La malédiction de Spelunca (livre)
La déesse de la Lune (livre)



On raconte qu’à l’aube du monde, la plus vieille fratrie de divinité créa le ciel. Magnésie, l’ainée, mère des hybrides, créa les étoiles en brisant un miroir en un millier d’éclats qu’elle jeta sur la voûte céleste, Céléae façonna l’astre lunaire à partir d’une pierre brute aux reflets d’argent et leur petit frère, Hélioë transforma un grain de maïs en l’orbe solaire.

Ensemble ils veillaient sur les cycles journaliers et sur les créatures associées à leurs éléments. Magnésie couvait les hybrides, créatures des étoiles, Hélioë veillait sur les hommes créatures du jour. Et Céléae sur les lycans, créature de la nuit.
Lorsqu’Adam s’éleva au rang de divinité, Céléae et Hélioë l’accueillirent sous le regard inquisiteur de Magnésie, qui craignait pour l’équilibre des Cieux, ce qui déclencha un Chaos qui profita aux Démons.

Désireux de vouloir gommer ce Chaos, Céléae et Adam scellèrent la dépouille du Premier Vampire au cœur du Temple d’Ihana Sidän, Puit de la Source de la déesse Lunaire, afin de rééquilibrer la Balance céleste en régulant le flux cosmique du torrent dont était victime le Fleuve d’Ether.
L’équilibre était revenu et le Pouvoir d’Adam n’était plus un danger pour les mortels.

Jusqu’au jour où il fut de nouveau rompu par Kayla et Faelan, un amour interdit, impossible et chaotique. D’aucuns dirait qu’il s’agirait là de l’œuvre d’Adam, qui n’aurait pas totalement été pour la dissimulation de son enveloppe charnelle, source de pouvoir. Et qu’il aurait vu en la conjuration du démon Rexia par les amants maudits du massif, une sorte de vengeance envers les dieux eux-mêmes. Mais le panthéon divin ne sait se décider quant à la vraie cause d’un tel bouleversement tandis que lui-même participe à briser la malédiction et à libérer le temple de sa consœur du fléau de l’Immatériel.

Car après tout, Céléae elle-même avait conduit les fugitifs lycano-vampires au creux de son temple depuis longtemps endormis et était restée sourde aux prières de son enfant mortel, au bord du gouffre du désespoir, venu mander son aide pour que son fils hybride puisse un jour voir la lumière. Dès lors Kayla et Faelan c’était détourné des dieux pour en appeler aux démons et Rexia, avide du pouvoir divin, avait répondu à leur appel. Profitant de la faiblesse des mortels pour se voir promettre des terres saintes et gorgées du pouvoir de la déesse, il accéda à leur requête et le massif vit naître Spelunca, le seul hybride à la fois loup et vampire que le monde connaîtra.

S’ensuivit une lutte sans merci entre la Déesse de la Lune, Céléae, le Dieu du Sang, Adam et le Démon Rexia. Mais les dieux ne s’accordaient pas sur qui devrait avoir l’influence sur Spelunca. Était-il plus loup que vampire ? Ou bien l’inverse ? Ce combat de pouvoir rendait fou le pauvre mage qui dut faire face à la haine de tous les peuples, à la mort violente et prématurée de ses parents, puis à la solitude au centre d’une guerre qu’il n’avait pas choisi. Marionnette entre les mains de deux entités qui ne s’entendaient pas, il finit par se tourner de nouveau vers l’Immatériel afin de s’émanciper de ceux qui ne faisaient que se jouer de lui.

Une leçon que les divinités gravèrent en lettres d’or dans leurs esprits, car ils comprirent que pour se débarrasser de Rexia, ils devraient travailler ensemble. Et puis la réponse à leur problème sonna comme une évidence : pour briser une malédiction démoniaque, une force encore pire serait nécessaire. Pour libérer le monde de Rexia, il allait falloir rouvrir le tombeau d’Adam.



« Aujourd’hui est le grand jour, Lune… Nous partons pour Ihana Sidän ! »

Perchées sur les hauteurs de Château-Rouge, nous observions en contrebas l’agitation qui régnait dans la cours avec une certaine excitation. En effet, après des jours de préparatifs intensifs, des réunions interminables sur les itinéraires possibles et les caractéristiques atmosphériques de Spelunca. Et enfin des demi-réponses de ma part quant à la localisation exacte de notre destination, car non, Spelunca ne m’avait pas indiqué l’objectif de quête sur la map, nous y étions enfin ! Les garçons d’écurie avaient chouchouté nos montures et les animaux de bas semblaient chargés comme des mulets de tout le nécessaire à un si long voyage. Habituée à partir seules et avec peu sur les routes, j’étais étonnée de la quantité de bagages que prenait l’Empereur avec lui. Tant et si bien que je me demandais s’il n’allait pas embarquer la moitié de ses gens avec lui…

« Un long voyage, avec le peu de monde possible. » Était pourtant ce que l’on avait convenu.

Sautant sur le dos de la louve ailée, nous atterrîmes rapidement au milieu de la cour alors qu’enfin je vis les naseaux immaculés de la petite jument blanche suivie de près par l’étalon noir. Enfin prêts et scellés, sonnant le départ imminent de notre cortège, nous n’attendrions plus que le plus parfait des partenaires de voyage. Le Roi de Spelunca lui-même.

J’en profitais pour faire le tour de ma monture, vérifiant la moindre sangle, pour être sûre qu’elle soit bien apprêtée avant de me tourner vers mes suivantes louves dont j’avais appris à apprécier les services avec le temps.

« Lysa, Agathe… Vous allez me manquer ! Soufflais-je avant de les prendre dans les bras. Quand tout sera fini, qu’on aura accompli notre mission, je vous ferai conduire à Ihana Sidän.

-Nous serons ravies de vous servir à nouveau, Madame. » Répondis Lysa d’un petit sourire en adéquation avec l’étiquette, dont je sentais toute la reconnaissance.

- Aussi, il y a confusion sur votre alinéa neuf, plus exactement le préambule quarante-cinq. S'agit-il d'un déploiement total ou partiel ?

- Certains s'inquiètent des répercussions de votre apostrophe chez Dame Von Darken. Vous ne pouvez pas offenser tous vos ennemis, qu'en est-il de la diplomatie ?

- Votre Altesse, nous ne cherchons pas à compliquer les choses, ni même à....

- Pendant maintenant trois ans, j'ai supporté vos incartades, piaillements et complots. Dans le même temps, je participe activement aux travaux scientifiques des Laboratoires Fortuna, revoit vos rapports faits à la hâte et corrige vos erreurs de compréhension métaphysiques dans l'élaboration de nos politiques sociales. C'est pourtant simple, de lire une bibliographie fournie.

- Depuis mon arrivée ici, en Duralas je veux dire, pas à la tête de cet Empire dont je le rappelle, j'ai créé la cohésion sans votre soutient, je planifie ma seule réussite.

- Inlassablement, tandis que je poursuis mon rêve tout ce que je vois autour de moi me désole. Vous passez votre existence à satisfaire vos névroses ; préférez forniquer à vous améliorer, reniez vos philosophies une fois l'argent docilement empilé en banque. Vous préférez les illusions à l'art, les ombres des cavernes aux lumières du savoir. L'aveuglement et la jalousie sont votre religion, semblerait-il.

- Je voulais penser que ce rôle d'Empereur pouvait m'apporter la sérénité et l'évolution d'esprit que je cherchais ; devenir le premier Dévoreur à surpasser ses instincts et tirer de l'Humanité le meilleur en tentant de les élever à leur tour. Mais votre mortalité est une tare dont l'effroi est si grand pour vos cœurs, je l'ai compris.

- Je me transcenderais, car je suis fort. Mais vous non, mes petits agneaux. Vampires, Lycans, Humains, Elfes, Nagas, Abyssaux, et tous ceux dont j'ai la flemme de prononcer la race, vous souffrez tant. Vous faîtes la guerre autant que vous chialez en secret, vous êtes soumis aux aléas de la maladie, du temps, des humeurs... Aucune ambition ne nage en vos âmes, si bien que l'anxiété vous dévore, prisonnière d'une enveloppe charnelle contrefaite... N'êtes-vous pas pathétiques ?

- Styx est le Messie que vous méritez ; le Saint issu de vos machinations, de vos cauchemars et de vos ragots colportés sous les blessures d'égo. Un Martyre qui prendra tout le Mal de chacun d'entre vous pour s'en repaître dans sa magnanimité. Mes chers enfants... je dissous cette Assemblée... Hinhinhin.

- Je suis prêt. Et vous Holy ?

Lentement dans la nuit, s’avance et se balance le doux souvenir d’une lointaine enfance, alors que sous le clair de lune, la petite fille s’amuse.
Danse, danse, sous les étoiles. Chante, chante, petite étoile. Tout en faisant virevolter ta longue chevelure argentée.
Et à l’appel du loup ton âme se transcende. Et vers les cieux ton esprit s’éloigne.


« Je n’ai jamais été aussi prête de toute ma vie, Sobek. » Souriais-je alors que j’étais encore en train de gratter la joue de ma monture, qui avait elle aussi grande hâte de se mettre en route.

La cour du château s’était vidée au rythme de la vie mondaine, ne restait plus que quelques serviteurs prêts à voir partir leur souverain, droits et imperturbables dans leur attente.
Pourtant, malgré l’impatience qui me grignotait depuis le matin, je restais un instant immobile à observer le Styx, dont le regard était tourné vers la nuit. Parce que les perturbations dans le courant de la Source ne m’avaient pas échappée. Pas plus que le Divin qui avait grésillé au loin, chantant la mélodie du glas et du cœur de Damoclès.
Je savais que mes perceptions affinées, devenue plus sensibles, n’étaient pas une bénédiction. Voilà pourquoi dans ce sens, je ne dis rien. Mais même les dévoreurs étaient dotés d’émotions, en ce jour, j’en étais certaines. Alors je ne pouvais que lui offrir mon soutien, sans pour autant savoir exactement de quoi il retournait.

Mes yeux perçaient bien au-delà de cette apparence qu’il revêtait. Ils voyaient plus que ces magnifiques atours dont il était vêtu, maître corbeau sur un arbre perché, jamais ne laisserait tomber entre les griffes d’un renard mal léché, le moindre morceau de fromage dont il se serait emparé.

« Allons-y. Une longue route nous attend. » M’exclamais-je joyeusement en passant les rennes par-dessus l’encolure de la jument Speluncienne, avant de glisser un pied dans l’étrier pour me hisser sur son dos. Les voilages de ma tenue volèrent autour de moi avant de retomber comme des ailes de papillon, tout en légèreté colorée comme j’aimais apprécier mes habits de voyage.
Bien installées entre mes sacoches de selles contenant tout ce dont on aurait besoin et plus encore, j’emmenais ma monture au pas. Le bruit de huit sabots martela bientôt en rythme régulier les routes pavées de la ville vampire, en contrebas du château et je fourmillais d’accélérer la cadence tant l’attente de passer les grandes portes de la muraille fortifiée était intense.

Mais alors que la nuit et le massif s’ouvrait tout devant nous, je ne pus que ressentir une certaine crainte. Là, face au chemin qui serpentait vers l’horizon et les hauteurs, le doute m’envahis. Par où aller ? Suivrais-je le bon itinéraire ? Celui-là même devant nous mener vers nos destinées ? Lune, merle bleu perché sur mon épaule, ébouriffa son vif plumage.

« Tu sens quelque chose, Lune ? Lui demandais-je de vive voix alors qu’elle enfonça son bec sous son aile, prête à s’endormir… Super… Maugréais-je consciente que je n’obtiendrais aucune réponse. Tu parles d’un guide spirituel… Bien, allons par-là ! » Car il fallait bien choisir une direction et que l’astre lunaire disparaissait derrière les nuages.

Les heures s’écoulèrent lentement tandis que nous marchions en direction de la Barrière de Spelunca, premier indice quant à l’emplacement du temple. En silence, je tentais vainement de me reconnecter à l’énergie de mon ancêtre. Les yeux clos, concentré sur ma respiration et le flux magique qui serpentait dans mon corps, mais rien n’y fit. La magie ne répondait pas à mon appel. Je ne pus réprimer un profond soupir en réponse à ma frustration. Spelunca m’avait bien dit que ce ne serait pas simple et il avait terriblement raison.

« Je ne suis pas accoutumé à voyager de nuit, peut-être pourrions-nous faire une pause ? »  Bien que le climat fût doux en cette région, je ne pouvais ignorer le froid qui me mordillait les orteils et le bout des doigts. Et me retrouver face à un bon feu lèverait peut-être un peu le brouillard de mes doutes.

- Par les couilles du Saint. C'est...

- Evidemment, on se ressemble un peu trop pour ne pas s'allier, Adam. T'es un sacré malade de m'accorder ta force, et en même temps... faudrait peu de goût que de l'accorder à mes adversaires. Je crois que je peux nous aider, avec ceci, Holy. Regarde.

« Que font toutes ces sorcières ? » Demandais-je alors, époustouflé par le spectacle que nous offraient les Cabales alors que j’observais leurs processions au loin. J’avais très peu de connaissances à leurs sujets, mais je savais leurs pouvoirs immenses et si tous ces gens portaient dans les arts occultes venaient nous prêter main forte dans notre quête, alors nous avions peu de chance d’échouer. Mon cœur se gonfla chaleureusement à l’idée que je n’étais plus seule à mener mes propres combats. Et les moyens employés par Sobek ne faisaient que confirmer ce dont je me doutais déjà. Avoir un objectif commun rapprochait les alliances, les renforçait, même. Ensemble, nous serions imbattables.

Le monde vibre, il sonne, en de douces mélodies que seule toi peut entendre. Muse, enfant de la Lune. Elle te couve de son grand œil pâle et tu écoutes un instant le chant de l'univers.

Là devant le feu, les mains en avant, le menton reposant sur mes genoux relevé, je me perds dans la contemplation des flammes. Le vif souvenir d'une âme transcendé se rejoue devant mes yeux, incroyable transformation dont j'eus la chance d'être témoin.
L'avènement d'un Dieu.
Jamais je n'avais senti une aussi grande quantité de magie converger en un seul point. Jamais je n'avais goûté ainsi à la Présence divine. Le cœur empli d'émotions chaleureuses, émues. Si d'aventure, j'avais d'abord craint pour la vie de mon ami, l'euphorie et la joie partagée du moment avait balayé toute inquiétude et chaque fois que mon regard d'azure le transperçait, je le voyais, lui...

Son âme chantait d'une mélodie nouvelle.

Je fus surprise de l'entendre briser le silence, perturbant le fil de mes pensées, j'ai tourné vivement la tête dans sa direction, un air interrogateur fiché sur le visage. Oh...
Et mon expression s'éclaira lorsqu'apparut devant moi le calice. L’émotion me gagnait et je ne pus que balbutier, bégayer, et avant que je puisse réagir, le poids du Divin m'écrasa, mes perceptions magiques à vif, j'observais avec une admiration non feinte la magie divine infuser la peau de Styx en des vapeurs dorées. Guidant notre chemin, Adam se manifestait.
L’artefact nous montra l’étendue de ses capacités, sous les gestes de son possesseur. Un frisson me parcourut tout le corps lorsque brisa le ciel un chemin de sang.
Toute forme de doute s’évapora en mon cœur tant la joie et l’euphorie qui m’envahirent était grande.

« C’est incroyable ! M’exclamais-je en sautant au cou de Sobek joyeusement. Le calice t’obéit ! Alors reprenons la route ! Qu’est-ce qu’on attend ? » Sans attendre, sautillant pour me relever, je me remis en selle avant d’amener ma monture au galop. La jument Speluncienne devait certainement ressentir mon impatience, car même à l’heure tardive de la nuit, il ne fallut pas beaucoup la pousser pour qu’elle file à vive allure sous les rayons pourpres qui montrait le chemin.

D’autres adeptes d’Adam avançaient près de la route que nous suivions. Les paysages changeaient au fur et à mesure que l’on approchait du centre du massif, plus sec et rocailleux que les plaines fertiles. On commençait à devoir serpenter entre les falaises et les roches imposantes.
Dans les hauteurs des montagnes, on pouvait voir la Barrière aller se perdre dans le ciel. Un amas de magie pure empilée, entrelacée sur des kilomètres. Un chef d’œuvre aussi terrifiant qu’admirable.  Et sous la lumière pâle de la lune, des marques argentées apparurent sur ma peau.

« Céléae… Marmonnais-je alors que je laissais la jument souffler un peu, la ramenant au pas. J’observais mes bras découverts qui illuminaient de bleu et d’argent tandis que la suite du voyage nous amenait à l’entrée d’une grotte. Je crois bien que nous approchons du but. »

Nous avions chevauché toute la nuit, bientôt l’aube pointerait le bout de son nez et peut-être serons-nous perdus dans ces galeries lors de la prochaine nuit ?
Une faible pression de mes talons sur les flancs de la petite jument blanche la fit avancer au pas et l’obscurité de l’estomac du massif nous engloutit.

« Je n’ai jamais été aussi excité, et terrifié, de toute ma vie, Styx. Dire qu’au bout de ce tunnel se trouve ma maison… Mon chez-moi… Et si… Ce n’est pas du tout comme je l’ai imaginé ? S’ils ne veulent pas de moi, au bout du compte ? » Le doute m’envahit quant à ce que l’on trouverait au bout du chemin. Car après tout, se baser sur des croyances et de vieilles prophéties pourrait bien être bien différent de la réalité. « Si les loups ne m’aiment pas… Comment pourrais-je les diriger ? » Les marques lunaires s’intensifièrent, irradiant dans le tunnel en une luminosité pâle comme pour imposer leurs présences. Mère Lune guidait mes pas vers son temple. Sa Présence me réconforta et je n’hésitais pas sur la route à suivre. Tant et si bien que j’étais certaine que même avec les yeux fermés, j’aurais su où me diriger. Quel embranchement suivre, quelle galerie récupérer. Serpentant dans l’estomac labyrinthique de Spelunca, la route semblait interminable.

Les heures semblaient défiler étrangement, ni le soleil, ni la lune ne pouvait nous indiquer le temps qui passait et ça pouvait bien faire des jours que nous marchions, je n’aurais su le dire. Seule la fatigue qui m’engourdissait les membres me signalait que j’aurais dû me reposer bien plus tôt déjà. De même que pour la jument qui commençait à peiner à mettre un sabot devant l’autre.
Je mis pied à terre, décidant de continuer d’avancer en lui tenant la bride, soucieuse de son état.

« Si on ne trouve pas l’entrée bientôt… On va devoir encore faire une pause… » Déclarais-je déçus de devoir m’arrêter si près du but. Je le sentais… Nous n’étions vraiment pas loin. Une légère mélodie vint chatouiller mes oreilles. Comme un appel, l’écho de cœurs souffrant.

Alors que je commençais à me résigner. Les chemins de sang s’arrêtèrent devant une paroi de roche banale. Il s’agglutina en une sphère sombre et poisseuse.

La mélodie s’intensifia et je me sentis attiré par elle. Un instant, j’hésitais. Et puis d’un geste timide, je posais mes mains sur la pierre froide, comme si j’avais toujours su ce que je devrais faire à cet instant. Le sang tourbillonna sous le plafond de la galerie avant de glisser sur la roche. Il coula en de poisseuses traînées rougeoyantes qui devinrent argentées entre mes doigts. Se dessina sur la pierre un croissant de lune écarlate, mordu par une gueule de loup d’argent.

« Ihana Sidän… Temple de la Lune de Sang. On y est… » Marmonnais-je complétement en transe tandis qu’une vive lumière se dégagea de la pierre, et dans un grondement sourd, la paroi se divisa en deux, s’ouvrant sur une nouvelle galerie.
Un courant d’air frais pouvait nous parvenir, nous ramenant des odeurs curieuses en de tels lieux. Ma fatigue m’intima de ne pas courir vers la sortie, mais ce n’était certainement pas l’envie qui me manquait. Fort heureusement, le passage s’ouvrit bientôt sur une forêt dense, un chemin de terre se dessinait entre les arbres gigantesques. La lumière du jour filtrait difficilement entre les feuillages épais. Et je ne pus qu’exploser de joie, tournant sur moi-même. « On a réussi ! On a trouvé les terres d’Ihana Sidän ! Styx ! » Bien qu’encore loin du temple et du tombeau d’Adam, nous avions ouvert la porte cachée de la cité.

- Elles célèbrent, l'avènement d'un âge d'ombres et d'astres. Fit-il, le regard perdu dans l'horizon.

- Un chez soi ce n'est pas l'affaire de reconnaître ou non un souverain, ni même de s'imposer à une population. Partout tu pourras être chez toi, Holy Lorca, lorsque tu traites la terre comme la maison qu'elle est à la fois pour toi, et pour les autres. Les lycans savent que tu as à cœur leur intérêt et les moyens d'appliquer tes volontés pour eux comme les vampires et les fidèles que tu vois ce soir m'ont jusqu'ici portés. Ce n'est pas parce que j'ai une couronne ou le Calice qu'ils me reconnaissent comme légitime, mais parce que je leur ai montré que nous partagions une vision similaire de ce qu'était notre foyer. Tu sauras le faire avec bien plus d'humanité que moi, j'en suis certain.

- Tu veux avoir l'honneur d'être la première âme contemporaine à entrer dans Ihana Sidän ? Je sais pas comment marche cette porte, mais quelque chose me dit que tu sauras, toi.

Libérer le temple de la Lune, offrir à mon peuple une vision en accord avec leurs croyances. Faire front commun. C’est avec ces idées en tête que je suivais de près le Roi Vampire, méditant sur sa réponse après avoir acquiescé la sagesse partagée.
Plus qu’un symbole, une communauté à besoin d’un guide, de cette personne qui les comprends en unissant leur voix pour n’en faire plus qu’une. Dans le tout et l’unicité.

Lorsque les cœurs battent à l’unisson, que les tambours chantent. Que la magie converge en un seul point. Les astres, les planètes ou que sais-je encore savent que le moment est venu. Que l’heure n’en ai plus aux questionnements, aux interrogations, mais à l’action.

De la végétation avait poussé, profitant de l’abandon du lieu pour s’épandre, brisant et poussant les pavés de pierre qui formaient autrefois un hall immense, une antichambre splendide. Je m’arrêtais un moment, presque religieusement devant la statue de mon ancêtre. Gigantesque idole d’une époque brisée que les puits de lumière formés par l’érosion des roches éclairaient par endroit, faisant luire les joyaux incrustés dans le marbre, lui-même mangé par la mousse. Trop absorbée par la contemplation pensive d’un chef-d’œuvre enfoui, je n’entendis ni ne sentis les goules sortir des ombres. Sursautant violemment lorsqu’elles s’embrasèrent autour de nous, retombant en cendre poussiéreuses sur le sol devenu irrégulier.

« Elles ont certainement été attirées par la magie chaotique qui vibre maintenant en ce lieu… La fin de son histoire m’attriste, mais après tout, elle marque également le début d’une nouvelle. » Fis-je en toisant la statue une dernière fois, avant de la contourner pour pouvoir faire face à la grande porte.

L’émotion me serra la gorge, un instant, je crus suffoquer face à l’immensité écrasante de la vampire et du loup. « Alors… On y est… » Soupirais-je, aussi excitée que soucieuse.

Le temps semblait s’arrêter. Mon regard croisa les rivières dorées qui serpentait dans les yeux de Styx, comme pour chercher le courage nécessaire à ce que j’allais accomplir. Bien que finalement, je me demandais bien ce que j’allais entreprendre.
Respirant un bon coup, tirant la dague pendue à ma ceinture, je m’approchais de la pierre. Du sang, celui de l’héritière, pour la Lune de sang, pour Ihana Sidän. M’entaillant la main, je laissais couler le liquide vermeil sur les mains jointes sculptées dans la pierre. Il fut totalement absorbé et disparut dans une lumière pâle et argentée.
Une certaine déception grandit en moi alors que la lumière s’éteignit, et que plus rien ne semblait se passer. Pourtant… Pourtant c’était là les indications de mon ancêtre. Fronçant les sourcils, alors qu’un vent de panique tourbillonna en moi, je réitérais l’opération, m’entaillant plus profondément encore la main, faisant couler encore plus de sang sur la pierre qui se mit à luire plus fortement encore.

Il est temps. Que s’ouvre devant moi la porte d’Ihana Sidän. Temple de la Lune et tombeau d’Adam. Demeure de Spelunca. Ma maison.
Il est temps. Que s’ouvre devant moi la porte d’Ihana Sidän. Temple de la Lune et tombeau d’Adam. Demeure de Spelunca. Ma maison.

Lune grandit dans les Brumes de l’Immateriel, affaiblissant le voile entre les deux mondes, transposant l’âme de Spelunca à celle d’Holy, qui dans un soutien indéfectible posa sa main sur son cœur. Dans des tourbillons de poussière azurée et dorée, on pouvait un instant apercevoir les dunes de sable coloré et les baleines planer sous le plafond craquelé de l’antichambre. La porte, infusée des énergies cosmiques multicolores, s’ouvrit dans des grincements mélodieux tant et si bien qu’ils puissent l’être. De l’autre côté de la porte, on pouvait voir de la végétation grignoter des routes pavées, et les arbres retenant leurs soufflent, en apnées. Depuis combien de temps cela durait-il ? Des dizaines d’années, des siècles qui ont corrompu les lieux. Absorbant sa vie, sa brillance.

Alors que la poussière retombait, que Lune reprenait contenance auprès de moi, bien que toujours transcendée d’énergie dorée, et que les baleines disparurent dans des chants dont elles seules pouvaient comprendre les paroles, je m’avançais vers ce lieu depuis trop longtemps oublié. L’émotion me serra la gorge tandis que, le poing serré sur ma profonde coupure, les larmes roulaient sur mes joues. « On y est… On y est enfin… » Au loin, tout au-dessus des arbres. On pouvait apercevoir les hautes tours d’Ihana Sidän, qui partaient se perdre vers la cime des roches constituant les parois du volcan endormit. La lumière du jour nous parvenait par la bouche du cratère, le ciel était si bleu…

- Nous nous délestons ici de notre Raison, ô entités inconnues, et offrons notre regard au cosmos.

Alors que la magie vibrait, que le ciel rougissait des litres de sang, j’observais cet instant unique d’un mélange de fierté et d’admiration. Voilà donc l’accomplissement de tout un travail acharné. Voilà donc la libération du temple de la Lune de Sang enclenché. D’aucuns pourraient dire qu’il serait approprié de ressentir une certaine crainte à l’égard du Dieu dévoreur, que les terres sacrées de la Lune, corrompues par le démon Rexia, lavé par le sang d’Adam, ne retrouveraient jamais de leur superbe après pareil traitement.

Mais il n’en fut rien, car je savais la prophétie être exactement ce qu’elle devait être. Je pouvais entendre le chant des Cabales au loin, l’orchestration du démon Faustus que je ne connaissais pas très bien. Connectée ainsi au fleuve d’Ether et à l’Immateriel, je me retrouvais au centre de la roue du tout qui vibrait d’une centaine de vibrances. Une larme de reconnaissance infinie roula sur ma joue alors que les sacrifices tombaient et bien que je ne pus saisir la totalité de ce que je ressentais, je suivis le Styx, Sobek Elpoemer Grey, Adam, sur les routes pavées qui serpentaient à travers végétations et vieilles maisons vers le temple d’où s’élevait des colonnes de magie pure. Les terres d’Ihana Sidän semblaient se réveiller d’un profond sommeil, d’une torpeur depuis longtemps installé sous un soleil bouillonnant de lueurs pourpres.

Et alors arrivés au pied d’un escalier menant au bâtiment magnifique dont l’immensité immaculé était écrasante, comme s’il ne pouvait être touché par le sang d’Adam, des silhouettes nous toisaient du haut des marches. Spectres du passé, gardiens du Tombeau d’Adam et du Temple de la Lune, nombreux étaient réunis pour accueillir la Prophétie. Une vieille dame descendit les marches pour venir à notre rencontre.

« Elu d’Adam… Et fille de la Lune. Bienvenue à Ihana Sidän. Je désespérais de voir arriver ce jour de mon vivant ! Railla-t-elle avec ironie en terminant de descendre les dernières marches afin d’arriver à notre hauteur, galopant à l’aide d’une canne en bois. Elle n’était pas plus grande que moi et ses cheveux descendaient en cascade argentée dans son dos, ses prunelles azurées me transperçaient de leurs vivacités et malgré ses traits marqués par le temps, il dégageait d’elle une profonde beauté. Les oracles n’auraient pas pu être plus précis, pour une fois, car à l’aube d’un soleil écarlate, le sang d’Adam lavera Ihana Sidän de la corruption du Démon et amènera avec lui la descendance de la Lune, l’héritière de Spelunca. Merci, jeune homme, d’avoir ramené Holy parmi les siens.
Tout service mérite tribut et vous aurez ce que vous êtes venu chercher ici. Cependant la tâche qui vous attends sera loin d’être aisée… Le soleil reprendra bientôt sa route dans le ciel et nous attendrons le crépuscule pour mener à bien le rituel. En attendant, venez donc à l’intérieur, j’ai à vous parler à tous les deux et nous n’avons que très peu de temps.

Elle commença à remonter les marches avec une énergie étonnante pour quelqu’un de son âge, me laissant là avec tout un tas d’interrogations.

-Je ne m’attendais pas à croiser âme qui vive ici… En fait, j’ignorais ce que je m’attendais à voir. Comment… Et puis comment vous connaissez mon nom ? La prophétie était si précise que ça ?

La vieille dame pouffa en me montrant toujours son dos, elle attendit d’être arrivée en haut pour me répondre, je la suivis de près. Nous traversâmes une allée de personnages secondaires nous observant avec respect et soulagement avant d’entrer dans le temple grésillant de la magie pourpre d’Adam.

-Je me prénomme Giulia et je suis l’une des dernières prêtresses de la lune ayant été enfanté par Céléaë elle-même. J’ai aidé ta mère à quitter ces terres de malheur dans l’espoir que tu nous reviennes, pour enfin nous libérer. Et c’est exactement ce qui est en train de se passer. Explique-t-elle après nous avoir conduit au travers le temple, vers le château de marbre blanc. La journée sera courte, profitez-en pour vous sustenter et vous reposer, la nuit, quant à elle sera longue. »

Je ne pouvais lâcher des yeux l’architecture des lieux, de grand couloir éclairés par des lumières pâles et argentés, jusqu’à une grande salle à manger où trônait une table en son centre, recouverte de victuailles. Giulia prit place à son extrémité, prête à répondre à toutes nos questions. Mais plus que des questions, l’impatience fourmillait dans tous les pores de mon être, nous étions si près du but et on nous intimait le repos.

- Waouh Juju t'es trop cool, merci, pas de combat et de la bouffe. Y'aurait pas une deuxième héritière à ramener ?

- Céléaë a fait un travail impressionnant en votre personne, Giulia. Néanmoins, j'aurais cru qu'une consœur plus vieille que les civilisations de Spelunca verrait le temps comme le luxe qu'il est. Le repos nous sera permis demain, aujourd'hui nous devons mener à bien certaines opérations. Ici je ne capte plus ni la télépathie de mon cher Faust, ni les arcanes de mes disciples, votre pouvoir est donc grand, et j'aimerais le mettre à profit. C'est donc ma seule question ; votre sympathie s'étendrait-elle jusqu'à nous accorder votre Savoir dans notre entreprise de ce soir ?

« La violence est proscrite au cœur d'Ihana Sidän, il aurait été fort peu approprié que de vous imposer une quête faisant appel à vos sens combatifs. S'amusa la bonne vieille dame, comme s'il ne lui avait pas été donné de rire depuis des siècles. Tuer est contraire aux préceptes de la Lune. Et pour libérer ce temple, vous devrez faire appel à des forces bien plus complexes. Etrangement plus que s’il s’était simplement agit de battre un boss. Aussi, Holy est la seule héritière que nous attendions, cependant, libre à vous de partir à la recherche de tous les descendants de Spelunca, hihihi. »

N’ayant pas mangé depuis un long moment, j’écoutais la vieille dame tout en dévorant tout ce qui pouvait se trouver à ma portée, sur la grande table garnit de mets savoureux. Je me demandais bien d’où pouvait provenir toute cette nourriture… Les champs asséchés par la magie putride de Rexia ne semblaient pas vouloir donner récoltes, dehors, sur le chemin que nous avions emprunté. Et je n’avais pas eu le souvenir d’avoir vu quelques animaux d’élevage que ce soit…
Mais cette interrogation-là fut balayée par la voix éraillée mais sûre de la prêtresse. Vive, espiègle, elle ne manquait pas de répartie, ni d’aplomb. Je ne pouvais que ressentir un profond respect et une admiration certaine auprès de la doyenne du temple. Elle ria cette fois plus franchement, face à ma question balbutiante.

« AhAhAh ! Les prophéties ne sont jamais aussi précises, ainsi, j’ignorais bien des choses, mais, ma petite, c’est moi qui t’ai fait naître. Ici même, à Ihana Sidän, sous le regard approbateur des dieux, tu as été baigné dans le puits Lunaire, comme ta mère avant toi. Je vois bien la curiosité et l’étonnement dans ton regard, Enfant de la Lune, mais cette histoire-là n’est pas encore écrite, aussi faudra-t-il que tu patientes un peu avant d’obtenir les réponses que tu attends.
L’heure n’est plus aux confidences et vous avez raison, Héraut d’Adam. Le temps est un luxe qui commence à se faire rare et la connivence des sphères terminera bientôt son chemin.
Je vous aiderai dans votre entreprise, je vous guiderai au cœur du rituel et serais le pont dont vous aurez besoin. »

Elle se leva de table, marquant la fin de la pause et la suite de la visite. « J’imagine que vous souhaitez voir le tombeau d’Adam, à présent. » Gloussa-t-elle d’un ton espiègle en marchant vers la sortie de la grande salle à manger.

Après avoir traversé un nouveau dédale de couloirs spacieux et lumineux, nous nous retrouvons de nouveaux dans le temple où l’énergie lunaire vibrait, illuminait même de scintillements argentés. Tournant un moment sur moi-même, m’imprégnant de l’énergie autant que de la beauté du lieu, nous avons suivi Giulia dans une grande salle où trônait en son centre un bassin de marbre blanc. Le plafond était immensément haut. Il y était fixé un gigantesque arceau d’argent ressemblant étrangement à une lunette géante, par un complexe mécanisme ancien, le plafond s’ouvrit et laissa pénétrer la lumière descendante du jour. Le ciel violacé était parfaitement visible et bientôt la lune apparaîtrait derrière le verre.

« Le puits de la Lune, conçut par les anciens hommes pour capter la moindre particule magique en provenance de notre astre maternelle. Il existait déjà avant la naissance de Spelunca. Qui sait qui l’a vraiment construit ?... »

Sous la volonté de la prêtresse, un nouveau cliquetis se fit entendre et le sol s’affaissa sur lui-même. Le bassin de marbre descendit sous terre et apparut à sa place, un énorme mausolée de pierre sombre, parcourut de dorures vives, contrastant étrangement avec la blancheur du marbre composant le temple. L’énergie vibra d’une tout autre musicalité et on pouvait sentir l’atmosphère s’alourdir au dévoilement du puissant artefact. On pouvait le sentir, bien qu’étant isolé dans la pierre scellée.

« Si proche, et pourtant inaccessible, voilà l’objectif de votre quête. Nul monstre à terrasser, seulement vous, face à vous-même. Et voici donc la vérité révélée. Adam et Céléaë n’ont jamais été en conflit. Ils ont toujours travaillé ensemble dans le but d’exister, chacun. Ainsi la Lune dissimula la dépouille d’Adam à la vue des mortels mais aussi des autres Dieux, jusqu’à ce jour où son Héraut serait révélé. Ainsi pourra perdurer leur règne au cœur du Panthéon divin. »
Paralysé face au tombeau scellé, je souris, amusée par la situation.

« Les dieux se jouent encore de nous. Tandis que nous pensions obtenir ce que nous voulions, nous accomplissons une nouvelle fois leurs volontés. Je sens la Lune posée son regard sur moi, l’heure et proche. »

Je souris à Styx, fourmillant de ce qui nous attendait. Était-il aussi prêt que moi à accomplir l’impossible ? Le ciel rougit à l’appel du sang, et pâlit à celui de la Lune. Contournant le tombeau, je m’approchais d’un pupitre au sommet duquel luisait une roche argentée. Sous les directives de Giulia, je m’en approchais, posant ma main dessus. Aussitôt s’agita la magie lunaire. Elle vint poser sa main sur mon épaule, amplifiant mes pouvoirs et ma connexion avec la Déesse.

« Mes prédictions sont loin d’être décevantes, je sens en toi un puissant pouvoir, Holy. Quant à vous, dévoreur Styx, car oui je sais qui vous êtes. Il n’est nul besoin de tenter de vous jouer de moi en ce lieu sacré, car rien qu’un pied qui foule ces pierres me permet de dévoiler la vérité.
Servez-vous du calice et accomplissez votre destinée, la magie du temple est totalement votre, cette nuit. »

Les astres s’alignèrent et la voie lactée nous couva de sa magnificence. Les énergies me brûlèrent la peau, me consumaient tandis que rougeoyaient les marques lunaires dessinées sur ma peau d’albâtre, des glyphes indescriptibles pour le commun des mortels, retraçant les versées de la Lune au cœur de la nuit sacrée. Les loups courent et hurlent, on les entend au loin alors qu’apparaît au centre du puits l’astre incandescent. Il pleure des larmes de sang et inonde de sa lumière écarlate la pierre blanche du temple, venant refléter la lumière rouge de la lune de sang. Baignant ainsi le tombeau à la pierre sombre.
Si je n’avais pas l’impression de me consumer sur place, peut-être aurais-je pu contempler ce magnifique spectacle. Mais totalement donnée à la Source, la main sur la roche devenue rougeoyante, elle se nourrissait de mon essence et de tout ce que j’étais. Happés, mes souvenirs se mêlèrent à l’entité vorace et nous ne faisions bientôt plus qu’un.

Le membre 'Holy' a effectué l'action suivante : Actions

---

'Attaque - Thérian.' :

Le membre 'Sobek E. Grey' a effectué l'action suivante : Actions

---

'Attaque - Vampire' :

La lune et le soleil se dévorent, s'entremêlent dans une danse curieuse. Les énergies vibrent et bourdonnent, grondent et saturent l'air parsemé de résidus de magies pures. Un halo se déploie autour du temple, vive lumière partant vers le ciel.
Adam se manifeste en Styx et Sobek et lorgne d'émotions le tombeau tout devant lui, comme s'il s'était agi d'une vieille amie depuis des années perdue de vue.
Céléae se manifeste en Holy et Lune et lorgne d'émotions les murs immaculés de sa demeure, comme s'il s'était agi d'une vieille amie depuis des années perdue de vue.

Et Giulia se consume en maintenant ouverte la porte des Cieux, sa peau brûle d'un feu à la fois doré et argenté et bientôt ne resterait plus rien d'elle, qui depuis des années attendait le jour où elle pourrait obtenir une place dans les Cieux, auprès de sa mère désireuse de la rappeler enfin à elle. « J’ai vécu trop longtemps et trop longtemps, j’ai été témoin de l’évolution du monde, qui a finit par me dépasser… Ma mission en ces terres est terminée, voici pour toi la lourde tâche qui t’attend et qui t’incombe. Fille de la Lune veille sur nos enfants et sur ce pays qui est le tien. » Son esprit et son âme s’élèvent vers l’astre rougeoyant tandis qu’une larme roule sur sa joue. Holy pleure en silence cette famille sitôt retrouvée qui disparut. Mais Céléae combla bien vite ce vide dans son cœur.

Alors que les rayons de la Lune Rouge inondaient la pièce par le puits céleste, six entités offraient tous leurs pouvoirs et énergie vers le tombeau de pierre. Les magies entremêlées s’accordaient en diapason et alors que le rituel s’accomplissait, une onde d’énergie pure balaya la pièce, balaya le temple et la terre tout entière. Une explosion d’Ether vibra dans le fleuve de la Source, tous les univers tremblèrent un instant alors que le sceau se brisa. La porte du tombeau s’ouvrit au moment où la lumière inonda Ihana Sidän, réanimant les arbres, la vie, ses habitants…
Sous la force d’un tel cataclysme, la barrière de Spelunca s’effrita, se brisa par endroits, ne laissant que des bouts de murs luminescents çà et là, ruines d’un funeste passé, symbole d’un glorieux avenir.

La magie résiduelle flotte en flocon lumineux dans le temple, témoin du rituel sacré ayant eu lieu en son cœur. Cette nuit était marquée par la Lune de Sang, et par les débris d’un sceau brisé. Du tombeau un peu ouvert, se dégageait une puissance telle qu’elle pourrait écraser des montagnes. Fébrile, épuisée, mais incroyablement euphorique, je descendis de mon piédestal, délaissant la pierre redevenue argentée. Pour m’approcher du granit sombre, tout près de Styx.

« Cette magie-là ne m’est pas destinée, aussi, je me porte garante de ce que tu en feras… Peut-être devrais-je vous laisser seuls… Un moment… Lorsque vous serez prêts, rejoignez-moi, car mon peuple doit savoir qui les as sauvés. »

Et puis j’avance, passant les grandes portes du temple pour faire face à la nuit sous un ciel pourpre, éclairé par la Lune de Sang. Au loin, un pan du volcan s’effondre, Ihana Sidän s’ouvre au monde. Mon cœur se gonfle de joie et de fierté, et face à moi, aux pieds des marches de marbre blanc, mon peuple me regarde.
Semblant sortir d’un long sommeil, les lycans s’ébrouent, clignent lentement des yeux. Se demandant où était passé leur conscience tout ce temps ?

« Le démon Rexia n’est plus. Et le tombeau d’Adam est ouvert de nouveau. Mais n’ayez crainte car il vous a libéré. Il nous a tous libéré avec l’aide de notre déesse, Céléae. Et avec elle, je vous guiderais vers la lumière et ensemble, nous bâtirons un royaume. Moi, Holy Lorca, Alpha, votre Alpha à tous et votre reine, vous en fait la promesse. Je vous fais le serment de tous vous protéger, et que jamais plus un tel drame ne puisse arriver. Aller en paix. Enfants de la Lune et du Sang. »

J’avais parlé d’une voix forte et apaisante, trop pour être naturelle. Amplifié par magie. Alors que Lune, louve à la robe de jais, était fièrement assise près de moi. Le poids de mon discours semblait m’écraser, au fur et à mesure que la Déesse se déployait en moi. Ses pouvoirs étaient grands, et à présent, ils étaient miens. Muse céleste, petit bout de déesse, je voyais, je comprenais, bien des choses…
Les lycans perdirent de leurs airs hagards et semblaient déjà croire en moi.
Reconnaissant mon pouvoir en le halo argenté qui pulsait faiblement autour de moi, symbole de ma nouvelle condition, et présence divine de notre Mère à tous. Les lycans se prosternèrent, fugace cérémonie improvisée aux pieds des marches du temple d’Ihana Sidän.

- Moi, Sobek Elpoemer, descendant du Poète Azhalred, celui-là même qui a jadis contemplé les cités merveilleuses enfouies dans les sables d'Harena, en appelle aux Fils du Titan fou qui sommeille au cœur d'étoiles mortes. Entendez mon appel, car je vous offre la dépouille d'un Dieu ! Venez et...

- Les Terres Vampires vous saluent, peuple d'Ihana Sidän, désormais alliés nos peuples connaîtront la prospérité. Le Massif de Spelunca, unifié, sous la régence de Sa Reine Lycane et le Roi Vampire, déclare aujourd'hui son indépendance ! Nous nous sommes érigés sans l'aide de l'extérieur, et nous grandirons à l'aide des seuls alliés en qui nous puissions avoir confiance, nous-mêmes ! Que ce soir nos coupes trinquent à Giulia, votre Gardienne, et à tous ceux qui ont péri au nom de cette nouvelle ère de paix ! Festoyons à présent ! HAHAHAHAHAHA ! HOURRA !

- Tout est bien qui fini bien, ma Reine. Peut-être devrions-nous en profiter pour discuter agencements légaux ? J'ai bien peur que ma seule signature ne suffise plus sur le Traité de Spelunca.

- Il est le devoir d'une Reine de commander l'avenir de son peuple, permettez moi de vous suggérer de commencer par les amendements de ce traité.

Comme un phénix renaissant de ses cendres, je me sentis changé, libérer de la tourbe qui me liait à une noirceur qui n’était pas la mienne. Là, sous les rayons de la lune et du soleil, mon âme se dévoila, créature mystique voguant perpétuellement entre deux mondes, et j’eus l’impression de respirer pour la première fois de ma vie.
L’air avait une toute nouvelle saveur, les couleurs avaient de toutes nouvelles teintes. Vives, colorées. Voyais-je un monde différent ? Non, c’était moi, et seulement moi, qui évoluais en cette forme qui était mienne depuis toujours, mais qui était enfouie sous les souillures du Démon.

Alors, à présent que la malédiction était détruite, me déployant de la manière qu’un papillon sortant de son cocon ferait, je fermais les yeux. Ouvrant les bras, ouvrant des ailes métaphoriques, j’enlaçais, j’embrassais peines, tristesses et douleurs… Non, mon peuple ne souffrirait plus.

Si certains pleuraient la disparition de Giulia, moi y compris. La plupart connaissaient son souhait, le respectaient, et lui souhaitait simplement une nouvelle vie pleine de joie, auprès de la mère Lune. Je pourrais réaliser la grandeur de la perte de la prêtresse, plus tard, lorsque l’euphorie du moment serait retombée et que, seule entre ces murs de pierre je me rendrais compte qu’il s’agissait de la dernière famille qu’il me restait. Mais pas pour le moment.

« Je crois, en effet, que nous avons beaucoup à faire, mon Roi. » Répondis-je souriante en prenant dans ma petite main pâle le parchemin venant d’apparaître. « Peut-être devrions-nous laisser ces braves gens se remettre de pareilles émotions, et nous retirer dans mon bureau afin de parler affaires. » Articulais-je d’une voix claire tandis que se superposaient parmi mes souvenirs, tout ce que je pouvais avoir besoin de savoir sur le château de marbre et de granit, jouxtant le temple d’Ihana Sydän. Giulia ne semblait pas tout à fait m’avoir quitté… Finalement.

Si j’avais noté quelques changements en la personne de Sobek Elpoemer Grey, je me gardais bien d’en faire la moindre remarque, me promettant que quoi qu’il ait pu se passer au cœur du tombeau d’Adam, je ne voudrais rien en savoir. Les affaires du Styx ne regardaient que lui et ses prunelles d’or en disait bien suffisamment pour combler ma curiosité.