Enfin un nouveau coin que Nova n'avait pas encore exploré. Il s'agissait d'Isthar, un village qui se trouvait dans le sud de Dùralas. La ville n'était pas très... joviale. Elle était assez sombre, les maisons semblaient avoir été bâties puis peintes de suie. Peu de maisons claires, fleuries... Toutefois, les moyens avaient été déployés pour l'entretien des routes, de la pseudo propreté, du port et les bateaux qui se trouvaient amarrés n'étaient pas ceux de pauvres mendiants. D'ailleurs, des mendiants, elle n'en avait pas vu beaucoup, voire pas du tout. C'était la première fois qu'elle traversait une ville aussi clean de toutes parts.

A chaque nouvelle ville et village, Nova placardait sur ses murs, poteaux, sa petite note.

Citation :

Dùralassiennes, Dùralassiens,

Dans le cadre d'une analyse antrhopologique, Nova Avon, orc venant du centre, souhaite rencontrer diverses races prêtes à parler sans tabous, sans gènes de leur race, leur histoire, leurs impressions, leurs idées sur divers sujets.

Puis, à la main était rajouté en dessous de l'affiche sur un petit mot

Citation :

Retrouvez-moi à 11h la fontaine si vous êtes intéressés. Pas sérieux, s'abstenir. Je n'aurai sur moi ni mon argent, ni d'arme revendable, ni bijoux...

En effet, la suite de son message de base dépendait du contexte, de la ville, de l'ambiance qu'elle y sentait.

Elle avait laissé l'affiche au couché du soleil, puis avait intégré une petite chambre d'hôtel pour passer la nuit en sécurité. Le lendemain, elle avait exploré les ruelles avec un intérêt particulier pour les gens qui y divaguaient, et enfin, vers 10h45 elle s'était dirigée à la fontaine, sur laquelle elle avait prit place. Elle ne s'attendait jamais réellement à rencontrer quelqu'un, les gens n'étaient pas très réceptifs à sa demande, mais parfois, une personne curieuse se pointait, souhaitant voir unE orc pour de vrai.

L'armure ambulante était statique devant une petit affiche collé sur le mur d'une maison. Elle proposait une invitation de rencontre pour "parler sans tabous, sans gènes de leur race, leur histoire, leurs impressions, leurs idées sur divers sujets".
Sargas arracha l'affiche, la coinça dans sa ceinture, et se dirigea vers le lieu du rendez vous. Il n'était pas souvent venu à Ishtar, mais il savait que c'était une ville faite d'illusions. Et que de proposer un rendez vous comme cela était très dangereux, surtout si cette personne était vraiment une orc. Ou alors, Sargas s'apprêta à foncer droit dans un piège, mais ça, il avait l'habitude.

Les gens s'écartèrent sur son passage. Cette ville n'était pas habitué à sa présence. Une armure de deux mètre de hauteur pouvait faire peur, Sargas en était bien conscient. Mais au moins, ça lui facilitait la marche.

Enfin arrivé à la fontaine, il trouva une orc qui attendait, scrutant les gens, comme si elle analysait leurs moindres mouvements. Il s'avança.

- Vous êtes en danger.

Sargas pouvait être très habile pour combattre, mais pour parler aux femmes qui n’essayait pas de le tuer, c'était toujours assez compliqué.

Nova attendait avec patience, comme à son habitude.
Elle avait attrapé son balluchon accroché dans son dos, et avait fouillé dedans pour en sortir son petit carnet en papier recyclé. Il était brun, les feuilles étaient fines et rêches. La première page était cartonnée, et dessus, avec une écriture d'adulte, un peu en italique était marqué "Nova". Elle regardait ses pages un brin vides. Elle avait commencé à le remplir depuis qu'elle avait quitté le camp des orcs il y a quelques mois de cela. Ses impressions sur les villes, les gens qu'elle avait observé, sa page sur les Stryges noirs, celle sur les humains, celle sur les orcs évidemment. Elle y faisait des comparaisons, des questionnements...

Et alors qu'elle était super concentrée sur un petit couple nain/humain qui se roulait des galoches tant bien que mal contre un mur, les pieds ne touchant presque plus le sol pour l'un, une voix masculine vint péter son truc.

- Vous êtes en danger.

Elle releva alors la tête, très haute, afin de tomber sur le pseudo visage de son locuteur.

- Enchantée également. Puis elle enchaîna d'un ton joyeux. Boarf, à moins que vous ne comptiez le décapiter ou m'écraser sur la pierre en vous jetant sur moi avec votre armure, tout devrait bien se passer. Puis si on m'embête... mon papa m'a toujours dit de taper dans les roubignoles des monsieurs et elle posa sa main sur le gourdin accroché à sa ceinture.

Nova n'était pas du tout impressionnable, elle avait l'habitude du regard insistant des gens sur sa grande taille, sa carrure et surtout sa couleur de peau. Puis elle se permit de regarder au niveau de la ceinture de ce mystérieux personnage, attirée par un p'tit papier qui dépassait. Elle le lui arracha avec dynamisme.

- Oh, c'est mon annonce !

Elle le regarda droit dans l'casque et se releva, arrivant à sa hauteur.

- Prêt à en découdre mon chou ?

Elle adorait donner des petits sobriquets ridicules aux gens pour tester un peu leur réaction.

Sargas était silencieux et de marbre face à l’énergie débordante de.. L'armure pencha la tête pour lire sur le carnet.. Nova. Il ne savait pas quoi dire d'utile et ne lâcha qu'un soupire silencieux dans don casque.

- Désolé d'avoir été aussi abrupt. Mon nom est Sargas. Je vous propose de changer d'endroit, par exemple une auberge ou une taverne. Je suis assez mal à l'aise avec autant de monde autour de moi.

Sargas se retourna, prêt à partir.

- Si vous vouliez connaitre de nouvelles choses, je peux vous montrer quelque chose que vous n'êtes pas prête d'oublier.

Le protecteur ne cachait plus vraiment son secret. Il savait qu'un jour ou l'autre, cela se saurait. Et cette jeune orc ne semblait pas savoir ce qu'il l'attendait à rester seule, même avec autant de monde.

Avant de répondre aux blablas de Nova, le grand bonhomme loucha sur son carnet. Il n'y avait rien à y lire à part son nom, qui avait été donné sur les affiches. Il ne semblait pas rigoler, et invita Nova à le suivre. Deux options s'offraient à Nova dans sa tête d'orc. 1- Tout allait bien se passer, ils allaient se rendre dans une taverne, boire une choppe de bière bien grasse, se taper dans l'dos comme de vieux amis, s'raconter leurs secrets et parler des beaux garçons à la table d'à côté. 2- Il allait l'emmener dans une ruelle sombre, où ses copains les loups les attendaient, et puis, elle perdrait ses membres un à un, arrachés avec délicatesse, pour que ses yeux soient finalement gobés...

- J'vous suis !

Au point où elle en était, il fallait qu'elle fasse confiance, c'était les risques du métier. Mais Nova tentait de deviner la race de cet étrange personnage. Sous son armure, difficile de devenir de quoi il s'agissait.

Une chose qu'elle n'était pas prête d'oublier... Tellement distraite, elle en oublia son balluchon sur la fontaine, fit demi tour, rattrapa le sac, puis retourna à la hauteur du tas de féraille ambulant qui, tel Moïse écartant la mer, écartait les foules.

- Hé, bien joué l'ami, tu fais plus d'effet que moi sur les gens.

Elle tapota sur la carcasse du bonhomme qui sonna comme creuse.

- Pas trop chaud là d'ssous ?

Tout deux avançaient et s’enfoncèrent dans une petite rue pavée.

Nova avait accepté de le suivre. Sargas était rassuré de ne plus rester à la vue de tout le monde. Il n'avait pas peur des assassins ou des chasseur de prime, mais il ne voulait pas mettre l'orc en danger.

- Hé, bien joué l'ami, tu fais plus d'effet que moi sur les gens.

Sargas sourit sous son casque, c'est le genre de remarque inhabituelle qui lui faisait presque plaisir.

- Pas trop chaud là d'ssous ?

- Non, cette armure est comme ma peau. Je suis plus à l'aise avec que sans.

Sargas trouva alors une petite auberge qui avait l'air quasiment vide. Un endroit parfait pour discuter autour d'un plat ou d'une boisson. Le protecteur ouvrit la porte et laissa entrer l'orc en première.
L'auberge était petit mais accueillante. Elle possédait quelques tables et un comptoir ou quelqu'un était en train de lire un livre.

- Tu veux boire quelque chose ?

Sargas n'était pas sûr, mais c'est le genre de phrase que les personnes disent quand ils invitent quelqu'un dans une auberge ou une taverne.

Les deux personnages étaient arrivés dans une sorte d'auberge. Pas étonnant qu'elle soit vide. Déjà, c'était la fin de matinée, peu de gens fréquentaient un lieu pareil à une heure comme celle-ci. Et puis, c'était glauque. Les bouteilles derrière le comptoir étaient poussiéreuses, certaines étaient débouchées et une couche d'un liquide suspect était couché sur le contenu indiqué. Les tables étaient sales d'une beuverie probablement datant de la veille au soir.
Nova et le bonhomme s'installèrent au comptoir, sur deux tabourets en bois grinçant. Lui, il avait l'air satisfait, mais elle l'était moins. Toutefois, elle importait peu à l'endroit, mais plutôt au contenu de leur future conversation. Quelqu'un était en train de lire un bouquin à la lueur d'une petite lampe tristounette. Nova nota rapidement deux trois bricoles sur son carnet, comme le fait que l'homme comparait son armure à sa peau, le fait qu'il soit galant malgré une maladresse constatable...
L'orc hésitait à accepter l'offre de mr acier.

- Un... thé ? Merci, c'est gentil de proposer.

Elle se dit que faire bouillir de l'eau et ajouter quelques herbes ne devrait pas l'empoisonner.

- Et vous ? Toi ? J'peux tutoyer ? J'ai du mal avec le vouvoiement...

Mais elle n'attendit pas la réponse et enchaîna

- C'est quoi ton nom au fait ? Il faut commencer par le commencement...

- Sargas. Par contre, je n'ai aucun souvenir exact de mon nom.

Deux tasses de thé arrivèrent devant eux, déposé par la personne qui lisait peu de temps avant. Sargas hocha la tête comme remerciement, et continua.

- Si tu te demandes ce qu'il y a sous cette armure, il y avait un humain. Un ancien combattant. Un chef de guerre. Mais cette époque remonte à deux siècles.

Sargas remonta un peu son casque pour ne dévoiler que la partie inférieure de son visage. La peau du protecteur était gris bleuté, parsemé de veines violettes. Il prit alors la tasse et prit quelques gorgées du thé encore brûlant sans sourciller.

- Je suis mort il y a de cela 200 ans.

Les paroles de Sargas étaient inattendues, mais pas spécialement surprenantes pour autant. Sur cette planète il existait beaucoup de races plus surprenantes les unes que les autres, mais Nova ne s'était pas attendue pour autant à discuter avec un mort, humain. Elle avait déjà croisé des vampires, qui sont morts également, mais qui n'avaient jamais eu cette "sympathie".
Nova loucha sur son thé fumant, elle le porta à ses lèvres et le reposa instantanément faisant mine de n'avoir rien senti. Elle n'en avait pas bu une goutte, s'étant cramé le bout des lèvres avant. L'odeur était aussi spéciale que le thé qu'elle avait bu en compagnie de Xia, une petite humaine rencontrée au lac Fresha il y avait quelques mois de cela.
L'orc attrapa son carnet et griffonna "insensible à la douleur" puis reposa le carnet sur le comptoir en soufflant dans sa tasse.

- Enchantée, moi c'est Nova, mais vous aviez du vous en apercevoir déjà...

Puis elle réalisa ce que Sargas venait de dire et haussa les sourcils. Elle réalisa également qu'elle alternait le tutoiement et le vouvoiement, peut-être un peu impressionnée par le machin.

- 200 ans ? Nom d'un slip décousu... mais... c'est arrivé comment ? Combien de temps allez-vous rester comme ça ?

Nova posa le doigt sur un sujet intéressant. Sargas n'avait aucune idée du nombre de jours, mois ou années qui lui restait à "vivre". Et bizarrement, ça importait peu pour le protecteur. Il s'était fixé un objectif personnel, et il ne comptait ne se limiter qu'à ça pour l'instant.
Sargas reprit une gorgée et répondit.

- Je suis mort après avoir tué des centaines de stryges noirs. Je me suis éteint dans la neige, dans les montagnes du Baldor. Et après un long sommeil, je me suis réveillé au milieu de cadavres qui portaient des dagues et des toges. J'en ai donc conclu que j'ai été ramené à la vie grâce à la nécromancie.

Sargas vida sa tasse de thé et remit son casque correctement.

- Maintenant je voyage, aidant un maximum de personne, tuant des monstres et des abominations pour protéger les faibles. Je ne sais pas encore combien de temps je vais faire ça, mais j'espère juste que je pourrais continuer ça encore quelques temps.

C'était un sujet intéressant ce Sargas. Un justicier mort. Mort après avoir tué par centaines. Nova se demandait alors si c'était légitime de sa part de dire qu'il souhaitait protéger les faibles. Une sorte de façon de se faire pardonner de ces actes ? Hm, non, puisqu'il ne semble pas avoir de regrets.
Nova connaissait un stryge blanc, Wound, mort sous ses yeux. Elle n'en avait pas eu de nouvelles depuis des mois mais s'adaptait à la situation, préférant aller de l'avant. Il lui avait raconté son aversion pour les Stryges noirs qui pour lui étaient de mauvaises personnes, mais Nova n'avait jamais eu l'occasion d'en rencontrer un.

- Pourquoi avoir tué ces Stryges ? Qu'ont-ils fait ?

Puis elle se remémora le courrier qu'elle avait reçu concernant un recrutement de "régulateurs", l'orc pensa alors qu'il en faisait parti. Mais elle ne dit rien à ce propos pour le moment, préférant avoir déjà ses réponses et ne pas s'égarer de son sujet. De plus elle ignorait de qui venait ce courrier, comment et pourquoi elle avait été contactée, et du coup, elle était curieuse...

- Pourquoi avoir tué ces Stryges ? Qu'ont-ils fait ?

Sargas baissa la tête, un peu honteux.

- La guerre. Nous nous battions pour venger ceux qui avait été tués. Une guerre contre les hommes et les stryges noirs. Une guerre que personne ne se souvient. A cette époque, je ne me battais pas pour mes principes. Je ne faisait qu’obéir aux ordres, comme un sinistre chien de combat. C'est pour ça que ma mère a été une première bénédiction. La deuxième fut ma réanimation pour que je puisse me racheter. Et la troisième..

Posa sa main sur son autre main. La main ou figurait quelques chose d'important pour lui.

- La troisième bénédiction fut d'être accepté et apprécié comme je suis. Par des gens, une famille.

Cette boîte de conserve s'avérait être gentille et sensible ? Pas du tout l'image que Nova s'en faisait lorsqu'elle l'a vu pour la première fois en lui annonçant qu'elle crèverait si elle restait là où elle se trouvait à ce moment.
Nova continua de gribouiller des bricoles dans son petit carnet, mordillant son crayon entre deux aveux de Sargas.

- Pourquoi porter cette armure ?

L'orc tenta une nouvelle fois de boire le thé chaud, mais il planta le bout de son auriculaire avant. Encore trop chaud. Elle apporta alors la tasse à ses sa bouche pour souffler dessus. Au même moment, le lecteur du comptoir fit glisser une nouvelle tasse devant Sargas. Nova d'un petit geste de la main laissa deviner à leur hôte que l'addition serait pour elle à la fin.
Et alors que l'homme semblait réfléchir et prêt à répondre à sa question, elle enchaîna.

- Pourquoi m'avoir dit que je risquait ma peau, c'est quoi ce village ?

L'orc semblait vraiment intéressée par l'histoire de Sargas. Les questions et le fait qu'elle note beaucoup de choses sur son carnet était sûrement bon signe. Il réfléchit quelques temps avant de répondre à ses deux questions

- En plus de me protéger des attaques, et du fait que je ne ressente pas ou très peu la douleur, elle permet aussi de cacher ma peau et d'imposer l'impression que je suis invincible aux ennemis. Le moral est très important sur le champ de bataille, et voir une armure se battre malgré le nombre de flèches et d'épées plantées dans son corps, c'est très démoralisant pour ceux qui sont en face.

Sargas marqua une pause en touillant son thé et continua.

- Mais en ce qui concerne la ville, je ne sais pas grand chose. Je suis venu ici qu'une fois, c'était pour aller à Wysteria. Mais je sais de sources sûres que c'est ici ou le taux de racisme est le plus élevés et que ceux qui ne sont ni humain, elfe ou nain ont le plus de chance de perdre subitement la vie. Il parait qu'une secte est située dans les parages et que c'est à cause d'elle qu'il y a autant de disparitions.

Nova n'avait pas entendu parler de ces dites disparitions, mais imaginait mal des gens kidnapper l'orc. Comment pourraient-ils êtres discrets avec cette masse bleutée aux cheveux rouges si ce n'était de nuit... Mais vadrouilleuse dans l'âme, elle savait pertinemment qu'il était fortement déconseillé de s'aventurer de nuit dans une ville qui lui était inconnue, et elle ne le faisait pas.

- Tu étais guerrier "à plein temps" avant ? Ou tu avais une occupation ? Et maintenant, pour "vivre", tu fais quoi ? Puis elle réfléchit un court instant à sa question. As-tu besoin de te nourrir d'ailleurs ? Puis elle regarda Sarga touiller son thé. Buvait-il pour le principe de boire, où son corps nécessitait tout de même quelques apports nutritifs pour ne pas mourir pour de bon ?

Elle remarqua qu'elle avait l'art d'enchaîner les questions, mais n'était-ce pas le but de cette rencontre ? Puis l'orc était curieuse, et elle était également un peu tête en l'air, quand on question lui passait par la tête, il fallait qu'elle la pose avant de l'oublier.

Elle réitéra sa tentative de boire son thé sur lequel elle soufflait depuis quelques minutes déjà, puis elle réussi à en boire une gorgée.

- Tu étais guerrier "à plein temps" avant ? Ou tu avais une occupation ? Et maintenant, pour "vivre", tu fais quoi ? As-tu besoin de te nourrir d'ailleurs ?

- Oui, la guerre était mon métier. Je n'avais aucun loisir ou occupation. Que la guerre. C'était vraiment une triste et sinistre vie.

Sargas souleva à nouveau son casque et bu quelques gorgées de thé.

- Maintenant, je fais partie de la Garde Royale. Mais j'y ai imposé mes propres conditions. Je ne reçoit aucun ordre direct. J'entrainement seulement les recrues. Et sinon, je n'ai pas besoin de me nourrir. Je peux rester des mois sans manger ni boire, mais j'ai toujours l'impression d'avoir faim, et en plus, j'ai encore le goût des aliments, donc c'est parfait. Je mange quand je veux.

Sargas lâcha un petit rire grave et prit une autre gorgée de thé.

Dès que Sargas ôtait le bas de son heaume, elle tenait de voir le visage de cet homme. La peau semblait être particulièrement claire, voire translucide.

- La guerre, le combat, la souffrance, tout ça, c'était un choix ? Ou bien tu as grandit de façon à vivre une vie aussi sinistre ?

Nova avait choisi de reprendre les mots de Sargas afin de ne pas le froisser.
Elle se demandait également si parler de son passé très antérieur l'embêterait mais il fallait tenter le coup.

- Quelle est ta relation avec les Stryges noirs à présent ?

Le thé avait un goût surprenant, et Nova essayait d'en deviner le contenu, un arrière goût de gingembre apparaissait.

- La guerre, le combat, la souffrance, tout ça, c'était un choix ? Ou bien tu as grandit de façon à vivre une vie aussi sinistre ?

- Hmm j'imagine que j'aurais pût partir de l'armée, mais.. je ne savais pas quoi faire d'autre. Depuis que je suis enfant j'ai été entraîné à me battre, donc j'ai pas vraiment cherché à m'enfuir. Pour moi, c'était ce qu'il y avait de mieux à faire.

- Quelle est ta relation avec les Stryges noirs à présent ?

Sargas prit une nouvelle gorgée de thé. Les questions de l'orc devenaient de plus en plus compliqués, mais aussi intéressantes. Ces questions permettaient à Sargas de réfléchir sur sa condition et sur son avenir. Ou sur ce qui ressemble à un avenir.

- Je ne vais pas dire que j'en inviterai un à boire un verre, mais je ne vais pas non plus en couper un en deux à vue. Mais à vrai dire, je les trouve toujours un peu étranges. Puis bon, leur délire d'être "méchant" parce qu'ils ont des ailes noires.. Ils ont quel âge sérieusement..

Le protecteur soupira et prit une autre gorgée de thé.

Nova sourit aux réponses de l'homme masqué. Tout en écoutant ses paroles, elle bu son thé et en observa le fond avec une once de dégoût. Un drôle de dépôt marron s'y trouvait, et ne semblait pas dater du jour. Elle sortit alors un petit couteau à bout rond qu'elle avait trouvé un jour en forêt et qui ne servait à rien qu'à tartiner son beurre, puis elle gratta le fond du verre. Elle ne voulait pas réellement savoir ce que c'était, mais elle souhaitait plutôt éviter à la prochaine personne qui utiliserait ce verre de subir le même traitement.

L'orc pouvait imaginer l'éducation du jeune Sargas à l'époque où il perdait encore ses petites dents, depuis gamine Nova avait été éduquée à utiliser l'arme, chasser, épier, de préférence les dragons, mais elle n'avait pas apprit grand chose au combat, ayant rarement eu l'opportunité de casser des écailles... Elle ne pouvait porter de jugement aux parents (ou au maître d'arme) sans juger ses propres pairs. Alors elle se contenta de ne rien dire, qu'aquiescer, poser sa tasse avec le couteau dedans et gribouiller dans son carnet. Puis elle releva les yeux sur la féraille. Elle se demandait si elle était capable de lui demander d'ôter son casque pour qu'elle puisse voir son visage, mais elle préféra attendre.

- Une question qui n'a rien à voir. Que penses-tu des femmes dans le domaine du combat ? Et quel est ton opinion sur les peaux-vertes en général ? Puis elle posa son index et son majeur sur sa tempe et son coude sur le comptoir d'un air inintéressé et ajouta avec insistance : Ne réponds pas ce que j'ai envie d'entendre, dis-moi ta pensée.

Un petit sourire en coin s'afficha sur le visage de Sargas.

- Les femmes ne sont pas bonnes pour faire la guerre. Elles n'ont pas leur place sur le champ de bataille et valent moins qu'un homme lorsqu'elles ont une épée dans les mains.

Sargas lâcha un petit rire taquin.

- C'est sûrement le genre de conneries que j'aurais pu sortir avant ma mort. Mais il faut dire que je ne voyageais pas beaucoup. Depuis, j'ai rencontré des tas de femmes qui peuvent sûrement me pourfendre avant même que je puisse réagir. En ce qui concerne les peaux vertes..

Le protecteur se remémora quelques souvenirs d'avant mort.

- Ce sont de très bon amis. Je les ai toujours portés en affection. Pour plusieurs raisons. La première, c'est qu'on marchandait beaucoup avec eux, vu que pas mal d'entre eux étaient nomades dans le désert d'Harena. Et la seconde, c'est que mon meilleur ami d'enfance était un orc. C'est avec lui que je m’entraînais le plus souvent. Par contre, il était beaucoup trop curieux. Et ça lui a valu des tas de problèmes. Mais bon, j'ai l'impression que c'est quelque chose que les orcs partagent.

Sargas sourit à Nova et vida une nouvelle fois sa tasse. Son visage redevenait soudainement sérieux.

- C'est que vous avez eu des problèmes avant pour poser ce genre de questions, ou bien c'est juste par curiosité ?

Alors que Sargas répondait dans un premier temps avec ce ton cynique et sérieux que Nova détestait tant, elle comprit que ce n'était qu'une petite blaguounette de mauvais goût, mais se rassura et desserra son poing planqué sous le comptoir. Il faut dire que ce genre de choses passent crème lorsqu'on peut voir l'humour dans le regard de quelqu'un, mais vu la situation...

Nova imagina rapidement Xia, cette petite nana qui ne semblait pas en mener bien large et qui avait éclaté la tronche d'un singe à la noix en une fraction de seconde et l'avait éventré et dépecé sous ses yeux. Elle déglutit presque de peur des femmes et leur cruauté et elle fini par lâcher un sourire en coin, sachant qu'elle faisait la même chose des sangliers qu'elle chassait.

- Je sais pas si la curiosité d'un orc est une généralité, si c'était le cas ils seraient plus connus sur cette planète et on les enverrait moins chier avec leur couleur de peau caca d'oie et leurs dents de mammouth... Puis, j'ai une excuse ! Elle prit un faux air hautain et sérieux, lançant d'un revers de main une de ses tresse derrière son dos et s'épousseta l'épaule. Je suis une analyste en herbe ! Sa voix aussi avait été transformée et avait prit des sonorités très bourgeoises. Puis elle lâcha un petit éclat de rire et reprit.

- Les orcs sont des cons. Ils sont machos comme c'est pas permit. Mais je les aime bien, j'compte bien m'entraîner, prendre du poil de la bête et leur coller une grosse branlée en leur faisant une p'tite leçon de morale comme il se doit ! Elle sourit à nouveau en imaginant la scène, le regard dans le vide.

Une petite araignée noir grimpa sur sa main qu'elle leva alors pour voir la bestiole dégringoler, perchée sur son fil. Nova attrapait alors indéfiniment le fil en louchant à moitié, dans l'espoir de voir la fin de celui-ci arriver mais constata que c'était une ressource infini chez ces machins.

- Et les gonzesses dans le domaine de la baston, boarf, j'en vois pas mal, mais mes questions rentrent toujours dans le cadre de ma pseudo enquête. Tes réponses sont intéressantes à collecter

Nova posa à terre l'araignée et la regarda filer à toute allure.

- As-tu connu l'amour depuis que tu es... mort ? Est-ce une chose qu'un mort s'autorise ?

Spoiler:

Sargas écouta l'orc, les coudes posés sur le comptoir. Son avis était bien tranché sur beaucoup de choses. Et c'est aussi le genre de personne qui semble se laisser distraire par quasiment n'importe quoi, sans pour autant perdre le fil de la discussion.

- As-tu connu l'amour depuis que tu es... mort ? Est-ce une chose qu'un mort s'autorise ?

- Même avant ma mort, je n'ai pas connu l'amour. Mais à vrai dire, je voyais ça plus comme un fardeau qu'autre chose. Mais maintenant, même si j'ai plus de temps pour y consacrer, pas sûr que quelqu'un de vivant veuille de moi. Pas spécialement à cause de ma condition, mais surtout à cause du fait que je ne suis pas fait pour ça.

Sargas regardait le dos de sa main encore une fois. Il imaginait la forme du symbole qui s'y cachait.

- Qui voudrait de quelqu'un ayant été élevé pour tuer, pour se battre et pour mourir au combat ?

Un soupir de soulagement sortit du casque en métal.

- Personne j'espère !

Le protecteur sourit sous son heaume.
Les heures et les questions passèrent comme les dimanches d'un étudiant. La nuit était tombée depuis quelque temps déjà, et les deux aventuriers se trouvaient devant une assiette vidé par la faim qui s'était accumulée à force de discussion.

- Je pensais pas que c'était possible, mais je suis calé.

Sargas regarda machinalement par la fenêtre de l'auberge et observa les rues complètement vides d'Ishtar. Seulement quelques personnes se promenaient, avec une allure un peu étrange et des vêtements plus que louche. Le protecteur se tourna alors vers Nova.

- J'espère que tu n'as plus de questions, parce que je commence à avoir mal à la gorge à force de raconter ma vie..

Alors que les dernières questions s'étaient enchaînées à la pelle, Sargas avait plutôt été expéditif pour clore la conversation, à la grande surprise de l'orc qui avait noté encore tout plein de petites choses à demander. Il est évident que plus on pose de questions, plus d'autres déboulent dans la tête, et ça peut durer des heures. Mais l'orc suivit le regard (enfin, le sens du heaume) de Sargas et ses yeux se posèrent à leur tour à l'extérieur et la nuit était tombée. Toutefois, il fallait maintenant retrouver son petit gîte et son lit bien douillet. Puis dans ses pensées, Nova se leva machinalement, pensant à ce que l'homme de fer lui avait répondu au sujet des amourettes. Que c'était triste de ne jamais avoir connu un tel sentiment.
La mine triste de compassion, la nana aux cheveux de feux se frotta les fesses afin que le sang se remette à circuler à l'intérieur de celles-ci et lâcha un bon p'tit rototo qu'elle tenta de camoufler illico en tapant dans le tabouret, qui au lieu de simplement venir se frotter au parquet en grinçant un peu, se brisa en tout plein de morceaux.
Nova soupira en regardant le plafond. Oh, la belle toile d'araignée !
Elle fit coucou au plafond dans l'espoir que sa petite araignée du midi habite dans les parages et puis elle regarda Sargas qui avait l'air, malgré son armure, un brin perplexe, la tête légèrement penchée.
Nova avait un peu honte, alors qu'elle avait presque réussi à faire bonne figure jusqu'ici.

- Merci en tout cas pour avoir passé toutes ces heures en ma compagnie, j'espère ne pas t'avoir empêché de vaquer à tes occupations, si il y avait.

Elle sortit de son balluchon quelques pièces qu'elle posa sur le comptoir. Elles furent réquisitionnées en moins de temps qu'il ne fallait pour dire "Globudiguligargitation".

- Tu pars dans quel sens ?

- Tu pars dans quel sens ?

- Aucune idée, je vais sûrement remonter vers Stellaraë..

Les deux aventuriers sortirent de l'auberge. Sargas soupira, presque comme à son habitude. La nuit était fraîche, mais agréable.

- Bon hé bien..

- Hé, tas de ferraille !

Sargas se retourna. Trois hommes en toge blanche s’avancèrent vers eux. L'un des trois semblait être plus silencieux que les deux autres, et restait un peu à l'écart de quelques mètres. Il était habillé un peu différemment et possédait un cimeterre à sa ceinture alors que les deux autres ne semblaient être armés que de dagues.
Le protecteur se racla la gorge bruyamment.

- Je peux vous aider ?..

Il ne savait pas pourquoi mais ces habits ne lui était pas inconnus, ni même les dagues qu'ils portaient.

- Si tu nous suis sans faire d'histoire, on vous fera pas de mal à toi et l'autre abominable là.

Sargas soupira encore une fois. Il posa sa main sur Léviathan sans la dégainer et regarda Nova.

- Tu entends ça Nova, ils veulent nous faire du mal. Qu'est ce que tu en penses ?

A peine étaient-ils sortis de l'auberge, le ventre bien plein de plein de bonnes choses (ou presque, vu l'état du machin), que les trois mousquetaires débarquèrent comme des fleurs en provoquant Sargas et Nova. Les yeux bien ronds, elle regarda alternativement les trois hommes et Sargas. Rien de bon ne semblait arriver. La rue était autrement vide, pas un chat, même pas un vieux rat qui ferait les poubelles avoi

- T'as un problème vieux furoncle moisi ? Nan mais je rêve, d'où tu causes comme ça, t'es pété du goliwog mon gros !

L'orc avait beau être une pacifique des armes, elle ne manquait jamais d'un vocabulaire insultant et surprenant, qui dans la majeure partie des cas lui valait des moqueries.
Voyant que Sargas s'était contenté de poser sa main sur son arme, Nova en fit autant.

- Tu les connais les trois drôles de dames là ? Demanda t-elle au tas de ferraille sans même regarder les bonhommes