Aujourd'hui, j'ai quitté ma famille, ma terre natale, tous ceux que je connaissais. Mes parents n'approuvent pas mais je ne le fais pas pour eux. Je ne le fais pas contre eux non plus. Père n'a pas soufflé mot et une larme solitaire a brillé dans les yeux de Mère. Je suis fier de ne pas m'être retourné. Ce n'était pas l'envie qui m'en manquait mais j'avais décidé de cette nouvelle vie. Je m'y tiendrai ! Un monde inconnu m'ouvrait les bras. Il ne tenait qu'à moi de l'explorer, de le découvrir et de trouver où était ma place.
Cheminant sans réel but, je m'émerveillai des paysages qui m'entouraient. J'avais pu en admirer certains depuis les contreforts des monts de Spelunca mais j'en faisais maintenant partie intégrale. Quelle joie de se retrouver seul après avoir grandi dans le clan, entouré des mêmes jeunes, des adultes qui se mêlaient de tout et ne nous laissait que peu de répit. J'avais bien réussi à leur échapper, furetant aux alentours du camp, plongeant dans les crevasses et cavernes mais jamais bien loin. La punition, si on était venu me chercher, aurait été bien plus marquante que celles que je reçus pour m'être simplement éloigné.
Pour nous, la haine des autres espèces n'était que lointaine menace. On ne rencontrait que peu de ces "Vampires" dont on nous abreuvait d'histoires plus sombres et incroyables les unes que les autres. Pourtant, les adultes semblaient à couteaux tirés et n'avaient rien de positif à dire sur eux. Je devrais arrêter de parler en termes d'adultes et de jeunes. Je volais maintenant de mes propres ailes. Selon les critères de mon peuple, j'étais moi-même adulte. Les vieilles habitudes sont rudes à perdre. Il allait certainement me falloir un peu de temps pour m'habituer à cette nouvelle condition.
J'écris cette dernière page au coin d'un feu que j'ai eu beaucoup de mal à démarrer, dans une plaine infinie, seul au milieu du chant des étoiles. La marche est exténuante, je ne tarderai pas à dormir. Jamais je n'ai fait de choix plus juste que celui de partir.
Plus je marchais et plus l'impression qu'une force plus puissante que moi guidait mes pas. Je prenais plein ouest, traversant cette étendue où tout semblait mort, des animaux aux plantes. Rien ne poussait, rien ne bougeait si ce n'était par l'action du vent. Il me sembla errer sur ces landes pendant des jours, me nourrissant de racines et tentant tant bien que mal de maintenir mon feu toute la nuit durant. C'était éprouvant mais je finis par apercevoir une rivière. Qui disait de l'eau, disait vie.
Observant la direction qu'elle prenait, je me rendis compte que prendre au sud reviendrait à revenir sur mes pas. Un retour vers mon clan, ma famille, ces terres connues et rassurantes. Après un instant de réflexion, je pris donc la direction du Nord, espérant tomber sur une espèce civilisée. Il y avait bien longtemps que je n'avais trouvé personne sur mon chemin et la compagnie commençait à manquer. Malheureusement, pendant encore plusieurs jours, des terres arides et désolées se tinrent à ma droite et une étendue d'eau d'un courant dangereux se présentait à ma gauche. Jusqu'à ce qu'un gué se présente, menant apparemment à une terre couverte d'arbres verdoyants à perte de vue. Une forêt, une rivière. Voilà qui pouvait présager qu'une ville ou au moins un établissement de créatures pensantes se tiendrait sur mon chemin. Je traversai donc et entrepris une nouvelle expédition dans un décor bien plus agréable.
Sujet: Re: Les périgrinations d'un lion. Dim 10 Avr 2022 - 19:37
Lors de mes tribulations, mes pas croisèrent des traces récentes de sang. Une créature avait abondamment saigné et avait réussi à parcourir une distance impressionnante dans son état, compte tenu des traces qui sous-entendaient que l'auteur était de petite taille. Je suivis donc cette piste sans difficulté, le rouge ressortant morbidement sur le vert de la végétation. Arrivé dans une clairière, je trouvai la source de ces flaques de plus en plus profuses. Un Mouss'Queterre gisait, inconscient et attendant de se faire dévorer par toutes les bêtes immondes qui ne s'attaquaient qu'à des cibles qui n'était plus en état de riposter. Je fis fuir les charognards et soignai le petit guerrier.
Une fois remis, la conversation fut brève mais elle valait tout pour moi. Je venais de passer des jours seul, sans personne à qui parler ni de traces de vie intelligente et l'étrangeté de la situation ne ternissait pas le bonheur de pouvoir à nouveau parler à quelqu'un. Le Mouss'Queterre me dirigea vers l'Institut de magie dirigé par le père Tungstène, qui m'était inconnu à cette époque. Il me conseilla d'apprendre à maîtriser mon pouvoir et m'assura qu'ils n'auraient aucune réticence à m'accepter parmi leurs rangs. Il avait raison. C'est ainsi, comme première créature pensante depuis le début de mon voyage, que je fis la connaissance de celui qui allait devenir un compagnon inséparable, qui allait partager toutes mes aventures, qui allait être la personne la plus proche de moi au cours des prochaines années de ma vie. Diagoras.
À mon arrivée dans la ville d'Endorial, mes yeux ne tenaient plus en place. Je n'avais jamais pénétré dans une cité aussi imposante dans toute ma vie. Les Löwens de Spelunca vivaient en clans, dans de petits assemblements de maisons qu'on appelait un village mais ne possédaient pas de rassemblements plus importants. Ils considéraient que la vie devait se vouer au clan et qu'une répartition plus espacée offrait plus de sécurité contre les étrangers et les intrus. La découverte fut une révélation pour moi. Il y avait tant à voir, tellement de personnes à rencontrer. C'est aussi ce jour que je pris connaissance de la criminalité. Dans une famille d'une trentaine d'individus, les règles étaient scrupuleusement respectées mais dans une foule de plusieurs milliers de personnes, il allait sans dire que certains ne respectaient pas la loi et prenaient ce qu'ils convoitaient sans se soucier de l'avis de leur victime.
Ne supportant pas l'injustice de plusieurs brigands s'attaquant à une victime plus faible et seule, je m'interposai bravement bien que stupidement. Je possédais en effet les armes que la Nature m'avait octroyé, mes griffes, mes crocs, mais je manquais de pratique et d'entraînement. Je ne doutais pas pas de pouvoir en emmener plusieurs au tapis si un combat se déclenchait mais je ne doutais pas non plus de ne pas en sortir indemne. C'est alors qu'un guerrier imposant et impressionnant, arborant une armure dorée et argentée vint assommer celui qui semblait avoir pris la tentative de vol en charge. Il s'exprima s'une voix calme et posée mais tous savaient qu'il ne faudrait pas qu'il change de ton. Il me complimenta pour mon courage et, après quelques conseils laconiques, disparut dans la foule. Je ne sus qui il était ni ce qu'il était. Il m'inspira et je décidai de vouer ma vie à la défense des opprimés, devenant ce qu'on appelait communément un Paladin.
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