Le vent glacial soufflait à travers les arbres, portant avec lui des éclats de neige et des feuilles mortes. La forêt était silencieuse, endormie par l’approche de l’hiver. Ashaisha serrait son manteau de laine contre elle, avançant doucement parmi les troncs nus. À ses côtés, Tahko, son chat noir, marchait avec la même élégance que toujours, ses petites pattes laissant des empreintes nettes dans la neige fraîche. Ils avaient quitté leur petite maison au cœur de la forêt de sapins quelques heures plus tôt, à la recherche de racines comestibles, rares mais encore présentes à cette saison. L’élaphaure connaissait bien les bois : elle y avait grandi et avait appris à lire les signes que la nature voulait bien lui offrir. La journée avançait donc tout doucement, mais soudain, quelque chose d’inattendu attira son attention, alors que l’après-midi touchait à sa fin.

Un faible gémissement fendit l'air froid. La biche blanche s’arrêta net, tendant l’oreille. Le félin, toujours alerte, tourna la tête dans la direction du bruit, ses yeux verts perçant la brume légère.

- Tu as entendu, toi aussi, Tahko ? murmura-t-elle.

Le chat releva sa queue, signe qu’il avait repéré quelque chose. Guidée par le son, Ashaisha quitta le sentier pour s’enfoncer entre les arbres. Là, parmi les broussailles recouvertes d’un léger manteau de neige, elle découvrit une petite forme recroquevillée. Son souffle se coupa.
C’était une créature que l’hybride n’avait jamais vue auparavant. Elle ressemblait à un jeune canidé, mais son pelage était d’un bleu profond, presque translucide, comme si l’eau d’un ruisseau gelé avait pris vie. Des nageoires délicates, semblables à celles d’un poisson, frémissaient faiblement par endroit et sa queue ressemblait à celle des mammifères marins. C’était un hydrocyno, selon ce que Sipi lui avait expliqué sur cet animal rare et mystérieux. Mais ce qui frappa Ashaisha, c’était l’état de la créature : elle était blessée. Une large entaille barrait son côté, et son souffle était laborieux.
La biche s’agenouilla doucement, ses gestes mesurés pour ne pas effrayer l’étrange animal. Tahko s’approcha, curieux mais prudent, et s’assit à une distance respectable, observant silencieusement.

- Chut… Tout va bien, je ne vais pas te faire de mal, murmura Ashaisha d’une voix douce.

La créature ouvrit lentement les yeux. Ils brillaient d’un éclat violacé, empreints de douleur mais aussi d’une lueur d’espoir. L’animal émit un faible couinement, comme s’il appelait à l’aide. L’élaphaure ne perdit pas de temps. La jeune femme sortit une petite fiole d’eau qu’elle avait dans son sac, ainsi qu’un chiffon propre. L’hybride nettoya la plaie aussi délicatement que possible, utilisant ses connaissances de guérisseuse pour évaluer l’état de l’animal. Pendant tout ce temps, la créature restait immobile, comme si elle comprenait que cette étrangère cherchait à l’aider.

- Ça va aller… Tu es si fort, dit-elle encore, plus pour le rassurer que pour elle-même.

Après avoir désinfecté la plaie avec une infusion d’herbes qu’elle avait préparée plus tôt, elle sortit un bandage de son sac. Ses doigts étaient engourdis par le froid, mais Ashaisha persista jusqu’à ce que la blessure soit correctement pansée. Quand elle eut terminé, la créature sembla se détendre légèrement, son souffle devenant moins haché. L’hybride sourit, satisfaite.

- Voilà, petit. Tu es en sécurité maintenant.

Elle se redressa, observant la créature qui tentait faiblement de se lever sur ses pattes frêles. À sa grande surprise, l’animal ne chercha pas à fuir. Au contraire, il s’approcha lentement de l’élaphaure, frottant doucement son museau contre sa patte, comme pour la remercier. Tahko émit un miaulement d’approbation, brisant le silence. Ashaisha le regarda en riant doucement.

- Alors, tu l’aimes bien, toi aussi, hein ?

La nuit commençait à tomber, et le froid devenait plus mordant. Ashaisha savait qu’elle ne pouvait pas laisser l’animal ici. L’hybride ouvrit son manteau, invitant la petite créature à se blottir contre elle pour rester au chaud. L’hydrocyno hésita un instant, puis accepta l’invitation, se calant contre son ventre, ses nageoires repliées contre son corps.

- Viens, Nashoba, dit-elle soudain, le nom lui venant instinctivement.

La jeune femme ignorait pourquoi, mais ce nom lui semblait parfait. Avec son chat noir trottant à ses côtés et Nashoba blotti contre elle, Ashaisha reprit le chemin de sa maison. Elle savait qu’une nouvelle amitié venait de naître, et que cette créature mystérieuse jouerait un rôle important dans ses voyages. Mais pour l’instant, la jeune femme se contentait d’apprécier le poids rassurant de Nashoba contre son ventre, et le léger ronronnement de Tahko qui réchauffait l’atmosphère glaciale. Ensemble, ils disparaissaient dans les bois silencieux, sous les premiers flocons d’un hiver qui marquerait le début de quelque chose de grand.