Dougal ne fut pas bien surpris de compter parmi les trois cadavres de vautours le corps sans vie de l'orc avec lequel il avait eu une certaine altercation quelques minutes plus tôt. Il aurait préféré être compréhensif avec lui et le laisser se fatiguer à tenter des choses à son encontre pour se venger des différents affronts essuyés, mais il était hors de question que le Gardien continue à lui offrir la possibilité de potentiellement lui marcher sur les pieds. Si cette tête d'enclume n'avait aucune jugeote, le monde ne pouvait que mieux se porter de sa disparition, même si son clan pourrait le voir d'une autre manière.

En théorie, aucun orc mâle ou femelle issu de la même troupe n'aurait à redire sur le destin funeste -et bizarrement trop tardif selon Dougal- de leur "camarade". Les risques étaient connus et il avait sûrement été envoyé en épreuve pour abattre le sanglier du désert que l'humain s'était approprié plus tôt. Dans certaines coutumes d'Harena, l'individu injurié aurait défié le responsable de son infortune pour laver l'affront dont il se serait senti accablé, mais la violence de sa correction n'aurait pu le mener qu'aux pires des déshonneurs. Bref, il avait perdu la face et n'aurait pu la recouvrir, même en mourant au combat d'une quelconque manière.

En pratique, Dougal savait que les liens du sang primaient souvent sur les mœurs de la tribu et il ne serait pas impossible qu'un frère ou qu'une sœur direct·e ne vienne à la rencontre de l'humain pour obtenir vengeance, à son tour. L'histoire pourrait alors continuer à se répéter inlassablement de tous les côtés possibles jusqu'à ce que deux individus (un de chaque côté) se décident enfin à enterrer la hache de guerre et passer le sable sur ces épisodes et ce cycle haineux ridicules.

Durant toute sa sortie, l'humain avait été d'une humeur massacrante. Cet état d'esprit avait peut-être couté la vie d'un idiot, mais Dougal s'en fichait comme d'une guigne. Bien sûr, il n'aurait pas cherché les ennuis exprès -bien qu'avec cet orc on puisse se poser des questions-, mais il n'aurait pas apprécié qu'on vienne le déranger pour des broutilles. Peut-être même que les recrues gardiennes qui le croiseraient écumeraient d'un mois de pénitence au nettoyage des latrines publiques de Stellaraë, c'était dire à quel point le Gardien-en-Chef n'était pas d'humeur festive.

L'homme ramassa les plumes des vautours, trancha net quelques serres et becs, enfila le tout dans ses besaces et s'en alla pour une nouvelle traque. Il espérait trouver un crocodile dans une oasis de proximité. Sinon, il s'aventurerait plus loin ; la nuit ne le dérangerait absolument pas.