♪ - Voyez les trésors de la Muse et de la Tempête, héritages des Abyssaux et gloire de Sitlantà…. Sitlantàà, aaaaa, accelerando maintenant. AAAAAAAA. ♪

Cela faisait déjà plusieurs heures que l’abyssale chantait pour les répétitions du spectacle à venir. Une soirée caritative en l’honneur de Sitlantà, organisée par la Capitaine Charlotte Roseline III, et soutenue par la faction Pirate. Elle était l’invitée d’honneur de cet événement et devait chanter quelques chansons, des airs abyssaux représentant la riche culture millénaire du peuple aquatique.

Elle se tenait là, avec quelques musiciens, dans cette espèce d’annexe de tavernes ou des corsaires et des boucaniers se saoulaient en s’amusant à jouer à du lancer de fléchettes sur des poules vivantes. De toute façon, les pauvres gallinacés avaient une bien piètre allure, et elles serviraient au bouillon du soir. Une sorte de soupe avec quelques rares morceaux de lapin, quelques légumes, et surtout beaucoup de pains pour épaissir le tout à peu de frais. Inutile de préciser qu’elle ne comptait pas rester dans cette gargote sordide pour la soirée.

- Cher ami, vous comprenez que le rythme s'accélère SUR la dernière syllabe, n’est-ce pas ? Eh non pas APRÈS ?

Un des violonistes n’était vraiment pas au niveau et sa patience touchait presque à ses limites. Alors qu’elle souriait en sa direction d’un large sourire carnassier qui ne cachait que très mal sa colère grondante, des cris surprirent la petite troupe depuis l’extérieur des bâtiments. Sortant du bâtiment avec quelques glissades, Marania ne comprend pas vraiment la surprise générale des gens autour d’elle. De ce qu’elle voit, ce sont des sortes d’oiseaux métalliques qui survolaient le ciel d’Ishtar. Pour notre demi-murène, tout est nouveau sur la terre ferme, alors ça ou autre chose, quelle différence ? Les oiseaux d’acier lâchent des œufs qui s’éclatent sur le sol de la ville qui était déjà répugnant. Quelle drôle de façon d’attaquer ! Deux badauds s'écriaient.

- Ce sont les cloches qui reviennent encore cette année, c’est mauvais signe ! Très mauvais signe !
- Mais non, au contraire, c’est synonyme de chance ! La légende dit qu’une des cloches est faite de chocolat, vite, sortez les arbalètes !

Quelques instants plus tard, plusieurs hommes et femmes sortaient de chez eux, arcs, arbalètes ou frondes à la main, tentant de viser ces oiseaux métalliques mystérieux. La diva en restait la bouche-bée, la vie terrestre était décidément bien surprenante.

Kaïna avait accosté à Ishtar et lorsqu'on lui apprit que Cha organisait une soirée caritative, la jeune femme se dit qu'elle avait dû mettre la main sur un fabuleux trésor. Après tout, Charlotte n'était pas connue pour sa générosité. Il y avait sans doute andouille sous cloche. Bah, peu importait à Kaïna. En attendant que la soirée ne commence, elle avait décidé de passer un peu de temps dans un rade. Elle avait erré dans les rues d'Ishtar jusqu'à arriver dans des quartiers assez mal famés. Cela ne l'inquiétait pas. Elle connaissait la ville comme sa poche et puis, après tout, c'était en partie à cause d'elle que ces quartiers avaient cette réputation. Bien sûr, elle n'était responsable que de la partie sur le vol. La jeune pirate ne tabassait pas les gens pour s'emparer de leurs bien et encore moins ne les tuait.

Lorsqu'elle eut trouvé taverne à son foie, elle entra et commanda un grand verre de sabre-lune. Le tavernier la servit et c'est alors qu'elle remarqua une femme étrange. Elle ressemblait à une abyssale. Bien que ce n'était pas la première fois qu'elle en croisait une, ce n'était pas courant de les voir hors de l'eau. La diva semblait s'exercer au chant. Kaïna aussi aimait beaucoup chanter mais, ceci était très différent de ce dont elle avait l'habitude. Elle soupira. C'était joli mais, elle ne pourrait pas se joindre à la femme poisson. C'est alors qu'elle remarqua un type qui lançait des couteaux sur une poule. Ni une ni deux, elle jeta une de ses dagues afin de dévier le projectile puis, elle se rua vers l'homme et lui dit alors:

"Bah alors mon lapin, on aime martyriser un animal sans défense?

-Qu'est ce que ça peut te faire? De toute façon, on va la bouffer.

-Et c'est une raison pour la torturer? Laisse la donc profiter de ses derniers instants! En plus, on ne t'a jamais dit que c'était mal de jouer avec la nourriture?

-Sale gamine, tu commences à me fatiguer!"

L'homme tenta de frapper Kaïna mais, elle n'eut aucun mal à esquiver, prenant même soin de ne pas renverser une seul goutte de son précieux rhum en se baissant. Le coup partit donc sur le voisin de l'abruti qu'elle avait provoqué. Celui-ci, tout aussi demeuré, riposta et Kaïna en profita pour s'éclipser. En temps normal, elle n'avait rien contre une bonne bagarre mais, pour le coup, tout ce qu'elle voulait, c'était qu'ils laissent le gallinacé tranquille. C'était chose faite. En plus, elle n'avait pas encore touché à son breuvage, ce serait dommage de le renverser. Elle partit donc s'asseoir à une table plus loin, là où des pirates plus respectables buvaient tout en jouant aux dés. Elle allait se joindre à eux quand l'agitation générale vint perturber la partie.

Un homme était rentré dans la taverne en criant que des cloches volantes attaquaient la ville en la bombardant avec des oeufs. Nulle doute que ce type était déjà plus entamé que Kaïna. Il parlait même d'une de ces ignominies volantes qui serait en chocolat. Kaïna pouffa de rire et envisagea de jouer avec ses compagnons mais, à sa grande surprise, tous s'étaient levés pour aller voir ce qui se passait. Bien malgré elle, elle finit par en faire autant et quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'elle découvrit que tout cela n'était pas juste les élucubrations d'un type totalement saoul. Le pire, ce fut quand elle vit ce ramassis de poivrots tenter d'abattre les créatures avec des arcs, des arbalètes ou même en leur jetant des bouteilles dessus. Quel pirate digne de ce nom sacrifierait son alcool pour du chocolat? La jeune femme soupira et retourna dans la taverne. Celle-ci ayant été désertée, elle trouva un verre de vin abandonné sur une table. Elle s'en empara et alla le déposer devant la poule qui était en fait un coq. Les poulets n'étant pas des lumières, ils avalaient tout ce qu'on leur mettait à portée de bec. Aussi, avec des mouvements de tête de plus en plus frénétiques, il s'était mis à vider le verre de son contenu. Kaïna sourit et dit alors:

"Tes derniers instants seront tout de même plus agréables en buvant un verre de vin qu'à te faire jeter des couteaux dessus, aussi dégueulasse que soit cette piquette. Et puis, il parait que c'est pas dégueu le coq au vin!"