Un silence tout relatif cela dit, car elle ne comptait pas partir sans avoir fait ses adieux. Un vivant aurait pu lui faire remarquer qu’elle vivait seule dans le manoir depuis des décennies déjà, mais il s’agissait d’une solitude aussi relative que le silence, car en effet, de nombreux fantômes hantaient le manoir et étaient sa seule compagnie et elle avait appris à apprécier les plaintes de chacun dont elle connaissait l’histoire. Elle savait qu’avec eux, le manoir serait sous bonne garde, ne sachant pas quand elle reviendrait.
Une dernière visite à chaque pièce, la salle de torture, le cabinet de musique ou elle avait pris deux instruments transportables, sa flute et son violon, et elle descendit l’escalier majestueux au tapis mangé par les mites, avant de se caler devant la porte. Igor, le fidèle, le seul qui l’accompagnerait dans son odyssée l’y attendait déjà.
Elle poussa les lourds battants qui grincèrent, évidemment, comme dans tout manoir hanté digne de ce nom, pour ôter de son cou une lourde clé qui y était pendue. Elle tourna celle-ci dans la serrure, scellant la porte.
« En route, mon cher ami, avant que je ne change d’avis. » dit elle, descendant les marches usées, la présence glaciale et rassurante du spectre sur ses talons. C’est qu’elle avait mis des années à prendre la décision d’explorer le monde, ou il y’avait des gens, donc des interactions sociales non prévues et non désirées, du bruit, du soleil !
Elle s’engagea dans la grotte après un dernier regard vers l’édifice en partie en ruines.