Après leur précédent voyage infructueux après du lac Fresha, Arhiann et Manydh - surtout Manydh - avaient passé de nombreuses nuits à feuilleter les tomes les plus épais de la bibliothèque de l'institut de magie, pour peu que le sujet puisse être en lien avec le plan d'eau de l'Est. Le chamane n'avait rien pu trouver de vraiment précis sur l'origine du liquide magique : il s'agissait toujours d'allusions, de vagues mentions, mais rien qui n'explique clairement comment se procurer ce précieux matériau. Bien sûr, ce genre de cas n'était pas rare, il permettait d'éviter que le premier venu avec des intentions pas toujours très louables, n'accède à des composants magiques puissants. Mais à force de persistance, on pouvait, en rassemblant des détails, comprendre un peu mieux de quelle manière, peut-être, on pourrait obtenir tel ou tel élément. C'est ainsi que Manydh avait fini par saisir qu'une créature, ou un type de créatures, gardait en quelque sorte cette eau particulière, ou du moins, que son élimination était une étape nécessaire à l'obtention du composant. apparemment, l'être à abattre devait être de nature magique, et très lié à l'élément aquatique.

Le faune brun insista encore un peu, mais dut finalement se rendre à l'évidence : parchemins et grimoires ne lui apprendraient rien de plus, il leur fallait plutôt se rendre de nouveau sur place. Bien rôdé désormais pour ces voyages, qui l'enthousiasmait toujours autant, le couple d'enfants de Magnésie avait donc fait ses préparatifs, et s'était mis en route. Dourga était également du voyage, ainsi que Vif-Argent, le duergar qui avait finalement été ainsi baptisé. L'équipée durerait le temps de se rendre à l'autre bout de Dùralas, en traversant tout le désert, mais ils pourraient passer quelques jours à Stellaraë avant de repartir pour l'autre moitié de la traversée harenienne. Puis ce serait la forêt, et les montagnes. Malgré leur habitude des voyages, tous étaient soulagés lorsque se dessina enfin l'étendue miroitante du lac Fresha.

Ils choisirent de s'éloigner du chemin principal pour aborder le lac, et peut-être pouvoir surprendre certaines créatures. Manydh se concentra un moment pour tenter de sentir les présences alentours. Ils se situaient environ à mi-chemin des deux tours strygienne, afin de diminuer le risque d'interférences par les uns ou les autres des habitants ailés des lieux. Revenant à lui, le chamane indiqua un point où il avait senti palpiter la vie de plusieurs êtres de grande taille. Ils avancèrent donc prudemment dans cette direction, en se dissimulait au mieux derrière les rochers jusqu'à pouvoir apercevoir leur cible... Quelle ne fut pas leur déception lorsqu'ils la repérèrent enfin : il s'agissait simplement d'un humain et de sa monture. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, ils se redressèrent pour se présenter, rassurés par l'insigne de gardien, et l'impression de vague familiarité. Arhiann pensait qu'elle l'avait probablement déjà croisé ici ou là, même s'ils n'avait pas été présentés.

" Salutations, messire. Nous ne pensions pas trouver d'autre aventurier assez fou pour se perdre volontairement en ces lieux inhospitaliers. "
Manydh venait derrière, menant Vif-Argent. Quant à la smilodonne Dourga, elle n'était visible nulle part, mais les faune se doutaient bien qu'elle était non loin, à explorer les alentours tout en s'efforçant de ne pas laisser son odeur venir jusqu'au cheval du presque inconnu, qui aurait risqué de s'en affoler.
" Auriez-vous par hasard croisé quelque créature du lac ? "
Questionna-t-elle ensuite à tout hasard, avant de retrouver ses bonnes manières.
" Je suis Arhiann, et voici Manydh. Nous venons de Sylfaën. "
La blonde ne portait cependant aucun objet permettant de la distinguer comme membre de la faction de l'ouest, alliée des gardiens : quand elle partait en voyage, ses affaires d'éclaireuse restaient à l'attende bien sagement dans son arbre près du château Maenor.

L'homme, sans doute un guerrier ou similaire, au vu de son armement, leur répondit avec une politesse mesurée qui seyait aux circonstances : une rencontre inattendue, avec des inconnus pour qui il l'était également, mais sans agressivité visible d'aucun côté. Aussi Arhiann opina-t-elle à l'explication rapide sur sa présence - elle n'en demandait pas davantage - puis sourit à l'évocation du caractère nain.
" Les habitants des Baldors sont inimitables, c'est sûr ! "
Cela n'arrangeait pas leur quête, mais cette fois, ils étaient bien décidés à prendre le temps qu'il faudrait, et à ne pas se laisser distraire par... bon, d'accord, si une catastrophe menaçait Sylfaën, ou Dùralas, bien évidemment qu'ils ne se soustrairaient pas à l'appel du devoir. Les Calamités n'étaient que trop réelles, ils le savaient bien, et les mauvaises surprises trop fréquentes.

Cependant, ils terminaient de s'approcher de la rive du lac, restant à quelques pas de distance de leur interlocuteur. Leur cheval djöllfulin observait l'homme et sa monture - surtout sa monture - avec force mouvements d'oreilles et reniflements curieux. Vif-argent avait déjà rencontré des chevaux, mais pas de semblable pur-sang. En même temps, les bipèdes continuaient à faire connaissance.
" Certains de nos semblables vivent dans la forêt de sapins. Mais, pour ce que j'en sais, la vie à Sylfaën est plus simple. Le voisinage est moins problématique. "
Entre les montagnes peuplées de nains et de géants, les déserts inhospitaliers... sans parler bien évidemment de la sinistre Perracie, qui barrait le passage vers le village des si hospitaliers démons nordiques.
" Et je ne changerais pas notre doux climat de l'ouest pour celui-ci. "
Certes, elle pourrait retrouver, peut-être, une partie de sa famille maternelle dans cette étrange - comparée à Sylfaën - forêt orientale. Elle s'en voulait d'ailleurs un peu de n'avoir pas persisté davantage dans cette autre quête, comme retenue par une peur qu'elle ne s'avouait pas bien. Peut-être, une fois leur affaires réglées ici, pourraient-ils explorer un peu plus le pays d'origine de sa mère ?

Tout cela la rendait songeuse, et Manydh, devinant la matière de ses réflexions, la ramena à la réalité d'une pression de main sur son bras, tout en lui chuchotant la teneur des dernières paroles de l'humain. Cela la sortit tout à fait de sa nostalgie, et elle s'avança, le bras tendu pour saluer plus chaleureusement.
" Très honorée de faire enfin votre connaissance, messire Dilon Deraborne ! Nous avons dû nous croiser quelques fois, de loin, à l'occasion de je ne sais quels appels de notre cher Tungstène... mais surtout, Mohana m'a parlé de vous. Nous travaillons ensemble pour son magasin, et elle m'a appris bien des secrets de la sculpture. "
Avec une telle référence, elle ne pouvait que faire confiance à ce Gardien. Il lui avait semblé, lorsqu'elle l'évoquait, que la rakshasa l'estimait tout particulièrement, et même un petit peu plus que cela. Manydh se décida enfin à prendre la parole, pour répondre aux autres interrogations :
" Nous cherchons une créature, oui... qui devrait nous mener à une eau magique ne se trouvant qu'ici. Mais nous ne savons pas précisément comment nous y prendre, ni de quelle nature serait cet être, en dehors de son caractère magique, et aquatique. "

L'humain semblait un peu sonné par les dernières révélations d'Arhiann. C'est sûr qu'il ne devait pas s'attendre à ce genre de choses, surtout dans cette partie de Dùralas si éloignée des êtres qu'elle avait évoqués.
" Nous avons passé beaucoup de temps ensemble, à une période de mon apprentissage de la sculpture. Et Poehina reste une référence pour les habitants de l'ouest comme d'ailleurs, en effet. Nous avons beaucoup de chance de partager les lieux avec sa fondatrice, et moi, de profiter de sa réputation pour pouvoir exposer mes propres créations. "

Petit à petit, il semblait retrouver ses esprits, en même temps que ses réflexions lui amenaient des propositions d'explications. La faune opina à celle concernant Tungstène.
" Je suis dragonnière depuis de nombreuses lunes, oui. Manydh l'est devenu plus récemment, mais nous voyagions déjà ensemble auparavant. Oh, il n'y a pas de mal, je crois que c'est une caractéristique commune à tous les membres de la guilde : nous sommes souvent par monts et par vaux, et ne connaissons que quelques autres dragonniers, que le hasard ou d'autres affinités ont mis en notre présence. Je serais d'ailleurs incapable de dire combien de camarades sont actuellement en service. "
Peut-être devrait-elle se renseigner à ce sujet, d'ailleurs, comme à celui des identités de ceux qui partageaient les valeurs de la guilde. Finalement, ceux qu'elle connaissait le mieux étaient ceux qui appartenaient également à la garde Zéphyr, ce qui n'était pas vraiment exceptionnel.

Elle laissa de nouveau la parole à Manydh pour ce qui concernait leurs recherches : c'était lui qui s'était le plus documenté sur le sujet. Malheureusement, cela n'avait pas suffi à préciser vraiment leur but.
" Le problème, c'est justement que nous n'avons pas réussi à le savoir. Je ne pense pas qu'il s'agisse de cette Dame du Lac, quoiqu'elle pourrait peut-être nous offrir des réponses ou des précisions. Plutôt une sorte de poisson magique ou d'élémentaire, oui, j'imagine que ça pourrait être ça. "
" Les restes d'élémentaires sont puissants... mais nous ne cherchons pas simplement une fiole d'eau élémentaire, "
ajouta la blonde, réfléchissant à voix haute, avant que son compagnon ne complète :
" Peut-être que les élémentaires d'ici sont marqués par leur environnement, et que l'eau qui les compose est devenue différente de celle des autres élémentaires d'eau... pourquoi pas grâce aux pouvoirs de cette Dame du Lac, d'ailleurs. "
Qu'en pensait l'humain ? Il avait eu l'air de connaître quelque peu les créatures habitant ces lieux, peut-être aurait-il une opinion éclairée.

" Bien sûr, je n'y manquerai pas ! "
assura-t-elle pour ce qui était des salutations à transmettre. Sûrement qu'elle et Mohana pourraient papoter un peu au sujet du guerrier humain... mais il n'était pas encore temps de songer à ce qui se passerait lorsqu'ils seraient de retour dans leur forêt : ils avaient une tâche à accomplir auprès de ce lac, et malgré son air moyennement futé, il semblait bien que ce Dilon Deraborne soit à même de les y aider.

Manydh hocha la tête :
" Oui, ça pourrait être ça. "
Il consulta sa compagne du regard à la mention d'un autre nom, mais celui-ci ne semblait pas appeler quoi que ce soit de très clair chez elle.
" Dougal Keane... j'ai peut-être déjà entendu parler de lui, mais je ne crois pas l'avoir rencontré en personne. Ce nom ne m'évoque aucune image, en tout cas. Dans les hautes herbes, donc. C'est une précision bien utile. "
Et puis, comme si c'était tout naturel alors qu'ils venaient juste de se rencontrer - mais les paroles échangées pouvaient donner l'impression qu'ils se connaissaient déjà depuis bien plus de temps - le bonhomme leur proposa de se joindre à eux pendant que sa monture reprenait des forces.

Puisqu'il savait précisément ce qu'ils cherchaient, sa présence ne pouvait qu'être appréciée - non que les faunes pensent avoir besoin des forces du guerrier pour leur chasse, mais il leur gagnerait sans doute un peu de temps. C'est donc avec le sourire qu'Arhiann accepta :
" C'est très aimable à vous ! Notre ami duergar ne sera sans doute pas non plus opposé à une petite pause... "
Manydh, qui s'occupait toujours du quadrupède djöllfulin, acquiesça d'un signe et entreprit de l'amener près d'un buisson où il pourrait l'attacher, à distance respectable du cheval de Dilon. Si ces deux-là voulaient faire connaissance, ce serait sans contact.
" Nous voyageons aussi avec une smilodonne, qui est quelque part en reconnaissance. Vous ne la verrez peut-être même pas, mais si jamais c'était le cas, elle ne représente aucun danger pour nos alliés. "

Sa tâche terminée, le faune revenait vers eux.
" Nous y allons ? Un côté qui vous semble plus favorable que l'autre pour commencer ? "
interrogea-t-il en montrant la rive du lac qui s'étendait de part et d'autre de leur petit groupe. Il y avait des touffes de végétation dense à plusieurs endroits, mais peut-être que celui qui allait leur servir de guide verrait une raison de privilégier le côté gauche ou le droit. La blonde, en attendant elle aussi son avis, se préparait intérieurement à une utilisation fine de sa magie : pour ramener ce dont ils avaient besoin, il faudrait sans doute capturer quelques créatures, plutôt que de les massacrer sans discernement, ce qui n'était de toute façon pas trop dans leur genre - hormis avec les skarniens.

[HJ : une ensorceleuse et un guérisseur EJ, Manydh n'a aucune aptitude à la magie du vide]