un corps délaissé par la vie serait plus perturbant, pourtant, cette scène morbide semble glisser sur la surface de sa psyché sans parvenir à la pénétrer. Dans tous les cas, cette dépouille ne pouvait pas rester là, ne serait-ce que par respect pour le défunt il allait falloir l'enterrer, et vu son gabarit, traîner le corps à bonne distance de la demeure n'allait guère être une partie de plaisir. |
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