Avoir un enfant à sa charge impliquait de nombreuses responsabilités. Entre autres, lui apprendre ce qu'elle savait. Alors, cette fois, Elaran l'accompagnait pour sa partie de chasse occasionnelle. Bien sûr, c'était la première fois qu'il serait en contact avec un animal dans un tel contexte. Aussi, elle ne lui demanderait pas de l'abattre. Néanmoins, il put l'accompagner sur l'arbre dans lequel elle se percha pour attendre sa cible. Tandis que ses yeux observaient ce qui se passait en contrebas, à mi-voix, elle expliquait :

- Maintenant, on attend. Et lorsqu'un sanglier se présentera, il faudra l'abattre d'un coup, pour qu'il n'aie pas le temps de se rendre compte de ce qui arrive, ni de souffrir. Ensuite, c'est là que tu entreras en scène. Ne t'en fais pas, je te guiderai.

- Mais... C'est cruel!

- J'essaie justement de faire en sorte qu'il ne se rende compte de rien. Mais honnêtement, au début, je pensais comme toi. Mais à ton avis, pourquoi est-ce qu'on peut cuisiner de la viande ? Et puis, tu auras l'occasion de le voir, rien n'est perdu dans ce que je récupère. C'est ma manière de m'excuser auprès de l'animal. Maintenant, taisons-nous, quelque chose approche.

En effet, un sanglier esseulé venait d'entrer dans leur champ de vision. Repoussant doucement l'enfant pour qu'il lui laisse la place de manoeuvre tout en prenant soin de ne pas le faire tomber, elle banda son arc, attendant le bon moment. Puis, après avoir soigneusement visé, d'un tir précis et assuré, elle acheva sa proie avant qu'elle n'aie pu se rendre compte de quoi que ce soit... Comme elle l'avait expliqué à son élève.

Puis elle sauta à bas de l'arbre, faisant signe à l'enfant de la suivre. Le moment était venu de dépecer leur prise, afin de s'assurer de ne rien gâcher. Néanmoins, pour la première fois, elle n'imposerait pas à l'enfant de recueillir le sang ou la peau. Elle s'en chargerait. Lui avait déjà commencé à être formé à la cuisine, qui était, selon Lariela, le plus intéressant. Il se contenterait donc de découper la viande. Elle en profiterait d'ailleurs pour lui prodiguer un cours de rappel sur les différents morceaux.

Elaran n'avait pas voulu l'accompagner, cette fois. L'avait-elle dégoûté ? Avait-elle fait une erreur en tentant de l'initier à la chasse ? Dans tous les cas, elle ne pouvait pas le forcer à l'accompagner. Peut-être viendrait-il la fois suivante. Ou pas. Elle n'avait aucune prise là-dessus.

En parlant de prise, il serait peut-être temps de s'en trouver une. Alors, comme à son habitude, elle grimpa dans les arbres et attendit patiemment qu'un gibier veuille bien passer sous sa branche. Comme à son habitude, elle lui décocha une flèche au bon moment... Enfin, ce qu'elle crut être le bon moment. Les cris qui en résultèrent lui prouvèrent que, quelle qu'en soit la raison, elle avait mal visé. Il lui fallait terminer le travail, et vite. Le but n'était ni de rameuter tous les prédateurs, ni de faire souffrir sa proie plus que ce n'était déjà le cas.

Alors, sautant à bas de son arbre, elle l'acheva d'un coup de dague, avec quelques mots d'excuse. Elle s'excusait de ne pas avoir assez bien visé. Elle s'excusait de l'avoir fait souffrir. Pour un peu, elle s'excuserait même d'exister. Et elle se nota mentalement de ne plus jamais se reposer sur ses lauriers, même avec de l'expérience, une erreur était toujours possible.

Quête: VI. La liste de mots

Elle commençait à s'y habituer. À présent, achever la vie d'un animal la touchait moins. Bien sûr, elle était toujours sensible à leur cause. Mais jamais elle ne les attaquerait sans raison. Et cette fois, la raison était plus vivace que jamais. Elaran, bien qu'il lui ait clairement signifié ne pas vouloir la suivre dans ces expéditions, avait montré un vif intérêt pour la préparation du résultat de sa chasse. Certes, il savait que cette activité n'était pas pour lui, mais il aigirait ensuite. Il savait désormais découper correctement les morceaux grossiers que Lariela se contentait de ramener, uniquement pour les rendre plus transportables que la carcasse entière. Auparavant, elle se concentrait sur ses découpes pour faciliter la cuisine qui suivrait. À présent... Elle se contentait de ne pas percer de partie à éviter, comme la vessie ou l'estomac. Le reste serait plus précis à la maison.

Elle fut interrompue dans ses rélfexions par un son venant d'un fourré proche. Oups. Elle s'était laissée distraire. Cette fois, elle en était certaine, l'animal l'avait repérée. Elle avait intérêt à fuir... Trop tard, il chargeait ! Elle n'avait plus le choix, il lui fallait apprendre à utiliser sa nouvelles dague. Elle n'était pas douée avec ce type de combat et était certaine qu'elle abîmerait au minimum la peau, mais tant pis. Elle devait survivre.

Laissant l'animal lui passer par-dessus, elle brandit la dague, plus pour se protéger qu'auyre chose. Sa proie lui déversa son sang et ses boyaux dessus avant d'aller agoniser plus loin. Elle grimaça. C'était un échec total. Elle avait plus qu'abîmé sa proie, était poisseuse, couverte d'une matière qu'elle préfèrerait ne pas identifier... Et elle empestait. L'horreur. Au moins, sa cible avait succombé... Mais avant toutes choses, il lui fallait un bain. Quitte à ce qu'un autre prédateur lui vole sa proie. Elle ne pouvait pas se permettre de garder tous les attributs d'un monstre.

Continuer la chasse ou non ? L'habitude effrayait Lariela. Commençait-elle à devenir insensible au sort de ces pauvres sangliers ? D'un autre côté, c'était peut-être mieux ainsi... Afin de ne pas se laisser impressionner, et de ne pas retenir son geste non plus...

Néanmoins, elle avait compris, à présent. Désormais, elle n'entraînerait plus Elaran lors de ses virées de chasse. Il se contenterait de préparer ce qu'elle en ramènerait, puisque cela semblait lui plaire. Quant à elle... Elle se massa les tempes. Pourquoi se sentait-elle si épuisée, d'un coup ?

Enfin, quand il faut y aller, il faut y aller... Elle grimpa donc à l'arbre le plus proche, attendit le bon moment, puis décocha sa flèche lorsqu'il se présenta... Comme d'habitude. Lorsqu'elle descendit dépecer l'animal qu'elle avait abattu, ses gestes se firent également automatiques. ça y était, elle était vraiment devenue une chasseresse. Et elle ne savait pas si cela lui plaisait.

Un nouveau jour, une nouvelle chasse. Cela était devenu une routine. Certes, elle ne devait pas laisser sa vigilance s'étioler. Après tout, même avec de l'habitude, elle pouvait toujours rater sa proie... Dans le meilleur des cas. Lorsque le chasseur ne devenait pas proie. Alors, elle resta prudente, perchée dans un arbre. Cette fois, elle s'était un peu éloignée du lieu habituel. Après tout, il ne faudrait pas permettre aux sangliers de la connaître, et donc d'éviter cette zone à tout prix... Enfin, elle n'était pas non plus la meilleure et ne réussissait pas à tous les coups. Mais peu importait, elle leur faisait toujours peur, lorsqu'elle échouait à atteindre son but. Ce qui n'était pas non plus souhaitable, du point de vue des animaux.

Enfin, trêve de plaisanterie. Une cible se dessinait, en la personne d'un sanglier, visiblement dans la force de l'âge, en pleine tâche de ravitaillement, le museau enfoui dans la poussière... C'était une occasion en or ! Tout à sa tâche, il ne faisait pas attention à ce qui l'entourait. Et si elle parvenait à l'avoir, ces glands tout juste ingurgités donneraient une nouvelle saveur à la viande. Autrement dit, elle ne pouvait pas se permettre d'échouer. Elle tenait là un bon moyen de faire plaisir à ceux qui goûteraient sa cuisine... Ainsi que de gagner quelques pièces supplémentaires. Alors, ne pas se précipiter, ne pas le perdre du regard alors qu'elle l'observait, l'étudiait. Finalement, elle décida de s'imposer un petit défi. Descendant discrètement de son arbre, elle opta plutôt pour sa dague alors qu'elle approchait par derrière, prenant bien soin à ne pas se faire trahir par le vent. Son odeur ne parviendrait pas aux narines de sa proie, qui devait rester distraite le plus longtemps possible. De préférence jusqu'au dernier moment, afin de ne pas l'abîmer au moment de la mise à mort.

Ses précautions avaient-elles été efficaces ou complètement inutiles en compraraison avec la gourmandise de l'animal ? Toujours était-il qu'elle eut beaucoup moins de difficultés que prévu à abattre la cible. Son seul regret était d'avoir versé un peu trop de sang... Elle était également bonne pour un bon débarbouillage elle-même. Mais au moins, elle avait réussi. Sa tête se remplissait déjà d'idées de recettes à base de sanglier aux glands...

Peut-être que finalement, il fallait commencer petit, lorsqu'il était question d'entraînement. Commencer à essayer sa nouvelle arme sur quelque chose qu'elle connaissait. Comme... Un sanglier. Voilà ce qu'elle savait chasser.

Alors, elle retourna se poster sur un arbre, en attendant qu'une créature gourmande vienne rechercher les glands qui, elle le savait, étaient nombreux dans cette zone. Et lorsqu'il se présenta, elle ne se précipita pas. Après tout, elle était juste au-dessus de lui, même s'il s'éloignait, il resterait à sa portée. Elle avait largement le temps de se préparer.

Ce qu'elle fit, avec grande application, n'attaquant pas avant d'être certaine de réussir son coup. Et une fois celui-ci lancé... Elle eut la satisfaction de voir le sanglier mourir d'un coup, sans souffrance. Voilà qui était un véritable pas en avant ! Ne pas faire souffrir ses proies lors de la mise à mort, voilà qui lui plaisait !

À présent qu'elle avait saisi la technique pour réussir à abattre un aigle... Il lui fallait plus d'appâts. Et pour cela, quoi de mieux que de faire des réserves de viande de sanglier ? Après tout, elle savait les chasser et un seul d'entre eux était largement suffisant pour lui offrir de la matière à la fois pour cuisiner et pour attirer des aigles.

Et puis, chasser le sanglier était reposant pour elle, à présent. Elle savait le faire, à condition de ne pas laisser son attention se relâcher, elle revenait toujours avec des prises. Et ce jour-là ne fut pas différent. Elle en trouva un, visiblement assez jeune, mais cela ne lui suffit pas pour lui échapper. Lorsqu'elle rentra, elle était aussi chargée que d'habitude. Voilà qui était bon pour sa confiance en elle.