En cette belle journée, Jorün et quelques-uns de ses camarades mineurs avaient décidé de descendre des mines pour se rendre à la cité de BaldorHeim afin d’y prendre une pause bien méritée. Les fiers-à-bras avaient creusé la roche durant de nombreuses heures et leurs membres commençaient à les tirailler et leur caboche peser lourd sur leurs larges épaules.

Arrivant à la taverne, les travailleurs, firent comme d’habitude. Ils se présentèrent au comptoir, saluèrent le tavernier et les quelques têtes connues ci et là avant de se diriger vers une table suffisamment grande pour les accueillir. Alors que « Tête-de-Pioche » passa devant l’aubergiste, ce dernier l’interpella de sa grosse paluche posée sur le bois du bar. « Hé, « Tête-de-Pioche », attend voir deux p’tites secondes. » Le Nain se retourna alors, fronçant les sourcils en regardant le tenancier. « Si c’est pour m’demander d’payer les dettes des autres gaillards, oublie moi, j’ai pas qu’ça à faire. » Le tenancier ria fortement et secoua la tête. « Non non, chacun paye son ardoise, non j’ai autre chose pour toi… Tu vois la p’tite donzelle là-bas ? » Il montra d’un geste du menton la jeune femme installée seule à une table.

Jorün plissa les mires et observa la jeune demoiselle. Elle était belle, attirante et douce à première vue. Il pencha la tête de droite et de gauche et s’imagina un instant entendre le barman dire qu’elle cherchait un conjoint court de guibole. Le Nain sorti alors de sa torpeur quand l’aubergiste le secoua vivement par l’épaule. « Hé mon gars, t’as entendu ? » Jorün nia alors. « Elle a besoin d’un coup d’main, un gars qui connait bien l’coin et ses montagnes, elle est prête à payer pour ça… J’sais pas trop ce qu’elle compte faire, mais j’me suis dis que ça pouvait t’intéresser et j’te dis ça à toi et pas les autres… Car toi t’es réglo et t’as pas d’dette à me payer. » L’homme fit un clin d’œil à Jorün, mais ce dernier ne le remarqua pas, bien trop concentré sur la jeune femme aux cheveux d’albâtre.

De l’or pour guider une donzelle, voilà un travail facile et rapide. Le Nain, sans hésiter, s’éloigna du comptoir et s’approcha alors de la table où se tenait Alba, seule. Il se planta là, en silence, la regardant se perdre dans la lecture de son document. « Tête-de-Pioche » se lissa la barbe et émit un léger bruit pour signaler sa présence. « Bonjour m’dame, on m’a dit qu’vous aviez bien besoin d’un gaillard du coin. J’peux peut-être vous être utile ? » Puis il lui offrit un sourire commerçant, lui qui habituellement préférait se tenir à l’écart du monde, l’attrait de l’or le poussa à sortir de son confort.

Passant sa lourde pogne noircie sur son renifloir, y laissant une lourde trainée de poussière sale, Jorün observait la jeune femme assise. Son sourcil se redressa alors quand il l’invita à s’installer et il ne se fit guère davantage prier, posant son joufflu courbaturé sur le siège face à Alba. S’appuyant sur ses coudes, le mineur posa ses mires sur la jeune femme à la chevelure immaculée et sortit de ses songes que lorsqu’elle déposa entre eux deux une carte de la région du Baldor. Coulant alors son attention sur le papier il expira sèchement du nez. « J’connais bien l’coin, pour sûr ma p’tite dame ! » Levant un pouce dans sa direction.

« Y’a pas mal d’bestiaux dans les environs, surtout dans les montagnes. Ca dépend ce qui vous intéresse l’plus ? Si c’est l’rareté on a des viandards sans âge qui sortent d’la glace, ou des machins qui ressemblent à des cerf… Ou d’énormes piafs ! Y’a tout un tas d’choses pour sûr ! » Il renifla à nouveau, s’essuyant d’un revers de sa manche, étalant encore la saleté de la roche sur sa barbe. « Mais pour vous y guider, ma p’tite dame, va pas falloir avoir des piques dans vot’ bourse, car j’connais pas grand monde qui s’amuserait à faire l’tour des montagnes pour de simples jolies yeux. » Il la fixa alors, essayant de sourire à Alba, mais son regard ne pouvait se détacher des iris violettes de la jeune femme.