Fin du combat

Une flaque de sang se formant à ses pieds, Alrun se tenait face à son adversaire défait, la gorge tranchée. Ses yeux dilatés fixaient le liquide vital s’écouler de l’entaille propre, claire, profonde. Sa respiration rauque et sifflante laissait s’échapper des chapes de fumée blanche dans la fraicheur de la nuit tandis que son regard reflétait l’objet de son attention… de son désir… de sa faim.
Elle avait déjà eu l’occasion de gouter le sang humain. Même celui d’autres races. Les possibilités avaient été bien nombreuses en plus de six siècles d’existence…
Si son ouïe perçut la victoire de son allié par le bruit mat d’un corps chutant au sol, elle ne détourna le visage de sa macabre contemplation et s’humidifia les lèvres, s’imaginant le goût d’un tel met… Le sang riche et dense sécrété par un corps non animal était fort appréciable, et se trouvait être ce que serait de l’eau de puits face à la saveur de l’hydromel.

En phase avec son cœur battait sa sourde douleur au ventre, accentuée par une faim croissante. Elle clôt les paupières, pensive, puis dans un geste quasi respectueux, se pencha sur le cadavre et plaça avec délicatesse ses lèvres sèches sur le cou entrouvert. Le liquide vint emplir sa bouche avec suavité, et caressant sa langue avide de ce si rare breuvage tandis que son visage empruntait peu à peu une expression d’allégresse, chassant l’adrénaline du combat.
Cela faisait tant d’année qu’elle n’avait bu quelque chose d’aussi gouteux ! A la saveur de fer se mêlaient d’autres notes plus nuancées : légèrement sucré, un peu acide sous le palais, encore chaud dans la gorge…

Et lorsque le flux se tarit, un long soupir euphorique franchit ses lèvres de sang. Elle laissa encore un instant ses paupières closes, savourant les dernières traces du breuvage…
Puis se releva.
Un grand sourire vint trancher son visage semi-millénaire et ce furent deux yeux d’un rouge de feu qui observèrent l’humain. Alrun se tenait face à lui, nonchalante et encore emplie d’une énergie nouvelle, grande et digne dans sa tenue noire malgré les sillons sanglants traversant sa peau albâtre, couverte de toute cette aura acquise au fil des siècles.

Un bref instant, elle emprunta les expressions faciales du regret et sans un bruit sinon le froissement de sa robe, la vampire rejoignit les ombres.
Tant pis pour l’auberge. Elle logerait ailleurs, une fois plus présentable : nul besoin de se faire remarquer plus que cela ou risquer de voir cet humain la suivre.
Elle était une âme solitaire.
Une ombre oubliée.