”Messire Urua,

En tant que camarade dragonnière et de l’Institut de magie, j’aimerais solliciter un moment de discussion avec vous. J’aimerais rejoindre la Garde Zéphyr et Holy m’a déjà signalé votre appartenance à cette faction. Je vous attendrais sur la Grande-Place d’Endorial, près de la fontaine centrale, le jour de la prochaine pleine lune. J’espère sincèrement vous y voir,

- Eyara"

Voilà le court message que la renarde avait donné à un messager de la Garde Zéphyr quelques jours plus tôt. Elle avait fait son choix quand à la faction à joindre, mais ne savait trop comment faire. Et Holy n’étant pas là, qui de mieux que l’homme lion pour lui enseigner ce qu’elle cherchait ?

L’harenienne avait donc ce matin-là préparé quelques jouets pour ses filles dans un sac avec une immense couverture et un repas, et demandé à PetitTembour d’emporter ce qu’il voulait pour occuper sa journée.


Une fois la couverture bien à place sur le sol herbeux de la place, la maman y déposa ses filles. Désormais âgées de sept mois, les petites arrivaient à rester assises. Curieuses, leur regard se portait sur tout et n’importe quoi. Bien sûr, la maman leur avait apporté quelques jouets en bois sculptés de ses propres mains : blocs, figurines pas trop petites pour elles, hochets, etc … Bien entendu, Eyara jouait tour à tour avec chacune d’elles, tout en gardant un œil sur le troisième enfant qui l’accompagnait.

L’enfant humain, qu’en à lui, s’était assis sur la margelle de la fontaine et pratiquait son numéro de flûte. La maman lui avait cependant interdit de prendre l’instrument enchanté que lui avait offert la virtuose. Ce n’était pas le moment de provoquer un accident. Et au moins, le petit pouvait se faire quelques sous avec ce que les passants lui offraient. Là, c’était bien sur l’idée de PetitTembour et non la sienne, mais Eyara n’y voyait pas d’inconvénient. Qui sait, peut-être que l’enfant pourrait accompagné Holy, voir faire son propre numéro lors du prochain spectacle.

Cherchant de temps à autre dans la foule sur la place, la renarde cherchait le lion du regard.

Au final, ce fut le Löwen qui les trouva. Ses oreilles, puis son visage, se tournèrent vers lui.

- Bonjour Eyara, bonjour les enfants. Je vous invite ?

Il lui pointait un petit troquet non loin, où la petite famille pourrait discuter tranquillement avec le Seigneur Sylvestre. Pourquoi pas après tout, si Urua considérait l’endroit plus agréable. Il connaissait mieux l’endroit qu’elle aussi. Le seul hic, c’était Jamila. Plus timide que sa sœur, la petite rouquine tendit les bras vers sa mère, en larmes, espérant avoir son attention. Eyara la prit bien entendu aussitôt et tenta de la consoler. Loona profita de cet instant d’inattention pour se déplacer à quatre pattes vers le lion. Heureusement qu’il n’était pas trop loin.

- Lurash’kram, messire Urua. Désolé si ces petites chipies finissent par vous tirer les poils, elles n’ont pas encore l’habitude de faire attention. D’ailleurs, je vous présente mes filles, Jamila et Loona. Et le gamin là-bas, c’est PetitTembour, le protégé d’Holy.

Elle avait pointé dans l’ordre la rouquine puis la blanche durant les présentations.

- Je veux bien changer d’endroit, puisque vous nous invitez. Laissez-moi juste ramasser tout ça. Tu viens m’aider, vul’sol* ?

- Tout de suite, mam’zelle Eyara !

Il fallut quelques minutes à la maman, aidé de PetitTembour, pour ranger les jouets et installer ses filles dans leurs foulards noués sur elle, Loona dans son dos et Jamila à l’avant. Portant son regard vers le lion, elle lui lança avec le sourire :

- C’est bon, on vous suit !

* HRP : Se prononce Voul-Zol

- Ce n'est rien. J'ai toujours apprécié les enfants.

Alors voilà qui était idéal. Ainsi, la maman avait la certitude qu’elle ne serait pas importunée d’avoir ses enfants avec elle au quartier général si le chef lui-même les appréciait déjà. Un point bonus à son intégration donc.

Une fois à table, l’arlequine commanda pour sa part une assiette de fruits, légumes et fromage, et pourquoi pas avec quelques craquelins pour la digestion également. Laissant l’enfant prendre ce qu’il désirait, elle dut cependant lui spécifier qu’il n’aurait ses sucreries favorites, à savoir des loukoums, que s’il mangeait d’abord un repas. PetitTembour choisit alors la même que la renarde, demandant au passage un peu de viande pour sa part. Les jumelles ayant été allaité il y a peu, Eyara ne leur prit qu’un peu de compote de fruit. Une fois la nourriture servie, l’harenienne installa ses filles sur ses genoux, les faisant manger à tour de rôle et piochant dans sa propre assiette de temps à autre. Visiblement, elle avait l’habitude de s’occuper des jumelles en même temps et se débrouillait fort bien.

- Bien, maintenant parlons de la raison pour laquelle vous m'avez demandé de venir. Vous souhaitez donc rejoindre la Garde Zéphyr.

- J’aimerais bien oui. Holy m’en a parlé un peu, mais j’aimerais m’assurer que la Garde rejoint les mêmes valeurs que moi avant de m’engager définitivement. Tout ce que je sais, c’est que vous êtes la faction établie ici dans l’Ouest et que vous êtes proche de la nature. Étant une adepte de Magnésie, c’est disons la faction qui m’attire le plus.

Visiblement, la jeune femme n’avait pas l’habitude de parler d’elle et de défendre son point de vue, à voir le rouge lui monter aux joues. Mais le simple fait d’avoir côtoyé le félin dans deux guildes, à savoir l’Institut et les Dragonniers, pouvait lui démontrer ses bonnes intentions dans sa démarche. Et puis, n’était-il pas normal de tenter d’en savoir un peu plus sur un groupe important avant de l’intégrer ou de signer quoique ce soit ? S’il y avait bien une leçon que la vie l’avait poussée à retenir, c’était bien celle-ci.

- Mon choix semble définitif dans mon esprit, mais disons que mon passé n’aidant pas, j’ai une certaine réticence à faire un grand pas dans ma vie, surtout lorsqu’il s’agit de signer pour quelque d’important, sans en savoir plus avant. D’où la raison de ma requête.

La jeune femme n’avait par contre clairement pas envie de parler plus de ses tourments au Löwen. De toute façon, elle le connaissait à peine, la maman devait encore apprendre à faire confiance aux autres avant.

- Holy m'étonne de ne pas avoir développé si elle avait senti votre attrait pour la Garde Zéphyr. Vous faites bien de ne pas vous engager à la légère. Votre dévotion à Magnésie est une bonne chose. Les enseignements de la Déesse se rapprochent de notre philosophie. Que vouliez-vous savoir en particulier ?

Voilà bien une question à laquelle la renarde détestait répondre. Toute sa vie on n’avait cessé de lui répéter qu’une femme n’avait pas son opinion à dire. C’était encore tout nouveau pour elle, et la jeune femme appréciait l’idée. Eyara prit tout de même quelques bouchées de son repas, s’assurant également que les enfants faisaient de même, avant de répondre au Löwen.

- Pour Holy, je crois simplement que nous n’avons simplement pas eu assez de temps pour discuter du sujet. Elle m’a conduite au début de l’automne à l’Institut, puis est partie en mission avec Jack peu après notre chasse aux golems. Je ne l’ai revu que le mois dernier, lors de notre spectacle à Stellaraë.

La renarde choisit de taire la fin de la relation entre les deux thérianthropes. Ce n’était pas à elle de divulguer ce genre de détail aux autres.

- Je me demandais surtout quelles seraient mes obligations en tant que membre de la Garde Zéphyr si je vous rejoins ? Je me doute que je ne serais pas forcée de toujours rester dans ses bois, sinon je crois bien que notre amie commune le serait, mais aussi que ce n'est pas comme dans une guilde et qu’il y aura bien plus à faire. Je présume qu’il y aura des missions, des endroits à protéger. Et si je dois partir rapidement, il y a quelqu’un au quartier général apte à veiller sur mes enfants ? Est-ce qu’il y a un minimum de jour par mois ou par année où je devrais être présente ? Ou bien c’est assez souple sur le taux de présence ? Disons qu’entre, l’Institut, le Cirque, les Dragonniers et mon envie de rejoindre une faction, disons que je suis déjà très demandé, sans compter la gestion de ma boutique et l'éducation des enfants. Mais j’ai envie de m’impliquer encore plus pour le bien du continent.

Elle en resta là, ne sachant trop quoi demander ou dire de plus. Bien que réfléchissant à la suite, la maman devait aussi veiller sur les petits. Loona réclamait sa compote à grand renfort de cris, tandis que Jamila attendait son tour patiemment. Décidément, ses jumelles avaient des caractères bien différents. Eyara déposa les bols de nourriture devant les filles et poursuivit.

- Je suis désolée si je pose des questions qui peuvent paraître bêtes. Je n’ai pas encore l’habitude d’exprimer mon point de vue clairement. J’ai grandi dans une culture où la femme ne sert qu’à faire des enfants et où elle doit apprendre à se taire. Alors, m’impliquer autant m’aide aussi à me découvrir pleinement.

Plus rouge que tout à l’heure, la renarde semblait gênée de sa situation.

- Il n'y a pas de questions bêtes sauf lorsqu'elles sont parfaitement évidentes. Commençons par vous rassurer, il y a toujours des gens de confiance dans le Quartier Général. Que ce soit les autres gardes zéphyriens ou les maîtres d'arme, même les cuisiniers seraient heureux de s'occuper de vos mini-vous. Quant à la présence, il n'y a pas de durée imposée, c'est à vous de gérer votre implication mais si nous constatons que vous n'êtes quasiment pas présente, nous aurons à nous séparer de vous. À propos des missions, nous avons la surveillance de l'Ouest du territoire à charge, la paix de la forêt et diverses missions plus particulières dont nous parlerons plus avant si vous décidez de vous engager à nos côtés.

Voilà qui plut à la jeune femme, preuve en était de son sourire. Ainsi donc, l’arlequine pourrait tout de même poursuivre son train de vie actuel, tout en venant prendre des missions de temps à autre. La renarde aimait de plus en plus la quiétude des bois de Sylfaën, bien que le désert où elle avait grandi aurait toujours une place plus importante. Elle en était là de ses réflexions lorsque Petit Tambour lui montra son assiette vide. Décidément, il avait mangé vite celui-là.

- J’ai droit à des loukoums maintenant, mam’zelle Eyara ?

- Seulement une petite quantité, vul’sol. Je ne veux pas que tu sois encore malade lorsque nous rentrerons avec les montures volantes.

L’enfant ne se le fit pas dire deux fois et attira l’attention de l’un des serveurs pour passer sa commande. Faisant confiance à Petit Tambour, l’arlequine se repencha sur ses interrogations. D’autres questions lui venaient, mais peut-être valait-il mieux attendre avant de les poser. Après tout, il était clair qu’un chef de faction ne dévoile pas tout à quelqu’un n’étant pas de son groupe, c’était même une évidence. Son choix se confirmait. Après tout, les autres factions étaient loin d’avoir des points en leur faveur. Les Pirates ? Quelle question, ce n’était que de vulgaires voleurs, à sa connaissance, et la rouquine n’aimait pas prendre la mer. La Congrégation de l’Ombre ? En tant que Dragonnière, c’était tout bonnement impensable. La Milice ? Le Nord ne l’intéressait pas. Et de toute façon, c’était pour cette région que son mari était partie, s’il y avait bien quelqu’un que la jeune femme ne voulait pas revoir, du moins pour le moment, c’était bien lui. Les Kazhariens ? Les montagnes ne l’attiraient pas. Ne restait donc que les Gardiens et la Garde Zéphyr. Mais voilà, le Löwen avait fini de la convaincre en la rassurant. Son choix était donc définitif. L’arlequine chercha tout de même un peu ses mots pour répondre.

- Je crois bien qu’on a fait le tour de mes questions principales. Je trouve étrange et fascinant à la fois comment vous et Holy arrivez à me rassurer quant à mes choix en quelques mots seulement. Dans ce cas, je vous remercie de confirmer mon choix d’intégrer la Garde Zéphyr. Je serais même honorée de vous aider à prendre soin de ce coin du monde.

- Est-che que cha fait de moi un géfirien ?

- Petit Tambour, tu sais qu’on ne parle pas la bouche pleine pourtant

Le gamin avala sa bouchée et s’excusa. Tenant les jumelles d’une main habile, la maman ébouriffa les boucles brunes du gamin de l’autre en souriant. Le petit virtuose faisait parfois des bourdes, après tout, qui n’en faisait pas, mais la renarde ne lui en tenait jamais rigueur. Il restait encore un enfant après tout.