Quelle était cette chose qui nous descendait droit dessus ? En moins de temps qu'il ne fallut pour formuler la pensée, j'eus ma réponse. C'était le peryton de Neivin. La créature était impressionnante. Et c'est sur ça que nous allons nous déplacer ? Je me demandais si je n'étais pas plus enclin à utiliser un de mes zombies pour le chevaucher et tant pis pour mon pantalon taillé sur mesure, j'aurai des taches de décomposition mais je serai toujours en vie.

Je te présente Perry, le peryton dont je te parlais tout a l'heure. Il est un peu agressif, mais il ne s'attaque normalement a personne sans mon autorisation quand je suis présent, donc tu n'a rien a craindre.

- Enchanté. C'est tout à fait rassurant...

Je ne pouvais m'empêcher un certain sarcasme. Non seulement, j'allais faire un voyage dans les airs pour la première fois mais je devais aussi composer avec une créature qui pourrait me croquer un morceau à tout moment. Enfin, je devais quand même faire confiance à Neivin, après tout, c'est moi qui suis venu le chercher. J'appris donc à monter sur un peryton tant bien que mal, cherchant mes appuis et mon équilibre. Ce n'était pas facile mais au bout d'une bonne heure, je pus enfin être passablement à l'aise. Assez en tout cas pour pouvoir voler avec.

Le voyage ne fut pas de tout repos. Le paysage était certes beau à cette hauteur mais je craignais d'être pris de vertige et de perdre mon équilibre donc j'oscillais entre ouvrir les yeux et les fermer. Si je tombais, je préférais voir la mort en face et mon ventre ne supportait pas bien les accélérations ou les changements de direction si je ne pouvais me préparer. Après ce qui me parut une éternité, nous descendîmes et atterrîmes. À peine eussé-je posé le pied à terre que je me retrouvai à genoux, calmant les ardeurs de mon estomac qui cherchait à rendre tout ce qu'il avait ingurgité ces derniers jours.

Tout va bien?

- Impec... EUUUUUH able...

Les haut-le-cœur ne me laissaient même pas finir un mot tranquillement. Au moins, j'avais gardé mon repas, ça compensait pour ma dignité. Je pus me relever au bout de quelques minutes et jeter un regard autour de moi. Nous étions dans une clairière tout ce qu'il y a de plus banal mais je sentais ma peau picoter. Il y avait définitivement du résidus de magie dans l'air.

- Alors c'est ici que ça s'est passé ?

EPSILON

Le sol me faisait du bien. Je retrouvais les odeurs bien proches du sol, assez différentes de celles des airs où il était déjà bien assez difficile de respirer. Après plusieurs minutes à respirer fortement et bruyamment, la tête entre les genoux, j'arrivai enfin à me redresser et à discuter avec mon camarade.

Pas exactement non. Cela devrait être par la pour être plus précis. Il ne nous reste plus qu'a vérifier si le récit raconté dans ce livre était bien exact, ou pure fabulation.

Il était grand temps qu'un peu d'action se présente. J'appréciais les recherches mais j'étais plus taillé pour le terrain, pour aller rencontrer les personnes ou les créatures plutôt que pour rester plongé le nez dans les livres à m'esquinter les yeux sur des lignes qui pouvaient avoir été extrapolées, exagérées ou totalement inventées.

Cependant, je vous dois tout d'abord des excuses. J'ai été bien impoli, en oubliant complétement de vous demander votre nom.

Je n'avais même pas remarqué l'absence de cette élémentaire politesse. La plupart des gens que je rencontrais ne pensaient pas ou n'avaient pas le temps de me demander mon nom. Soit mes compagnons funèbres les mettaient au tapis avant qu'ils n'aient le temps d'ouvrir la bouche ou ils étaient les premières choses qu'on remarquait. D'autres étaient tout simplement surpris de la teinte particulière de ma peau, qui était si rare chez les Djölldulins.

- Cthonyak, enchanté. C'est vrai que la curiosité a pris le pas sur la politesse mais comment en serait-il autrement quand on aborde de tels mystères.

J'espérai l'avoir rassuré sur son manque d'étiquette. Il avait l'air gêné d'avoir oublié les présentations mais ça n'avait aucune sorte d'importance pour moi, autant qu'il ne s'en veuille pas pendant tout le reste du voyage.

Au fur et à mesure qu'on cheminait, on pouvait ressentir les traces de magies s'intensifier. Neivin comme moi avions cette sensibilité. Toutefois, il se mit à examiner les traces au sol, à humer l'air, à regarder dans tous les sens pour être sûr que rien de néfaste ne se trouve sur notre chemin. De mon côté, il me suffisait de me concentrer sur le fil magique pour savoir où nous allions et rien ne venait le perturber, tout était tellement calme que c'en était perturbant.

L'endroit le plus imprégné de magie était une clairière où trônait un arbre creux, exactement comme décrit dans les ouvrages que nous avions consultés plus tôt. L'air crépitait presque de toute cette énergie. On avait l'impression qu'on pouvait tendre la main et en attraper un filament. La nature de cette magie m'était inconnue mais la puissance était encore bien présente. Presque trop pour ce qu'on savait. Il me fallait en avoir le cœur net.

Je m'approchai, comme hypnotisé, de cet arbre creux et j'approchai ma main d'une lenteur extrême. Au moment où le contact se fit, je ressentis comme une pulsation. Mon cerveau était conscient que l'arbre était immobile mais une sorte de sensation le rendait vivant pour mon esprit. Décidément, les effets de la magie résiduelle étaient encore loin d'avoir livrés leurs secrets. Je tentai d'établir le contact et je ressentis une connexion familière.

- Je crois qu'il y a quelque chose à faire. Une sorte de communication avec des parties de cette magie perdue. On la tente ?

EPSILON

Les deux squelettes dans l'arbre ne ressemblaient à rien de ce que je connaissais. Ils avaient une forme étrange et suintaient la magie. Le principe de magie résiduelle commençait à faire son chemin dans mon esprit. L'enchantement des objets suivait les mêmes règles, de l'énergie magique qui s'accrochait à un objet ou à une créature et qui fournissait un pouvoir quelconque. Je me mis donc à infuser un peu de ma propre énergie dans ces restes. À l'instant même où ils y goutèrent, les squelettes s'animèrent et s'élancèrent hors du tronc.

Neivin se mit en position de défense mais le choc m'empêcha de réagir aussi vite. J'avais devant les yeux des revenants qui n'étaient pas à moi. Je savais maintenant ce que ressentaient mes adversaires. La grande question était : mes pouvoirs influaient-ils sur eux aussi ? Mes pouvoirs se mirent en branle avant même que je n'y pense consciemment. C'était devenu un réflexe maintenant. La connexion était diffuse mais elle était là. Au bout d'un petit moment, les deux créatures ralentirent, puis s'arrêtèrent totalement. Elles étaient en mon contrôle, sans que j'aie eu besoin de les invoquer. Voilà qui était intéressant.

- C'est bon, je les ai. Maintenant, il va falloir les étudier, les interroger, les... Je ne sais pas trop. Vous avez une idée ?

J'étais un peu perdu. J'avais réussi à les arrêter et à les faire miens. La suite du plan m'échappait, il fallait communiquer et je n'avais pas tellement d'idée pour accéder à leur mémoire.

EPSILON

Pendant la réflexion évidente du mage, j'assurai progressivement mon contrôle sur les créatures liées à mon pouvoir. Il ne ferait pas bon effet qu'ils disparaissent avant qu'on trouve une solution. Bien entendu, je réfléchissais aussi à la façon dont nous allions procéder. J'avais beaucoup lu sur la magie résiduelle et mon expertise dans les enchantements d'objets m'aideraient sûrement mais quand on avait un nombre important de choix, la décision devenait plus difficile.

- C'est toi l'expert du domaine, je n'ai pas les capacité pour communiquer avec les âmes ou les esprits. Ces dernières ne sont clairement plus pleinement présentes, cela fait bien trop longtemps, mais j'imagine que tu peut essayer d'y retrouver quelques traces, si on a beaucoup de chance. Ceux d'esprit serait bien sur le plus intéressant, car plus concret, mais n'occultons aucun indice.

Il était clair que si on avait trouvé leurs esprits, surtout en bon état, on aurait eu plus de chance de réussir mais depuis quand c'était aussi facile ? On savait très bien qu'on s'était lancés dans une quête presque impossible. Mais si qui que ce soit pouvait réussir, c'était nous !

- Sinon, nous pouvons toujours tenter de cristalliser cette magie, cela nous permettrait d'avoir une base pour retrouver d'autres source similaires, avec de la chance. Je ne sait pas vraiment comment m'y prendre, surtout que ce n'est pas de la magie élémentaire, en saurait tu un peu plus? Dans tous les cas, on pourra toujours demander de l'aide a des collègues ou professeur de l'institut, cette magie résiduelle est la depuis des années, elle ne risque pas de s'évaporer dans les prochains jours.

- Je préfère éviter d'ébruiter nos intentions. Certains pourraient se méprendre ou nous mettre des bâtons dans les roues. Nous nous débrouillerons.

- Si rien ne fonctionne, il nous reste la possibilité... d'absorber la magie. Cela sera beaucoup plus efficace qu'un simple cristal, cela va sans dire, mais le risque est grand. Nul besoin de te rappeler les risques de mélanger différents flux magiques, encore plus quand il s'agit d'une déjà instable. gardons cette option en ultime recours.

- On va tenter plusieurs solutions avant d'en arriver là. Pas sûr que mon explosion par excès de magie nous soit profitable.

Une touche d'humour détendait toujours l'atmosphère, surtout à un moment aussi crucial. Si on n'y arrivait pas maintenant, la quête risquait de tourner court. Mais j'avais confiance en nos deux cerveaux et nos pouvoirs. En parlant de pouvoir, il était temps de constater ce que valaient les miens.

Je me concentrai donc pour atteindre l'esprit et les souvenirs des corps qui se tenaient devant nous, attendant avec la patience de la mort qu'on leur dise quoi faire. Petit à petit, je sentis quelque chose, une sorte de barrière qui s'effritait à mesure que je repoussais ses limites. D'un coup, elle se brisa totalement et mon esprit s'éclaira, une vague fraîche comme une brise marine le balaya et devant mes yeux, des extraits de souvenirs apparaissaient.

Des silhouettes arrivaient et faisaient face à de grandds créatures. Des éclats de lumières et des mouvements brusques. Tout allait trop vite pour moi, j'arrivais à la limite de mon contrôle. Devoir gérer l'énergie pour maintenir les créatures debout, le lien avec leurs esprits, interpréter les visions, je ne pouvais tout assumer. Une fois que les figures fantomatiques se furent dissipées, comme de la fumée emportée par le vent, je repris quelque peu le contrôle de mon corps et me tournai vers mon compagnon.

- Tu as vu ce qu'il vient de se passer ?

EPSILON