Avancements notables par rapport à la fiche d'inscription
Doemino possède désormais une faux magique aussi grande qu'elle ainsi qu'une dague ensorcelée, offerts par un kazharien généreux
La métisse est tombée au combat lors d'une embuscade de perracks et de mages-nécromants du Comte de Perracie. Ceux-ci l'ont ramené d'entre les morts en tant que cobaye pour expérimenter les facultés d'un nouveau genre de morts-vivants. Ayant conservé intellect et esprit d'initiative, ces damnés peuvent aller et venir à leur guise à travers les enchantements de l'enchanteur Tungstène. Rien dans leur apparence ne laisse transparaître le mal affligeant ces morts, si ce n'est un regard légèrement luisant. Doemino est désormais à la solde de Motch'Hollow et agira en conséquence, infiltrée parmi les ennemis de la Perracie. Et ce tant que cette emprise sur son esprit n'aura pas été levée.
Lors du rituel de résurrection, le médaillon de son père lui permettant de manipuler la glace a été réduit en poussière
Sujet: Re: Journal de Doemino Mer 10 Mar 2021 - 9:24
Quêtes, achats, divers
Quête métier:
Louchant presque sur son pinceau, Doemino s'échinait à écrire d'un tracé aussi propre que possible le texte à recopier. Tenant le manche entre ses petits doigts, elle était debout sur son tabouret plutôt qu'assise et tirait la langue de côté, concentrée. Lorsqu'enfin elle arriva en bas de sa page, la gnomette souleva le fruit de son labeur qu'elle contempla avec fierté.
Passant derrière elle au même moment, sa mère s'arrêta, du linge plein les bras. Il fallait dire, bien qu'adulte leur fille n'était pas vraiment un modèle d'autonomie. Et elle venait de revenir de patrouille au "grand lac du Sud et ses deux tours".
- Hmm mm, marmonna-t-elle en examinant le document tout récent. C'est pas mal, tu continues à t'améliorer, tes courbes sont de plus en plus belles ! - T'as vu ! fanfaronna l'apprentie. Bientôt tu pourras prendre ta retraite, je me chargerais de toutes les commandes ! - Peut-être. Mais avant cela, il faudra que tu continues à améliorer ton orthographe : le verbe "chenter" s'écrit avec un A, pas un E.
Là-dessus, Callie prit la direction de l'extérieur pendant que sa fille collait son nez au papier pour identifier la faute dont elle parlait. Lorsqu'enfin elle la trouva, elle poussa un cri désespéré.
- Crotte de biques ! jura-t-elle en déchirant en morceaux le document calligraphie.
Puis elle déchira les morceaux à leur tour. Puis les morceaux des morceaux. Puis les jeta par terre et entreprit de les piétiner. Lorsque, enfin défoulée, elle remarqua que son "p'tit papa" l'observait depuis l'entrée, un sourire en coin, elle lui tira la langue puis reprit contenance. Sans un mot, elle alla ajouter les miettes de son travail aux autres documents à brûler.
- J'ai du bois à couper, déclara Zook. Je t'attends ? - Ho que oui ! s'écria-t-elle en accourant.
Ses chaussons volèrent dans l'entrée comme elle se précipitait à l'extérieur pieds nus. Ayant retrouvé le sourire, elle courut jusqu'au portique permettant d’accéder au jardin de ses parents où, déjà, l'attendait son père.
- Doemino ! l'interpella sa mère depuis l'étendoir. Tu oublies encore ta hache ! - J'en ai plus besoin m'man !
Après quoi elle décocha un grand sourire complice à son père : son pendentif enchanté rebondissait sur sa poitrine à chacun de ses pas.
Quête académie de magie:
Titubant et s'efforçant de garder la pile de documents droite, Doemino avançait à l'aveugle. Et pour cause, elle trimbalait une pille de papiers mesurant plus que sa propre taille, laquelle oscillant dangereusement à chaque pas. Et la catastrophe qui devait arriver arriva : se prenant les pieds dans un tapis, la métisse trébucha et s'étala de tout son long dans une pluie de feuilles de papier.
- Zut ! s'écria-t-elle en se relevant précipitamment.
Agacée, elle entreprit de ramasser et empiler à nouveau tout ces documents éparpillés. C'était une bien piètre entrée en la matière : pour la première fois elle mettait les pieds à Sylfaen, venant livrer des parchemins et vélins réalisés par sa maman. Et elle-même, pour quelques uns d'entre eux. Bien entendue, désireuse d'en mettre plein la vue aux académiques, elle avait tenté de ne faire qu'un trajet entre la charrette et le bureau qu'on lui avait indiqué à plusieurs couloirs de l'entrée.
A quatre pattes, elle rassembla les feuilles d'un classeur, s'assura de les remettre dans le bon ordre, puis réalisa que la page onze manquait. Avant qu'elle ne commence à passer en revue les dizaines (centaines ?) de feuilles en vrac dans le couloir, le morceau de papier qu'elle cherchait lui apparut sous le nez.
- Je crois que c'est ce que vous cherchez, lui indiqua un inconnu d'un ton bienveillant. - Hein ?
Accroupit face à elle, il avait ramassé la-dite page onze sans qu'elle ne remarque ni son apparition ni son intervention. Vêtu d'une espèce de robe de chambre grisâtre, il s'agissait d'un vieil homme au crâne encore plus dégarnis que Zook et à la barbe si longue qu'elle frottait par terre. Un instant, Doemino s'égara en croisant son regard azur, pétillant d'amusement. Gênée, elle cilla en rougissant jusqu'aux oreilles. Elle avait espéré être assez rapide pour que sa bourde passerait inaperçue...
- Nrgeu... merci, marmonna-t-elle en prenant la page tendue.
Sans se relever, elle poursuivit sa corvée. Pour autant, le vieillard resta accroupit à sa hauteur, l'observant faire en silence. De plus en plus mal à l'aise, elle finit par relever la tête.
- Vous avez l'intention de me regarder me ridiculiser toute la journée ? lança-t-elle agressivement avec l'intention de le faire décamper. - Je ne trouve pas ridicule les efforts consentis à la tâche, répondit-il calmement. J'apprécie ceux qui ne rechignent pas devant le labeur.
Comme elle clignait des yeux, perplexe, il commença à rassembler des documents et à les empiler sur la pile. N'ajoutant rien, elle reprit elle-aussi sa corvée, organisant le fouillis de papiers.
- Êtes vous étudiante de l'académie ? demanda-t-il après un instant en feuilletant un livre vierge. - Nan, ricana-t-elle. J'ai pas de pouvoir, pourquoi je viendrais... - Pas de pouvoir ? l'interrompit-il avec étonnement. Pourtant je perçois le toucher glacé en vous.
Stupéfaite, Doemino resta coi à le dévisager. Personne hormis son p'pa savait qu'elle arrivait à manipuler la glace en utilisant son amulette. Instinctivement, elle porta la main à son pendentif et réalisa qu'il avait glissé hors de son haut et pendait dans le vide. Aussi s'empressa-t-elle de le cacher à nouveau.
- Comment... bha, la magie, répondit-elle à sa propre question. S'pas ça qui fait de moi une magicienne.
Là-dessus, elle se releva enfin, ce qui la rendait à peine plus grande. A son tour, le mage se redressa, révélant mesurer plus de de fois sa taille... avec un sourire affectueux, il posa les derniers documents ramassés sur la pile. Puis s'empara d'une bonne moitié de celle-ci.
- Vous seriez surprise je pense. Posséder un artefact magique et parvenir à l'utiliser sont deux choses très différentes. Venez, c'est à mon bureau que vous apportiez tout cela.
De plus en plus confuse, Doemino le vit faire demi-tour et s'engager dans le couloir d'un pas tranquille. Après un instant, elle ramassa la seconde pile, enjamba précautionneusement le rebords du tapis, puis entreprit de le rattraper.
Quête Khazariens:
- Entre, intima l'officier lorsqu'on toqua à la porte.
Il ne leva pas les yeux de sa paperasse tandis que la porte grinçait légèrement. Une plume à la main, il raya une ligne du document en grommelant, puis le ratifia d'un coup de griffe. Alors seulement il leva les yeux. Pour découvrir une petite tête dépassant tout juste du bureau, le bord de sa coupe au carré frôlant le bois.
L'espace d'un instant, le nain s'apprêta à demander à cet avorton ce qu'un mioche venait faire ici. Mais il fit le rapprochement avec une récente recommandation - atypique en soit - et tint sa langue.
- Je peux faire quelque chose pour toi ? Interrogea-t-il en faisant mine d'ignorer la raison de sa présence. - Bonjour ! Lançant la demi-portion en esquissant un sourire étiré d'une oreille à l'autre, les yeux quasiment fermés. J'viens candidater !
Conservant difficilement une expression sérieuse face à l'apparence et aux intonations très enfantines de son interlocutrice, il lui indiqua le siège de l'autre côté du bureau. Elle l'escalada rapidement, assise juste sur le bord pour pouvoir plier les genoux, ses pieds nus pendants dans le vide. Il répondit :
- C’est-à-dire candidater ? Il y a de nombreux… - Brigadière Khazarienne ! l'interrompit-elle avec entrain avant de réaliser sa gaffe et se reprendre. Sivouplait… Monsieur ?
Il échappa un léger sourire. Rester impassible allait être très, très difficile.
- Je vois, répondit-il en espérant que sa moustache épaisse avait dissimulé son rictus. Vois-tu, ici nous avons des protocoles particulièrement stricts concernant les adhésions et comportements en vigueur.
En entendant cela, la gnome bomba le torse et colla ses bras le long du corps, pratiquement au garde-à-vous. Ce qu'il fit mine de ne pas remarquer.
- Quel est ton no… - Doemino Tunnelly ! l'interrompit-elle à nouveau précipitamment. Monsieur !
Cette fois c'est un regard noir qu'il échappa. Aussitôt, elle se pinça les lèvres et un bout de rouge lui monta aux joues. Pour autant, elle resta droite sans se laisser démonter.
- Tunnelly, répéta le khazarien après un moment.
Il se saisit d'une pile de papiers sur le rebord du comptoir et fit mine de feuilleter. En réalité, il savait exactement ce qu'il cherchait, ayant étudié ceci à peine une heure plus tôt.
- Tunnelly, répéta-t-il à nouveau en reposant les papiers, n'en gardant que deux feuilles en main.
Sans répondre, l'intéressée plissa les paupières, essayant de lire ce qui y était écrit. Son vis-à-vis le remarqua vite, puis ajouta une feuille volante en guise de sous-main. Puis relut en diagonale les grandes lignes.
- Tu as un parcours… erratique... Tunnelly, déclara-t-il. En plus d'avoir un profil atypique, ce qui n'est nullement un frein à ta requête, je préfère te rassurer tout de suite.
S'éclaircissant la voix, il posa le doigt sur le document et lu :
- Originaire du village de Plac Glilaharie, énonça-t-il, et fille de Callie Tunnelly et de… "Zook des Fjords".
Haussant un sourcil broussailleux, il examina à nouveau la jeune métisse habituée à la confusion des gens réalisant ses origines.
- Papa est Gnome, déclara-t-elle avec fierté.
Le nain hocha de la tête sans commenter, puis reprit sa lecture :
- Compétente en calligraphie, papeterie et travail de la hache. - Je… - A cassé le genou d'un officier Khazarien et l'a roué de coups, reprit-il en l'interrompant, à l'âge de seize ans. Pour l'avoir considéré comme une enfant.
Abaissant la feuille pour étudier la réaction de la jeune femme, il la découvrit esquisser un sourire gêné.
- J'ai été punie pour ça, osa-t-elle avec embarrât tout en se grattant le cuir chevelu. - … a écopé de quinze ans de travaux forcés au service de la patrouille du soldat blessé, reprit-il sa lecture après un moment. Réduits à seulement dix après un an de patrouille pour bravoure au combat et engagement au service de la patrie. A poursuivit les patrouilles frontalières malgré la fin de sa peine avec dévouement. Excellentes relations avec les autres membres d'escouade et recommandations du Capitaine de Brigade Oldrak.
À nouveau, il abaissa ses documents pour observer la réaction de la gnome. Celle-ci, stupéfaite, avait perdu son habituel masque jovial et le dévisageait bouche-bé.
- Y… y m'a recommandé Oldrak ? Bégaya-t-elle. Et y'a vraiment marqu… - Élément prompt aux débordements et manquant de discipline vis-à-vis de l'autorité, déclara-t-il sans la laisser terminer. Responsable de nombreuses rixes de tavernes. Bannie du stadium pour deux décennies.
Étonnement, ces ajouts lui redonnèrent confiance en elle. Retrouvant son sourire, elle ne dit rien de plus tandis qu'il reposait les documents.
- Tu es un carrousel entier de clowns à toi seule jeune fille, déclara-t-il finalement. Ainsi qu'un concentré d'incidents contradictoires. Rien que pour cela je t'aurais personnellement recalé. Néanmoins, tu n'as pas été recommandée par n'importe qui et ton dossier est exemplaire. Nous recherchons des patrouilleurs motivés et compétents. Ce quel que soit leur taille.
Il marqua un temps, la laissant digérer ses mots. Toutefois, elle était penchée en avant, buvant ses paroles comme un gosse écoute un conteur : elle n'écoutait plus qu'à moitié, attendant son verdict…
- Ton intégration parmi les Khazariens ne dépendra pas que de moi. Je ferais remonter ce dossier - ainsi que ta candidature actuelle - auprès des autres officiers, puis nous trancherons sur ton intégration.
Posant les coudes sur le rebord, il croisa les bras et se pencha en avant.
- Y a-t-il, jeune fille, quelque chose que tu souhaites ajouter à ton CV ?
La halfeline trépignait sur son siège trop grand, mais à cette question se figea sur place. Tandis qu'elle soutenait son regard intense, elle porta la main à une breloque accrochée à son cou, dissimulée sous son vêtement. Puis, après un instant, esquissa un très lent sourire.
- Se sera tout, Monsieur. - Bien, conclut-il après un instant, bien que n'étant pas dupe quant à cette hésitation. Tu peux prendre congé.
Aussitôt Doemino sauta de son fauteuil et galopa jusqu'à la porte où elle s'inclina bien bas en signe de respect.
- Merci Monsieur pour m'avoir accordé cet entretien !
Puis elle s'esquiva sans demander son reste. Ni complètement refermer la porte.
- Direction la taverne bande de Pitiponks ! résonna la voix de cette fanfaronne deux couloirs plus loin. J'paye ma tournée ! J'suis admise ! Ensuite on s'réserve nos places pour l'prochain match des Khazariens Gig… hey mais Kelvin au fait, t'avais pas parié que j'serais pas… et il est où l'vieux Oldr...
Les mots se perdirent dans le lointain comme le groupe de patrouilleurs quittaient le bâtiment. Se frottant les tempes, l'officier Khazarien expira lentement. Il n'avait pas validé sa candidature mais accepté de la transmettre à sa hiérarchie…
Or rien ne s'opposait à l'intégration de la demi-halfeline. Il pressentait de longues migraines à venir pour canaliser un caractère comme le sien…
Demande de Classe:
Musique d'ambiance:
- Moi je dis que même si toi tu bois coupé à l’eau, tu danseras sur la table avant nous ! - Peuh ! Ce qu’il faut pas entendre, renifla Doemino en détournant le regard. Je peux aisément vous aligner tous autant que vous êtes. Évidemment, si vous tournez à la tisane au lait… - Rappelle moi, insista son camarade de patrouille en approchant de sa gnomette lui arrivant approximativement aux hanches. La dernière fois, combien de bouteille qu’il t’a fallut avant de commencer à chanter ? - Une seule, grinça l’intéressée dont les joues s’empourprèrent. Mais la prochaine fois j'te promet, s'toi qui...
Un choc sourd ébranla soudain la fanfaronne qui tituba quelques pas en avant. Clignant des yeux d’incompréhension, elle baissa le regard sur la pointe écarlate dépassant de son ventre, juste sous la cage thoracique. En un instant, un silence stupéfait était tombé sur le groupe. Immédiatement brisé par la gnome qui eut un haut-le-cœur en faisant un pas de plus, un goût métallique lui inondant le palais. La douleur irradia brusquement de son abdomen, tétanisant l’aventurière qui s’effondra de côté.
- Une embuscade ! s’écria Oldrak en tirant son épée du fourreau. On nous attaque ! On…
Sa phrase fut coupée net par un impact spongieux. Tombée le visage vers l’orée des bois, Doemino ne pouvait voir ses compagnons. Seulement entendre le chaos soudain s’emparant de la patrouille. Les cris de panique. Les pas confus martelant le sol.
- Mes… mes jambes, balbutia-t-elle en s’efforçant le baisser son menton. Je sens… mes jambes…
Horrifiée, elle leva une main tremblante en direction de ses pieds qu’elle pouvait voir. Mais qu’elle ne pouvait plus sentir. Elle plia les doigts d’impuissance, incapable de bouger le moindre orteil. Un coup à l’omoplate la fit glisser en avant, lui arrachant un gémissement d’agonie comme un nouvel élan de souffrance lui déchirait le ventre. Son regard se fit trouble. Elle avait froid. Une pression sourde pulsait à ses oreilles, assourdissant le fracas des armes autour d’elle. Doemino sentit un liquide chaud ruisseler par terre et s’écouler entre ses doigts comme le monde basculait irrémédiablement de travers.
*
Baignant dans un matelas cotonneux, la halfeline rouvrit lentement un œil. Des silhouettes dansaient autour d’elle. Derrière celles-ci, de sombres montagnes pointues et effilées grimpaient à l’assaut du ciel orangé. Un chant abstrait berçait sa conscience, tendrement murmuré au creux de l’oreille.
Doemino était si fatiguée… les voix du chœur essayaient de l’aider à se rendormir, mais en fait, cela aurait été plus facile si elles s’abstenaient… dans un souffle, elle tenta de réclamer le silence...
Une seconde, les chants se turent. Puis quelqu’un tira la couverture, exposant la gnomette au froid ambiant. Elle grelotta de protestation.
- Celle-ci respire encore, cracha une voix rauque d’un ton mielleux avant d’écarter tendrement une mèche de cheveux de son front.
Un éclat de lumière vint l’éblouir une seconde, accompagné du chuintement qu’elle aurait reconnut entre milles. Celui de la plume d’acier de Callie que l’on sort de son fourreau de velours. Maman était là…
- Retiens ta lame, ordonna une voix plus douce. - Mais elle va crever de toute façon ! Laisse moi au moins savourer le..
La première silhouette s’éclipsa de son champ de vision sans terminer sa phrase. Rapidement, celle de Callie vint prendre sa place, penchée au-dessus de sa fille. Elle lui caressa affectueusement la joue et l’arête du nez. La lueur écarlate qu’elle discerna dans son regard était nouvelle par contre. Cela lui allait plutôt bien.
- ...aman, murmura Doemino.
Ce à quoi celle-ci gloussa d’amusement.
- On l’emmène. Si elle respire encore en arrivant au camp, elle me permettra de tester le rituel. - Et si elle crève en chemin ? - On aura de la naine au dessert.
*
Doemino dodelinait de la tête, incapable de luter contre ses parents. Pendant un temps infini ils lui avaient fait traverser le ciel, parlant et riant, l’empêchant de dormir. A présent, mère lui inclina la tête en arrière, puis la força à ouvrir la bouche. Se laissant faire, la halfeline avait l’étrange impression d’être une poupée entre ses mains. Etait-elle retombée en enfance ? Pourquoi Maman voulait-elle...
- Avale ça, déclara Papa. J’suis sûr qu’il en ont pas de meilleures chez les barbus. Tenez la bien !
S’esclaffant, le khazarien lui versa la mixture entre les lèvres. Doemino manqua s’étouffer et ingurgita de travers. Elle toussa et essaya de se débattre, mais la poigne de maman était trop forte : nez pincé et mâchoire bloquée, elle fut contrainte de déglutir la décoction lui brûlant la langue. Puis la gorge. Étouffant et hoquetant, elle cligna des yeux, cherchant à capter le regard de sa mère en implorant que cesse ce supplice. Mais elle ne parvint qu’à discerner des prunelles écarlates et amusées par sa détresse avant que les larmes ne lui brouille la vue.
- Là, termina Zook en s’écartant. En voilà une grande fille.
Aussitôt une main vint se plaquer sur ses lèvres, l’empêchant de régurgiter. Le souffle court et l’estomac à l’envers, Doemino se débattit faiblement contre la prise de la calligraphe. Jusqu’à ce qu’après un temps infini le monde ne bascule à nouveau sans dessus-dessous.
*
L’horrible sensation de se faire aspirer les entrailles ramena la prisonnière délirante à la conscience. Hoquetant et les yeux grands ouverts, elle tomba nez à nez avec les villageois affairés autour d’elle. Partageant son étonnement, les montagnards à peau vert grisâtre la dévisagèrent un instant. Puis l’un d’eux s’écarta sans un mot en emportant la flèche qu’il venait de lui extraire du ventre.
Se sentant à nouveau défaillir, incapable de rester assise, Doemino se laissa aller en arrière. La lumière diffuse de la lune lui piquait les yeux, mais elle grimaça et s’efforça de rester éveillée. Elle dormait depuis trop longtemps.
- Tu te réveilles au meilleur-parfait moment, ricana la voix du mastiff.
Il s’agissait du chien des voisins. Un énorme chien de garde qui leur servait à garder leur troupeau de brebis en sécurité. Mais bizarrement, son pelage avait viré de jaune-doré à grisâtre...
- Cela va être succulent-magnifique à écouter-savourer ! se réjouit-il - Ecarte-toi vermine, gronda toutefois son père en repoussant le museau de l’animal approchant la gnome.
Entrant dans son champ de vision, il s’immobilisa un instant avant de tendre les doigts vers sa poitrine. Assez pour que la halfeline remarque que ses yeux bleu clair brillaient d’un éclat écarlate. N’était-ce pas sa mère qui avait eut ces yeux plus tôt ? Elle ne savait plus... Également, son long nez pointu avait laissé place à deux fentes au-dessus d’une bouche aux lèvres fines. D’ailleurs, n’avait-il pas grandit ? Cela faisait des années qu’elle…
- Papa… lâcha-t-elle comme il soulevait au-dessus d’elle l’amulette nacrée qu’il lui avait confié.
Les braises écarlates jonglèrent entre elle et le colifichet relié à son cou. Sans un mot, il serra les doigts et broya celui-ci. De petits éclats rebondirent sur la peau de son visage. Elle dû tourner la tête en protestant quand l’un d’entre eux lui glissa dans l’œil.
- Portez-la au bain, ordonna-t-il platement. Ensuite j’extrairais son intégrité.
Secouant la tête, Doemino grimaça comme le ciel étoilé emplissait à nouveau son champ de vision. Allongée, elle retrouva l’agréable sensation de voler parmi les nuages. Son corps était léger. Comme si elle ne pesait qu’une plume. Du bout des orteils à la pointe des oreilles, elle se sentait…
L’éclaboussure eut l’effet d’un électrochoc. En un instant, elle se retrouva comme plongée dans un bain d’huile chauffée, chaque centimètre de sa peau exposée à la matière bouillante. C’était comme si des milliers d’aiguilles s’étaient plantées dans sa peau. Des aiguilles qui se tortillaient les unes contre les autres pour s’enfoncer plus profondément que leur voisine. Hurlant, elle expira le peu d’air de ses poumons et de ce fait avala le liquide trouble dans lequel on l’avait plongé. Puis, à nouveau, le néant l’enveloppa d’une étreinte réconfortante.
*
Le monde cessa progressivement de tanguer autour de Doemino. Elle cligna des yeux avant de se redresser, puis lever une main devant elle. Après quelques seconde, elle put la discerner sans plus que ses contours ne soient flous. Se tournant de côté, elle balaya son environnement du regard.
Le soleil commençait à baisser, mais elle n’aurait su dire quel jour l’on était. Assise sur une table, les pieds pendus dans le vide, elle se trouvait au beau milieu d’un camp crasseux. Ici et là allaient des créatures un peu plus grandes qu’elles. Sans doute des gobelins. Personne ne lui prêtait attention. La plupart des peaux-vertes portaient des pièces d’armures mal agencées et ayant connues des jours meilleurs. Les observer poussa la halfeline à s’examiner elle-même. Sa propre cuirasse lui avait été retirée : elle ne portait que des haillons et son ventre nu était exposé. Elle découvrit une cicatrice blanchâtre sous ses côtes du côté gauche qui n’était pas là dans ses souvenirs, bien que ces derniers soient confus.
Les voix de deux personnes captèrent son attention et elle se tourna de côté pour les identifier. Le premier inconnu était affublée d’une longue robe sombre, une capuche rabattue empêchant Doemino de voir ses traits. Son interlocuteur était bien moins imposant, mais plus que les gobelins. Penché en avant, son museau bougeait nerveusement à chaque syllabes prononcées.
- Je ne comprends-saisi toujours pas pourquoi avoir gaspillé les composants pour une minus-gamine, susurra la créature voûtée et couverte de fourrure. Elle ne servira à… - Tu aurais voulu expérimenter sur un géant adulte je présume, coupa calmement la personne encapuchonné.
Celle-ci se tourna vers Doemino qui put voir son visage pour la première fois. La peau de son visage était plaquée contre les os de son crâne, pratiquement desséchée. Son nez n’était que deux fentes et ses joues manquaient, révélant ses dents et tendons en-dessous. Mais malgré cette apparence, c’est sur son regard que l’observatrice s’attarda. Un regard calculateur, rouge et luisant de curiosité. Il reprit comme elle se détournait, silencieuse :
- Il s’agit de notre premier spécimen. Nous ne savons pas dans quelle mesure le rituel a fonctionné. Dans quelle mesure ses... facultés... se sont développées. Sera-t-elle obéissante ? Sa conscience va-t-elle…
Il soupira sans terminer sa phrase.
- Tant d’efforts-sacrifices, se plaignit à nouveau le rongeur. Tout cela pour un mort-vivant de plus… - Un mort intelligent et capable d’initiative... corrigea la personne aux yeux rouge. Un mort capable de passer le sort de l’enchanteur. De fouler le monde extérieur et rester lié au Maître. - Mais comment savoir-deviner si cela a fonctionné ? Tu vas la botter-jeter hors de la foret ?
Ce à quoi il haussa les épaules en revenant à la halfeline.
- Commençons déjà par le lui demander.
En quelques pas, il se plaça face à elle. Mais elle ne soutint pas son regard, préférant regarder ses pieds balançant dans le vide. C’était étrange. Elle avait l’impression que, dans un rêve récent, elle ne pouvait plus les bouger…
- Guerrier Damné, grinça le nécromant à l’aventurière déchue pour réclamer son attention. Qui sers-tu ?
Lentement, Doemino cessa d’observer ses orteils. Elle releva la tête. Son regard désormais luminescent fixait non pas son interlocuteur, mais un point vague à l’horizon. Dans un souffle, presque mécanique, elle murmura :
Sujet: Re: Journal de Doemino Mer 10 Mar 2021 - 9:24
Métiers
Sureaux 1:
S'étirant la nuque, Doemino commença à s'échauffer. Moulinets des bras. Flexions des genoux. Ajustement des couettes.
- Prête ? interrogea Zook, amusé par le manège de sa fille.
Celle-ci hocha vigoureusement la tête avant de lever une main. Elle cracha dans sa paume, se frotta les mimines, puis les aligna devant elle. La gnomette mima un bâton invisible, les doigts resserrés dans le vide. Concentrée, elle expira lentement. Une première fois.
Puis une seconde fois.
A la troisième, son souffle engendra une légère buée qui se dissipa dans l'air.
Attentif, Zook décroisa les bras. La magie faisait effet, il le ressentait autant qu'il le voyait. L'air s'était brusquement rafraichit et il sentit quelques cheveux se redresser à la base de son crâne.
Entre les doigts de Doemino, la salive répandue se transforma rapidement en gel. Pourtant, elle ne ressenti pas la morsure du froid contre sa peau. Juste une légère caresse, fraîche tout au plus. Brusquement, elle resserra ses doigts levés dans le vide. Et c'est sur une matière bien solide que se referma sa poigne. A ce contact, une onde glacée parcourut le manche de glace jusque là intangible, le révélant en pleine lumière. L'onde se poursuivit vers le haut, jusqu'au niveau du visage de la halfeline, se prolongeant le long du tranchant de la hache. Puis se perdit en projetant quelques flocons qui dérivèrent dans les airs.
Aux anges, Doemino se tourna vers son père, brandissant fièrement la hache de glace qu'elle venait de matérialiser. Celui-ci ne se lassait pas de la voir manipuler si aisément cette magie gnome que même lui avait le plus grand mal à conjurer. De l'index, il lui indiqua un tronc tout proche. L'arbre qu'il avait choisit pour aller alimenter la scierie du village.
Confiante, Doemino leva haut sa hache. Frappa de toute ses forces. Planta la lame d'une bonne dizaine de centimètres du premier coup, l'enfonçant avec une facilité déconcertante. Toutefois, au moment de la dégager pour assener un second coup...
- Humpf ! s'écroua-t-elle en tirant sur le manche.
Rien à faire cependant. Elle eut beau tirer de toutes ses forces, les deux pieds contre le tronc... tout ce qu'elle parvint à faire fut de briser le manche, la lame de glace restant encastrée. Dans son dos, Zook éclata de rire.
- Il n'y a plus qu'à attendre que cela... fonde... commença-t-il avant de se taire.
Ne l'écoutant pas, grimaçant d'agacement, Doemino venait de lever le bras en l'air, les doigts toujours serrés sur le manche cassé. Avec une buée glacée, une nouvelle tête se développa au bout de l'outil. En quelques secondes, la gnome venait de se créer un marteau. Et avant que Zook ne l'interpelle - elle venait de réaliser une création de glace en un seul instant, sans même sans rendre compte ! - elle frappa la lame de hache coincée de son nouvel accessoire. Et enfonça plus profondément encore le tranchant dans le bois.
Avec un grincement qui arracha un sourire à la bûcheronne, l'arbre vacilla puis tomba dans leur direction, les obligeant à vite s'écarter pour ne pas être écrasés.
- Youhou ! s'écria-t-elle joyeusement. Au suivant !
*
Une bucheronne sachant bucheronner doit savoir bucheronner sans sa hache !
Sureaux 2:
C’est la chanson Des bûcherons, Sciant, Cognant, Suant, Soufflant.
Chantant à tue-tête, Doemino marchait à grand pas en direction de la clairère où l'attendait son père. Ou du moins, à grand pas de gnomes. Les bras en balancier, elle penchait de droite à gauche, mettant du cœur à ses paroles.
Hardi, les gars ! Sur le coteau, Ça n’est pas tous les jours dimanche ! Hardi, tirez fort sur le manche ! Faut bien gagner quelques rondelles Et la besogne n’attend pas : Nous, on n’est pas des aristos, Nous, on fait pas dans la dentelle.
Apercevant son paternel, elle lui fit de grands signes de la main. Secouant la tête en l'entendant beugler, Zook lui désigna deux arbres qu'il avait marqué plus tôt. Puis, sécateur au poing, reprit son élagage du tronc qu'il avait lui-même déjà abattu avant l'arrivée de Doemino.
C’est la chanson Des bûcherons, Sciant, Cognant, Suant, Soufflant.
- Mais t'as pas fini de brailler, se lamenta son père avec ironie. - Nan ! répondit-elle avec ferveur tout en rimant.
Elle leva le bras et, en quelques instant, se créa une hache de glace. Après l'avoir fait tournoyer comme l'aurait fait une majorette, elle mima un premier coup à la base du tronc. Puis reprit son chant, gratifiant le bois d'un coup de hache à chaque phrase.
Par tous les temps Au fond du bois, Qu’il pleuve, qu’il gèle ou qu’il vente, D’un paletot on se contente ...
Sureaux 3:
Doemino n'était revenue de patrouille avec les khazariens que quelques jours plus tôt. A l'exception de quelques escarmouches avec des perracks, elle n'avait toutefois rien eut de bien intéressant à raconter. Comme ils en avaient désormais l'habitude, dans l'après-midi, elle irait avec son papounet couper du bois à la lisière de la foret. Mais avant d'honorer cette tradition, un bon déjeuner s'imposait.
- Manger ! s'écria la gnomette en s'installant à table.
Elle tapa vigoureusement de ses deux petits poings sur la bois, illustrant son appel au repas. Les fesses confortablement installées sur deux coussins la rehaussant, elle pouvait jouer des couverts sans souffrir du mobilier. Tout comme son petit papa, ce qui les amusait tout deux beaucoup, au grand désarroi de la cuisinière. Pourquoi se tourner ainsi en spectacle quand il aurait été si simple d'acheter - voire fabriquer - des chaises sur mesure ?
- Mamour, Nous avons quoi en réserve pour les dessert ? - Des fraises, répondit-elle sèchement. Mais si tu m'appelles encore comme ça toi tu n'en auras pas.
Ce à quoi Doemino éclata de rire en voyant la mine surprise de son père, manquant de tomber du haut de ses coussins.
- Promis j'arrête ma... llie, Callie, se rectifia-t-il très rapidement. - Tu es incorrigible papa ! se moqua la gnomette avant de mordre sa miche de pain à pleine dents. - A se demander combien j'ai d'enfants, surenchérit sa mère avec un regard noir vers l'intéressé. Sinon ma chérie, tu as parlé plus tôt de tes... aventures... avec les patrouilleurs. Tu peux m'en dire plus ? - Une histoire de purification à la noix... j'y ai pas tout comprit. Juste qu'il y avait des idiots de gobelins à taper. C'est les anciens de la garde m'ont fait le briefing mais j'écoutais pas. Pas intéréchant. - On ne parle pas la bouche pleine. - Ouich chman ! s'écria-t-elle en postillonnant des miettes un peu partout.
Désespérée, Callie leva les yeux au ciel.
- Par Tungstène, se désola-t-elle, mais qu'est-ce que je vais faire de vous deux... Vous allez me rendre chèvre avec vos... OUSTE ! DU BALAIS DEHORS !
Pivotant sur ses coussins comme sa mère se mettait brusquement à hurler, Doemino vit le chat des voisins déguerpir par la porte d'entrée sans demander son reste.
Sureaux 4:
Mais mais.... ma liste de mots en gras a pas été comptée
*
Le vieil arbre tordu traînait depuis trop longtemps au bords de ce chemin. A chaque fois que la bûcheronne passait devant lorsqu'elle partait en expédition avec les khazariens, elle le trouvait moche. Et effrayant. Et pas beau. Car oui, il était deux fois plus laids qu'effrayant. De plus, cela rendait la petite métisse triste. Après tout, cela revenait à observer un même cadavre à chaque passage. Et cela ne dérangeait personne.
Tant et si bien que cette fois-ci, elle vint avec un charriot tracté par deux yacks des montagnes. Toute motivée, Doemino s'étira les bras, se pencha rapidement de gauche à droite et termina son échauffement en craquant ses petits doigts.
- Aie, s'exclama-t-elle en secouant la main.
Ce doigt là il avait fait mal.
Mais qu'importe. Elle approcha l'arbre sans la moindre feuille mesurant plusieurs fois sa largeur et beaucoup de fois sa hauteur. Après s'être assurée de être bien seule, celle-ci esquissa un sourire. D'une pensée, elle matérialisa une hache de givre, puis commença à entonner un champ paillard. Et à la fin de chaque strophe, elle frappait le bois sec de son arme de glace. A grandes projections d'échardes et de flocons glacée, elle débita le géant défunt jusqu'à ce qu'il ne cède sous son assaut et ne tombe avec un grand fracas.
- Bon, ça c'était le plus facile, se félicita-t-elle en s'essuyant le front. Maintenant je te découpe en rondins et je te ramène à la maison.
Puis elle avisa l'énorme souche qu'elle s'apprêtait à laisser derrière elle et poussa un gros mot. Seule, elle ne pourrait définitivement pas l'arracher...
Sureaux 5:
- Mamaaaan ! brailla la gnome depuis l'entrée de la demeure. Où qu'il est Pôpa ? Ca fait trois heures que je l'attends !
Bougonnant et sans attendre la réponse, elle s'engagea à l'intérieur - après avoir prit soin d'essuyer ses petons sur le tapis d'entrée. Ouvrant à la volée une à une les pièces, elle finit par trouver Callie dans sa chambre, se massant les tempes après le réveil en fanfare prodigué par sa fille.
- Il est o... - Dehors, l'interrompit la mère d'une voix aiguë. Il allait faire un saut à la taverne qu'il a dit... - ... a la taverne ? répéta Doemino, tombant des nues. Il va à la taverne l'après-midi où on va couper ? Il va à la taverne SANS MOI ?
Haussant les épaules, Callie ne put que répondre avant de se lever :
- Tu connais ton père. Quand Thrynn est au village, ponctualité ne fait plus partie de son vocabulaire... - THRYNN EST AU VILLAGE ?
Tournant les talons avant même d'avoir terminé son exclamation, Doemino dévala le court escalier de la maison et se précipita dehors - oubliant de refermer la porte d'entrée derrière elle. Oubliant aussi qu'à la base, ils devaient couper du bois. Et pour cause : son père s'en allait picoler avec un de ses amis qu'elle adorait, sans l'inviter au comptoir !
Cerisier 1:
Sifflotant tranquillement en longeant le bois, la gnomette étudiait pourtant avec attention chacun des arbres qu'elle dépassait. Tronc trop fin. Écorce abîmée trahissant un cœur potentiellement abîmé. Corps tordu et bardé de nœuds. La plupart des cerisiers du bosquet étaient clairement bon à jeter à la cheminée, ce qui déprimait la bûcheronne. Clairement, elle préférait couper des arbres dont les planches seraient destinées à produire du mobilier, des poutres de construction ou tout autre transformation. Tout plutôt que bêtement partir en cendre. Il n'y avait aucune valorisation trouvait-elle à cela. Le premier idiot venu pouvait couper un arbre mort ou ramasser des branches sèches par terre pour cela. C'était un potentiel gâché.
Avisant un cerisier au tronc épais, haut et bien droit, elle esquissa un sourire. Celui-ci ferait parfaitement l'affaire. Continuant de siffler, elle s'approcha à petit pas et sorti le pot de peinture qu'elle avait d'accrochée à la hanche. Avec un sourire, elle badigeonna un gros "X" jaune sur celle-ci, marquant l'arbre comme étant bon à couper. Elle repasserait ultérieurement avec plusieurs autres bûcherons s'en occuper. Le propriétaire de ces terres leur avait demandé d'identifier quels de arbres il pourrait tirer profit. Ceux encore trop jeunes attendraient quelques décennies de plus et ses larbins s'occuperaient des tordus.
Après un moment, Doemino se demanda ce que valait la pâte à papier tirée d'un bois de cerisier. Il ne lui semblait pas que sa maman lui en ait jamais parlé. Il faudrait qu'elle pense à lui demander à son retour.
Cerisier 2:
- Mais c'est un gentil chachat ça, mais c'est qu'il est gentil le chachat, gouzi gouzi...
Accroupie, Doemino caressait le menton de l'animal ronronnant avec entrain. Celui-ci, venu aux deux bucherons en pleine séance de coupe, n'avait pas mit bien longtemps à s'accaparer l'attention de la gnome, au grand désarroi de son paternel. Lâchant un soupir sonore, il balança :
- Si Madame je-papouille-les-chats voulait bien revenir à notre tâche du jour, ironisa-t-il, peut-être parviendrons nous à débiter et ramener ces deux cerisiers avant la nuit. - Hého ! C'est pas moi qui ai passé tout l'après-midi à la taverne avec Thrynn ! répliqua-t-elle sans se démonter. Gouzi gouzi gouzi... - Non, mais c'est toi que j'ai dû traîner jusqu'ici sans quoi tu n'aurais pas quitté ton siège et serait encore en train d'écouter ses histoires tarabiscotées. - Peuh.
De mauvaise grâce, Doemino se redressa. Se générant une hache de givre en faisant appel à la magie de son pendentif, elle s'attaqua au tronc avec vigueur, pressée d'en terminer. Évidemment, une fois cela fait, plutôt que débiter le bois et retirer les branches, l'apprentie bûcheron retourna jouer avec l'animal. Sous le regard las de son père Zook, elle s'amusa a créer une petite souris de glace derrière laquelle le félin s'empressa de courir.
Cerisier 3:
S'installant au bureau de sa maman, Doemino s'assura d'être confortablement assise sur les trois coussins rehausseurs. Puis, pleine de motivation, s'étira la nuque avec un petit craquement. Dans sa lancée, elle enchaina en croisant les mains pour se craquer les doigts et...
- Aie, geignit-elle en agitant sa mimine douloureuse.
Passant outre le bobo passager, elle se mit à la tâche, ayant les différents composants nécessaire pour confectionner ce qu'elle avait en tête. Du cuir à la fois souple et robuste pour la couverture qu'elle repousserait patiemment. Des fils dorés à broder dans celle-ci et pour lier les pages entre elles. Enfin, du papier de qualité - légèrement plus épais que d'habitude - pour composer le cœur de l'ouvrage. Du papier fin et soyeux n'était pas le plus adapté pour un ingénieur khazarien.
Sifflotant, la semi-halfeline passa la journée entière à sa tâche, ne réalisant que bien tard que la nuit était déjà tombée.
Test de la Guerrière damnée:
- Tu étais une coupeuse, déclara l'homme aux yeux écarlates en observant Doemino. Montre-nous comment tu t'y prends.
Levant le bras, il désigna à la semi-halfeline l'arbre le plus proche. Large de plus d'un mètre, il s'agissait d'un spécimen plus mort que vif. Nulle feuille ne pendait à ses branches, s'étirant dans toutes les directions comme autant de membres décharnés étirant leurs doigts crochus. Même ici, à la lisière de la Perracie, l'influence du Comte se faisait sentir, altérant le moindre arbre de la forêt de Cashlippe.
Néanmoins, lorsque Doemino chercha une hache autour d'elle puis se dirigea un étal en vrac d'outils, il l'interpella :
- Tu n'as pas besoin de cela. Tes poings suffiront.
Fronçant les sourcils, la maudite le dévisagea en silence, son regard bleuté luisant d'incompréhension. Après quoi elle baissa la tête vers ses mains, ne répondant pas.
- Du gaspillage-perte de ressources, je le dis-répète, se manifesta la créature voûtée proche du nécromant ayant ramené la khazarienne d'entre les morts. Un vrai guerrier-tueur aurait été plus adéquat. Un géant-minotaure par exemple ! - Tais toi et observe, rat.
Retroussant le museau, le skarnien grimaça à l'adresse de l'homme encapuchonné. Un simulacre de pacte entre le représentant-élu-autoproclamé de son clan et le Comte l'avait conduit à exercer ses talents en Perracie, à collaborer avec cet individu. Mais, très rapidement, le rapport de force entre eux deux s'était établit : ce mage détenait un pouvoir capable d'écraser le rongeur. A vrai dire, il ne nécessitait pas ses talents. Uniquement l'accès aux ressources qu'il offrait via l'empire souterrain...
Se postant devant le tronc, Doemino lorgna ses petits poings puis sa cible, impassible. L'ancienne bûcheronne n'aurait pas non plus utilisé de hache. Pas conventionnelle en tout cas. Elle aurait usé de la magie de son pendentif gnome pour s'invoquer un outil de glaces et débiter le tronc. Cependant... l'homme aux yeux rouge l'avait détruit durant sa renaissance. Réduit en poussières. Plus jamais elle ne pourrait user de ce pouvoir. Si bien qu'elle usa de la dernière option à sa disposition : elle frappa l'écorce du poing.
Un craquement retentit, parfaitement audible par quiconque assistait à la scène.
Esquissant une grimace, elle recula d'un pas et leva sa main tremblante à hauteur du regard. Deux phalanges restèrent pliées lorsqu'elle ouvrit les doigts, cassées par l'impact contre la croûte végétale.
- Impressionnant, ricana le rongeur dont les moustaches tressautèrent d'amusement.
L'homme toutefois ne répondit rien, plissant le regard et ignorant les murmures des gobelins morts-vivants les entourant. Tant d'efforts pour... "ça" ? Cette demi-portion ne valait-elle vraiment pas un clou ? N'aurait-il pas été préférable de tout bonnement la passer à la marmite ?
Doemino, grimaçant de douleur et sans entendre son public, avait toutefois une tâche à accomplir. Mais son approche n'était définitivement pas bonne, réalisa-t-elle en se replaçant les doigts de son autre main, interrompant les rires par ce nouveau craquement macabre.
Penchée en avant et se pinçant les lèvres, retenant ses larmes, elle serra garda contre elle son membre blessé. Puis releva la tête, jetant un regard lumineux où perça un soupçon de colère.
Se ne serait pas un arbre mort qui l'arrêterait.
Plissant son petit nez, elle refit un pas vers sa cible et tendis l'autre bras. Cependant, plutôt que frapper l'écorce du poing, elle posa sa paume dessus, dépliant ses petits doigts. Par ce contact, elle déversa le mal installé en elle qui se répandit à la surface du tronc. Une strie verdâtre, légèrement lumineuse, parcourut la circonférence de l'arbre, qui rapidement perdit sa luminosité tout en s'élargissant, devenant de plus en plus sombre. L'écorce changea de texture en même temps que de douleur, se ratatinant et se parcheminant, de l'usure et de la moisissure se développant à vue d’œil.
Lorsque Doemino recula de quelques pas, la marque putréfiée avait dessiné un anneau tout autour de la structure de bois. Elle rongea rapidement vers l'intérieur de l'arbre qui, rapidement vacilla avec de nombreux craquements de protestation. Après quelques secondes de plus, il céda et tomba de côté dans un vacarme de bois et de branches brisées. Le dessus de la souche était intégralement noircit et continuait à se putréfier, l'affliction de la halfeline maudite continuant de l'affecter.
- Impressionnant, répéta l'homme en esquissant un sourire contrastant avec la mine hébétée du skarnien.
Le sang et la sève:
- Essaie autre chose cette fois, déclara le nécromancien qui lui tendit une hache.
Inexpressive, Doemino regarda l'outil. Puis s'en empara avant de tourner les talons. C'est à peine si elle remarqua le tapis d'aiguilles lui piquant la plante des pieds.
- Tranche le en un seul coup, ajouta-t-il en croisant les bras attentif. Mais n'utilise pas le même pouvoir que pour l'arbre précédent.
Arbre précédent dont le sommet de la touche était à présent grisâtre, dévoré par une moisissure surnaturelle. Rapidement, le skarnien s'en était approché, avait collecté "un échantillon" et s'était esquivé sans demander son reste. De toute évidence il ne s'attendait pas à un tel résultat chez le premier spécimen de "Guerrier Damné".
Venant se poster devant le tronc épais, le regard de la petite halfeline alla de son outil à l'écorce épaisse du sapin. Le tranchant était émoussé et la base dévorée par la rouille.
- La hache va casser à la place de l'arbre, déclara-t-elle d'un ton désintéressé en se tournant vers l'homme aux yeux rouge. - Débrouille toi, répondit-il en haussant les épaules. C'est la tâche que je t'ai confié. En un coup.
Plissant le nez, Doemino revint à son arbre. Puis elle posa sa main sur le bois comme elle l'avait fait auparavant.
- Pas de putréfaction, l'interpella-t-il.
Mais elle l'ignora, fermant les yeux et appelant l'essence nouvelle lovée au creux de sa poitrine. Elle déversa sa volonté à travers le conifère qui fut prit d'une légère vibration. Des nuages de poussière s'élevèrent autour d'elle, passant à travers le matelas d'aiguilles. Matelas qui commença brusquement s'épaissir comme d'autres tombaient soudain des branches. Une véritable pluie d'épine doucha la métisse concentrée, incitant ses spectateurs à reculer, surprit. Puis, lorsque les moindres branches de l'arbre furent à nu, un nouveau soubresaut agita le tronc.
Sous le regard incrédule des perracks, l'arbre commença à... saigner. De la sève suinta à travers la moindre fissure de son écorce. Le tronc se recouvrit d'une pellicule orangée collante. Une seconde pluie tomba des branches couvrant la corrompue et les épine du liquide épais.
Mais ignorant ses cheveux et épaules de plus en plus maculé d'humeur, Doemino poursuivit son effort. Jusqu'à ce qu'elle juge sa victime suffisamment asséchée, le tronc moins épais, mais aussi et surtout beaucoup plus fragile.
Elle n'eut besoin que d'un seul violent coup de hache pour le fendre en deux dans une projection d'échardes et de métal brisé.