Le soleil se lève en cette nouvelle journée aride. C'est une température élevée qui s'annonce aujourd'hui. Sablevent commence pourtant déjà à s'agiter. La fraîcheur du matin est une aubaine pour tous les commerçants et là où ils font le plus de vente avec la fin de soirée. C'est aussi l'heure de départ des nombreux marchands itinérants. Parmi eux, deux personnes se démarquent par leur chargement léger, un frère et sa sœur qui quittent la ville au petit matin, reprenant enfin leur traversée du désert après cette escale. Leur quête n'a pas changé et malgré l'attrait de la ville, leur destination demeure les terres elfiques et son académie magique.

Tristan était un peu remonté par le comportement des marchands qui demandaient des sommes importantes pour les transporter, prétextant la présence de bandits dans les environs. Il avait bien vu les affiches mais sa sœur et lui étaient arrivés sans encombre ici. Les voici donc repartis à pied, cette fois-ci cependant, pas de sortie de route, pas de virée nocturne avec des inconnus et pas de tempête de sable. Enfin, on ne sait jamais ce que le désert nous réserve…

À peine le voyage commencé que Tristan reprendra directement la conversation. La ville s'éloigne plus rapidement que pendant leur précédent voyage, la route aidant pour beaucoup. Quelques caravanes les dépassent mais ils se retrouvent bientôt seuls au bord de la route.
“Cette baronne était une chouette femme tu ne trouves pas ? Elle nous a accueilli et offert à manger. C’est pas à Stellaraë qu’on serait reçu comme ça mh ? Tu n’as pas eu d’autres visions depuis notre arrivée ici ?”
La mitraillant de question comme à son habitant, il reste bien entendu bienveillant avec sa sœur, lui offrant un grand sourire motivant. Il est là pour l’aider à se dépasser et la protéger. La route est bien plus stable que lors de leur dernier voyage, assurant à Cora un bon rythme de marche.
“J’ai tellement hâte de voir enfin l’académie de mes propres yeux ! Notre destinée nous y attend !”
Le soleil monte tranquillement au-dessus de l’horizon, heureusement dans leur dos, projetant de moins en moins leur ombre sur le sol devant eux. La journée avance en même temps qu’eux, une course perdue d’avance.

L’aurore d’une nouvelle journée, en un contexte aussi précaire : d’aucun pourrait affirmer la probabilité d’une quiétude sur son fil. Les voies étaient néanmoins riches de vie grâce à ceux qui l’empruntent, pour la plupart, les marchands et commerçants fougueux dont l’ambition n’aurait d’égal leurs avides cupidités. Pour la fratrie Ambroise, l’objectif demeurait… Bien qu’ils aient étés durement malmenés par leurs difficultés et les immixtions extérieures, leur chemin était trop engagé pour leur permettre d’envisager leur retour. Eux aussi, se sont finalement brûlés en cherchant à atteindre le firmament. Leur vie passée se trouvant désormais dans un horizon où il n’est plus possible de l’observer ; seule demeurait : cette académie convoitée comme seule perspective d’avenir.

Malgré l’inextinguible effort du jeune puiné à offrir la sécurité et le confort de cette faste entreprise, il apparaissait évident qu’aucune caravane ne souhaitait offrir ses sièges à deux jeunes humains par simple élan de bienveillance. Une qualité qui a autant de valeur qu’un grain de sable là où il se trouvait. Par eux-mêmes ils devaient se déplacer et par eux-mêmes sculpter les outils pour trébucher vers leur objectif.

Dans leur sillage : le faste du Domaine Sablevent, ils se trouvaient à nouveau livrés à eux-seuls dans l’immense mer de dunes, ce grand tout et cet immense vide.

« Son hospitalité n’a d’aucune concurrence et ses intentions : indiscutables. Espérons simplement qu’il ne s’agissait par-là d’un pain pour ajourner notre sursis… »

La nature pessimiste de la sœur ainée demeurait, après des semaines dans l’or d’un grain qu’elle ne pouvait plus supporter : il lui était difficile de croire qu’elle trouverait quelque chose au bout du compte. Et c’est antinomique à la lumière au bout du chemin, elle vendrait volontiers son âme pour la fraicheur obscure d’une cave humide.

« Aucune folie, aucun mirage, l’immuable silence pour mieux sonner le glas. »

Ainsi : ils se rendaient à nouveau spectateur de la rotation de l’astre, minute après minute. Du rose de l’aurore à l’airain du crépuscule…

On partit aux premières lueurs de l’aube car la fraîcheur matinale était idéale pour démarrer un tel voyage. Je m’étais évidemment vêtu de l’hijab blanc que mon amie m’avait offert ainsi que d’une tenue de voyage en soi légère, qui ne laissait aucune occasion au soleil de me brûler la peau. J’avais rapidement expliqué à Eyara comment guider l’énorme percheron qui tirait sa roulotte grâce aux longues rênes qu’elle avait dans les mains. L’animal réceptif aux commandes ne tarda pas à se mettre en marche et à suivre docilement la route. Ma propre roulotte se mit à suivre la cadence, avançant grâce au petit démon qui vivait dans son bois, je n’avais donc pas besoin de m’en soucier. Sur le dos de Céléborn, je restais à la hauteur de la grande banquette de la maman renarde dans un premier temps, prête à partir en éclaireur au besoin.

« Bon, j’espère que tout le monde est prêt parce qu’on en a pour un moment. M’exclamais-je joyeusement. PetitTembour, déjà assis à côté d’Eyara fut le premier à me répondre que oui, excité à l’idée de partir en voyage. Tu as vraiment eu le flair pour ce cheval, c’était une super affaire. » Glissais-je à l’attention de Jack, toujours impressionner par l’animal au pas vif.

Mon amant se plaignant déjà de la chaleur de la région, je ne pus que le regarder plein de compassion, j’avais moi-même du mal avec le climat rude d’Harena.
« J'ai hâte de m'éloigner de ces dunes de sable infini moi aussi, si ça peut te rassurer, mon amour. » Soufflais-je en réponse.

Nous avancions d’un bon rythme sur la route principale, croisant de nombreux voyageurs et marchands, à pied, à monture ou encore véhiculé, comme nous. Il n’y avait pourtant pas grand-chose sur le chemin à part quelques auberges presque ensevelies par le sable. Alors il ne fut pas difficile de repérer Sablevent au loin. Eyara m’avait montré où la demeure de la Baronne se trouvait sur une carte et l’atteindre ne fut pas plus compliqué que ça. Le soleil était haut dans le ciel au moment où notre petite troupe s’arrêta devant une énorme porte en bois. Après quelques coups frappés, quelqu’un vint nous ouvrir. Eyara expliqua le but de notre venue à ce qui semblait être un employé de la maison. Il répondit que la baronne Eryan ne serait pas présente avant au moins plusieurs jours et qu’il ne pourrait pas nous loger en son absence. Nous repartîmes donc presque aussitôt. Au fur et à mesure que la journée avançait, les voyageurs se raréfiaient, jusqu’au moment où notre caravane se retrouva seule parmi le sable.

« Il se fait tard, nous devrions trouver un coin pour bivouaquer. » Proposais-je en empruntant un petit chemin nous éloignant de l’axe principal. Et puis ce fut là que je les aperçus, deux jeunes gens avançant péniblement dans le sable. J’avais cette étrange sensation qu’ils avaient besoin d’aide. Arrivée à leur niveau, j’intimais à Céléborn de s’arrêter. Et regardant tantôt Eyara, tantôt mon amant pour savoir si je devais leur proposer notre assistance, je descendis de monture après avoir eu leur approbation.

« Bonsoir… On peut faire quelque chose pour vous ? Ça fait longtemps que vous marchez dans le désert ? Vous allez loin comme ça ? » J’ignorais quel était le meilleur moyen de les aborder, les noyer de question n’était peut-être pas la méthode adéquate. Je pris un instant pour les détailler. Des humains, à l’odeur. Ils ne devaient pas être beaucoup plus vieux que moi. Et s’il se dégageait une énergie chaleureuse de l’homme. Une aura solaire, celle-là même qui m’avait poussé à m’arrêter. Elle tranchait grandement avec la froideur que la femme qui l’accompagnait inspirait. Une odeur fugace me chatouilla les narines. De la magie ? Elle fut trop brève pour que je puisse l’identifier comme telle, mais j’eus tout de même un mouvement de recul, méfiante.

Cette journée de marche avait été éreintant. Le crépuscule commençait à poindre, alors que la descendance des Ambroise battait encore le désert. Il ne fallait pas s'arrêter avant la nuit. À ce rythme, ils seraient à Sylfaen dans deux semaines. Tristan semblait infatigable, mais qu'en est-il de sa sœur ? Il ralentissait volontairement le rythme pour la laisser suivre. Elle a vu plus de livre, mais lui a vu plus de travail physique, les deux n'étaient clairement pas dans les mêmes conditions pour ce voyage. Dans le pire des cas, il n'aurait qu'à la porter. C'est lui le cadet, mais aussi le plus fort physiquement. C'était peut-être ça, sa destinée, protéger Cora sur la voie de son apprentissage. Depuis le début de ce voyage, il lui arrivait de se poser des questions qu'il ne s'était jamais posé avant. Rien qui n'ébranlerait son égo et sa confiance en lui mais tout de même. L'inconnu le laissait partagé, il avait hâte de découvrir de nouvelles choses, mais avait peur d'y laisser des plumes et pire, Cora. Il semblait tout de même apaisé de savoir qu'elle n'était plus tourmenté par ses visions.

La luminosité chutant, Tristan laissa tomber la capuche de lin lui protégeant la tête. Sa teinte marron commençait à prendre la même couleur que le sable. Le soleil commence à faire souffrir leur équipement en plus de leur corps. La prochaine étape serait sûrement leur esprit. Il se mit à marcher en arrière afin de faire face à sa sœur.

"Je suis contente que tu n'en souffres plus Cora, mais je serai encore plus rassuré une fois que nous serons avec des magiciens hors pair."

En se retournant il vit au loin une caravane qui semblait suivre la même route qu'eux. Sûrement d'autres marchands vénaux prêt à leur extorquer quelques pièces pour une place confortable. Il avait plutôt mal pris ce qui c'était passé le matin au départ des roulottes. Sans se mettre à ruminer, il passa outre en se retournant pour reprendre à un rythme normal, s'étant assuré au passage du bien être de sa sœur en la dévisageant.

Sa chevelure d'or battue par le vent que la nuit semblait amené avec elle, la course poursuite la plus lente de l'histoire perdura jusqu'à ce que le haut du soleil épouse l'horizon. Il fut d'abord surpris que la caravane ralentisse la cadence à leur niveau, et encore plus lorsqu'une jeune demoiselle dressée sur un énorme animal qu'il n'avait jamais vu auparavant les aborda. Il avait l'impression de s'entendre à enchaîner les questions. Elle devait avoir son âge à peu prêt. Son naturel amical reprit le dessus. Tout en continuant à marcher, il se retourna en arborant un grand sourire.

"Salut ! On est parti de Sablevent ce matin, Cora et moi, on marche depuis ce matin. À vrai dire on allait s'arrêter sous peu, mais ce n'est qu'une étape dans notre route vers Sylfaen. Je sais qu'on vient à peine de se rencontrer mais est-ce que vous auriez de la place pour deux passagers supplémentaires. On a à peine de quoi se payer à boire et à manger alors on ne pourra pas donner grand chose en dehors de quelques discussions." En voyant quelqu'un de son âge, Tristan faisait preuve d'une grande désinvolture. Elle aurait pu être reine, bandit ou pauvresse qu'il lui aurait parlé de la même manière il semblerait. "Et vous vous allez où comme ça ? On en trouve dans quelle région d'Harena des bêtes comme la tienne ? Vous avez pas été embêté par des bandits ? Il paraît qu'ils sont nombreux dans le coin. Oh et je m'appelle Tristan, et elle c'est Cora ma soeur, mais je crois que je l'ai déjà dit."

Il s'approche alors en tendant une de ses mains épaisses de travailleur devant lui. Globalement sa carrure est celle de quelqu'un qui fait un travail manuel. Il est charpenté et pourrait presque être intimidant avec 20 centimètres de plus en hauteur. Sa taille moyenne lui donne juste l'air d'un gaillard au visage enjoué. Il porte une épaisse cape de lin sur le dos qui protège une tenue de civil et plus globalement son corps du soleil la journée et de la fraîcheur la nuit. Il est armé, enfin si on peut considérer son petit marteau comme une arme viable en combat contre des créatures du désert. Il sent la magie, plus que sa prétendue sœur. Leur présence est globalement étrange. Que font deux jeunes adultes perdus au milieu d'un désert infesté de bandits en étant presque pas armés. Peut-être sont-il des appâts pour un piège plus élaboré ?

Ce sable d’airain, éclairé par la chute de l’astre : avait le gout acrimonieux du métal. Une langue pétrifiée à la pierre, les lèvres fissurées par la sécheresse telle une porcelaine morcelée. La jeune Ambroise avait le regard oscillant entre les ténèbres de ses paupières éteintes et l’horizon où se confondait le ciel et le sable. Il était évident que Tristan abordait ce voyage avec plus de vigueur, d’avantage de force et de résilience que le faisait Cora. Une pauvre âme en peine soufflée par les vents Hareniens comme un pauvre ivrogne titubant jusqu’à chez lui.

« Le fol espoir de trouver une réponse là où la volonté se brise comme la marée face à la falaise. Je regrette de t’avoir embarqué là-dedans, Tristan, je regrette d’être si mauvaise sœur pour toi. »

Sa culpabilité échinait ce fragment fébrile de voix, un soupir parachevait l’amère cendre qui réchappait ses lèvres. Leurs pas s’enfonçaient dans le sable pour disparaitre derrière eux à l’instar d’un déluge sur les placides courants. Ils semblaient n’appartenir à qu’à eux, comme s’il n’existait aucun vivant en ce monde en dehors des Ambroise et lorsqu’il tournait sur eux-même : l’absence de vie creusait cette solitude comme le poignard draperait la soie. Harena n’était qu’une tombe, une vaste crypte à laquelle nous avons peint un algide ciel glacé.

Mais cette thébaïde avait une fin, des voyageurs, véhiculés, firent détour vers nos jeunes égarés, s’arrêtant à leur niveau pour les interpeller. Il en va sans dire qu’un sentiment de surprise laissait pantoise la jeune femme qui les observait par-delà le châle occultant à demi son visage.

« Nos plus humbles salutations, voyageurs. »

La bienséance lui incombait de ployer le genou avec légèreté dans l’exécution d’une révérence sans défaut. Cora accordait un temps à sa contemplation, tant du moyen de transport que des gens qui le dirigeait.

« En voilà un vaisseau digne de ce nom. Toute mes confuses, je m’appelle Cora et voici mon jeune frère : Tristan. J’ose espérer que vous n’avez pas fait ce chemin pour nous écailler, je crains fort que nous ayons bien peu de choses pour vous satisfaire. Cas échéant, c’est un plaisir de voir le moindre vivant. Et pour vous répondre, Mademoiselle, nous cherchons à rallier la forêt de Sylfaën et l’institut du père Tungstène pour être précise. »

Une risette fendait ses lèvres pour révéler une forme de sympathie, vraisemblablement ravie de rencontrer âme qui vive. L’enthousiasme et la prompte demande de Tristan la mettait mal à l’aise, en effet : il était tôt pour quêter l’aide d’illustres inconnus. Cependant…Rendue à l’évidence, ils constituaient, en dépit des risques : leur meilleure chance de salut, aussi : elle n’en fit aucun commentaire. C’est donc à son puîné qu’elle laissera l’adage de toutes négociations alors que sa senestre s’accrochait à son épaule de géant comme la main d’une gargouille à son piédestal.

« Alors vous êtes jamais sortis du désert, mdemoiselle Eyara ? Moi j’ai vécu à la tour des stryges blancs avec dame Cylicia, mais c’était y’a vraiment longtemps ! » S’exclama PetitTembour au détour d’une conversation avec Eyara. Bien qu’excité du voyage, il soupira lui aussi de soulagement à l’idée de s’arrêter pour la nuit. Pourtant l’enfant se tut à l’approche des deux inconnus.



Ils ne s’arrêtèrent pas tout de suite, sûrement méfiants de voir un cortège s’arrêter près d’eux. Je fus amusée de constater que le débit de parole du jeune homme était pire que le mien, je ne pus que lâcher un sourire amusé avant d’écouter sa sœur. Son visage à demi-dissimulé lui donnait un air encore plus mystérieux et sombre. Une sœur et un frère bravant le désert afin de rejoindre l’institut de magie. Cela pourrait faire un chouette titre de balade. Prenant la main que Tristan me tendait, je fis une petite révérence théâtrale avant de profiter de la disparition progressive du soleil pour dégager mon propre visage du tissu blanc du Hijab. Découvrant mes prunelles bicolores et mes longs cheveux pâles. Pour le reste, je restais couverte jusqu’aux pieds de divers voilages en soie blanc cassé. Et l’étui de mon violon était toujours fiché dans mon dos.

« Cora, Tristan, soyez tranquille, vous êtes en sécurité avec nous. Je me nomme Holy, éclaireuse sylvestre de la garde Zéphyr et bien que ce soit la providence qui vous a mis sur notre route. Ou peut-être serait-ce l’œuvre de Céléaë… Mais quoiqu’il en soit, je manquerai cruellement à mes devoirs si je ne vous amenez pas jusqu’en Sylfaen. Et mieux que ça, jusqu’à l’institut de magie ! On s’y rend nous aussi de toutes façons. Et on a bien assez de vivres pour tout le monde. »

Alors c’était bien une Présence magique que j’avais sentie chez la jeune femme. Bien qu’encore timide, elle avait une réelle connexion avec la Source. Je gardais ces informations pour moi, si on venait à voyager ensemble, j’aurais tout le loisir d’en apprendre davantage sur eux.

« Céléborn est un cerf royal, il vient de Sylfaen justement. » Répondis-je amusée alors que l’intéressé me donna un coup de museau sur l’épaule. Mentir sur mon appartenance à la garde Zéphyr était plutôt difficile avec un compagnon tel que lui. L’arc elfique au bois blanc qui était attaché à sa selle était un bon indice également. Puis je finis les présentations, attrapant mon amant par le bras.

« Voici Jack, et là-haut Eyara et PetitTembour. Je vous invite à grimper sur le banc, on va déplacer encore un peu les roulottes pour ne pas rester trop près de la route. On n’a pas encore croisé de bandits, j’espère que notre convoi est assez impressionnant pour les dissuader de s’approcher… »

C’est que je ne donnais pas cher de leurs peaux s’ils tentaient de nous attaquer… Pour cette raison, les tours de garde ne seraient pas exclus durant la nuit.

Sa main calleuse sert doucement celle d'Holy. Il semble faire attention à ne pas trop serré, ayant en face de lui une jeune demoiselle n'ayant pas encore montré ses crocs. La poigne est douce mais l'agitation plus vigoureuse. Il semble ravi de faire sa connaissance.

"Je n'ai aucune d'idée de qui est Céléraë, mais c'est très gentil de sa part de nous sauver les miches. Il faudra que vous me la présentiez !"

Il relâche la main d'Holy pour alors l'approcher du cervidé, lentement. Le facétieux cerf bougeant brusquement la tête pour aller chatouiller l'épaule de sa cavalière lui fit reculer sa dextre, assez surpris. Il ne semble pas très à l'aise en face d'un si gros animal tout compte fait. D'un pas sur le côté, il s'en déporte saluant à la cantonade le reste des passagers de la caravanes. En avançant vers cette dernière le jeune homme s'arrêtera devant Jack lui tendant à lui aussi sa main en guise de salutations.

"Des abissaux dans le désert ? Vous voulez parlé des vers géants je suppose. C'est pas si rare que ça vous savez. Leur larves sont vendues sur le marché. Si vous voulez je vous en cuisinerai avec des épices à la poêle. C'est pas ragoûtant mais on ne peut pas faire le difficile quand on est pas seigneur ici." Il accompagne la fin de sa dernière phrase par un petit rire. "Je crois que je ne préfère pas vous voir ne colère dans ce cas."

Il se dirigera par la suite vers le banc de la caravane venant d'être déserté par ses quatre passagers. Son expression est radieuse, c'est sa destinée qui lui vient en aide. Impossible de mourir dans ce maudit désert, il y a de grandes choses à accomplir. Ne sachant aucunement guider une caravane il laissera les rênes à qui voudra bien les prendre.

"J'espère que le temps restera calme. Notre avant-dernière nuit a été un peu mouvementée... Tu viens Cora ? Il y a de la place à côté de moi !" Lancera-t-il a sa sœur en lui faisant signe. Il a l'air mué de bonnes intentions mais un poil naïf au demeurant.

La jeune femme, éreintée et dont la gestuelle s’articule avec nonchalance, demeure à distance de bienséance lors de leur présentation, à l’inverse de son puiné. A les observer : ils se ressemblaient comme une pièce dont chacun représenterait la face inversée de l’autre. En rien : ils ne trahissaient la moindre connivence et pourtant, leur lien semblait indéfectible.

A mesure que les protagonistes s’exprimaient, Cora demeurait circonspecte. Des gens prêts à partager, à leur offrir une place dans une roulotte et ce, sans rien attendre en retour ? Non, non, cette conception lui paraissait aussi improbable qu’animer un feu sous une véhémente tempête. Tôt ou tard, elle était persuadée qu’elle devrait payer le tribut de cette bienveillance. En dépit de cette certitude tranchée, elle n’en demeurait pas moins sympathique et déférente, marquant témoin et adage de gratitude pour ces sauveurs d’aujourd’hui.

« Voilà une curieuse et agréable coïncidence de nous rendre au même endroit. »

La jeune femme marque un temps, le regard ancré dans sur cet éclat onirique de la forêt qu’est Holy.

« Vous connaissez le père de la magie ? Êtes-vous, vous-même une adepte ? »

A son questionnement : il apparaissait évident qu’une lueur animait son regard. Etait-il enfin possible, après ces semaines dans ce royaume de mort et de sables d’obtenir une réponse, même partielle ? Avant d’obtenir son retour, elle exhalait déjà son soulagement. D’invisibles sanglots embrumaient son regard, un courant d’émotions étreignait son être déjà abimés par le désert.

« Oh excusez-moi. »

Elle marquait un temps et un silence afin de se reprendre et poursuivre son propos.

« Nous vous sommes infiniment reconnaissant pour votre aide et votre sollicitude. Comme nous sommes heureux de faire votre concours, Jack, Holy, Eyara. »

En parachevant ses distinctions, la jeune femme ne manquera pas de saluer les petites créatures que la renarde désignait plus tôt.

« Nous vous conterons notre histoire avec plaisir. »

Et à l’hoirie de cette affirmation, Cora opinait doucement pour répondre favorablement à son jeune frère, le ralliant pour se creuser une place à ses côtés. Malgré son éveil et son attention notable pour ses hôtes, sa tête dodelinait jusqu’à s’échouer contre son cadet, un pilier sur lequel : elle pouvait se reposer.

J’écoutais leurs conversations d’une oreille distraite, au moins aussi étonnée que le garçon par le voyage de la renarde.

« Vous avez déjà beaucoup voyagé alors ! Wouah ! Oh non, et puis j’étais petit alors je me souviens pas très bien… »

...

Je m’excusais auprès d’Eyara pour avoir omis de présenter ses filles, bien que cet oubli ait été volontaire de ma part. La présence des deux petites dans le voyage était un vrai bonheur, et il était important de les protéger en priorité. Si les deux humains n’étaient finalement pas une menace, rien ne nous l’avait indiqué avant et leur présenter des cibles aussi vulnérables aurait été inconscient de ma part. De plus tous les humains n’étaient pas enclins à rencontrer des thérianthropes, la nature des renardes était plutôt évidente… Aussi adorables soient-elles. J’ignorais encore si la fratrie serait à l’aise en ayant conscience de voyager avec un groupe de canidé…

« Oui, Eyara… Excuse-moi, elles sont si sages que j’en oublie presque leurs présences parfois… » Mentis-je honteusement pour ne pas devoir expliquer la vraie raison devant nos nouveaux passagers.

...

"Je n'ai aucune d'idée de qui est Céléraë, mais c'est très gentil de sa part de nous sauver les miches. Il faudra que vous me la présentiez !"

Je ris à sa remarque avant de lever la tête vers le croissant de lune qui diffusait sa lumière argentée sur le désert.

« Tu l’as devant toi, Céléaë est le nom de la déesse de la lune en langage elfique. Certains peuples qui la vénèrent l’appellent Chandrama aussi. » Et par peuples, j’entendais meutes lycannes, évidemment, et notamment les frères loups et surement certaines meutes Speluncienne qui ne préféraient pas Magnésie.

Puis je levais les yeux au ciel face à la remarque de Jack, quel poisson était-il parti pécher encore pour trouver ça ? Mais pas le temps de répondre que Tristan tomba en plein dans le filet, je grimaçais en imaginant les larves géantes grillées dans mon assiette.

« On se passera de cette découverte culinaire pour le moment, mais merci de la proposition… » Répondis-je avec humour.

…

« Justement, on n'est pas sur notre territoire ici, je préférerais qu’on ne se fasse pas remarquer. S’ils s’enfuient, ils parleront. Et j’aimerais mieux éviter un massacre aussi, tant qu’à faire. » Fixais-je Jack avec insistance. Comme pour essayer de lui faire passer un message silencieux.

Puis Eyara disparut dans sa roulotte accompagnée de PetitTembour qui ne rechigna pas à l’accompagner, c’était même tout le contraire, il fut ravi de pouvoir l’aider.

« Je connais Tungstène, oui… J’ai eu l’occasion de le rencontrer quelques fois… Et j’ai un peu étudier à son institut également. C’est une personnalité des plus singulières, si je puis dire… » Répondis-je songeuse face à Cora.

Je repensais notamment à ces mois passés dans les grottes Speluncienne pour trouver sa fichue maison. Machinalement, je posais une main sur l’étui de l’ocarhinarpe que je portais dans mon dos. Ce voyage en avait valu la peine ! Même enfermé dans une boîte, je pouvais sentir la magie de l’artefact irradier doucement alors qu’il était endormi. Sa puissance était telle que je n’avais toujours pas réussi à la maîtriser complètement.
Lorsque je sentis l’émotion s’emparer de la jeune femme, je me retins de la prendre dans mes bras comme je l'aurais fais habituellement, je la laissais plutôt reprendre ses esprits avant qu’elle ne reprenne la parole.

« Eh bien je suis contente qu’on vous soit tombé dessus, ce désert est bien trop immense pour l’arpenter à pied ! »

Je m’installais sur le banc au côté du frère et de la sœur, laissant à Jack le soin de Céléborn et Zorco, le jeune étalon spéluncien que j’avais moi-même acheter plusieurs semaines plus tôt pour lui. Quant à moi, je pris les rênes de l’immense cheval de trait afin de le guider plus loin de la route. On ne put aller très loin malheureusement, les roues des roulottes menacèrent bien vite de s’enfoncer dans le sable du désert.

« On est arrivé. Occupons-nous des chevaux d'abord. » Dis-je simplement en actionnant le frein de la maison roulante. Je descendis, non sans lâcher un profond soupir suivit d’un bâillement. La journée avait été longue et je n’avais qu’une envie, pouvoir relâcher ma vigilance durant un petit moment. Depuis le matin, tous mes sens physiques, comme psychique, étaient déployés afin de détecter le moindre bruit ou mouvement suspect. Mais la nuit pouvait réserver autant de surprise que le jour, voir même davantage, alors je ne pouvais pas m'endormir sur mes lauriers.

Sans grande conviction, je partis déharnacher le cheval de trait, non sans bougonner devant une sangle trop haute pour moi, m’obligeant à me contorsionner pour l’atteindre, avant de capituler en me rendant compte qu’elle était trop serrée.
Je tournais plutôt vers Céléborn, qui s’ébroua de contentement une fois libéré de son bardage. Récupérant mon arc et mon carquois, je les laissai à porter au cas où, avant de ranger l’équipement du cerf dans un coffre accessible par l’extérieur de ma roulotte.

Un tour à l’intérieur me permit d’ailleurs, de me débarrasser de tous ces voilages encombrant pour ne rester qu’en sarouel et chemise ample. Puis je pris place autour du feu dressé à l’extérieur, au centre de plaids en laine de mouton confortables. Sortant l’ocarhinarpe, je jouais sur les cordes de l’immense instrument une mélodie douce pour ne pas empêcher les conversations, mais tout de même entrainante pour faire patienter le temps qu’Eyara revienne.

Visiblement, le dénommé Tristan n’avait pas compris le trait d’humour de Jack qui ne s’en formalisait pas. Cependant il eut droit à un regard perplexe à son histoire de larves de vers géants, avant que finalement il ne se mette à rire d’un rire franc en haussant les épaules.

« Ça fera toujours un peu de viande j’imagine! Vendu! On va pas faire les fines bouches dans le désert hein! »

Il n’en dit pour le moment pas plus concernant sa colère se contenta d’un sourire en coin et d’un clin d’œil à l’intention du jeune homme pendant que sa sœur donc, les remerciaient et semblait enchantée de les avoir rencontrés, le Lycan se contenta d’une petite révérence maladroite avec un sourire, les invitant à rejoindre la roulotte pour s’assoir. Il regarda ensuite Holy avec insistance lorsqu’elle parlait du nom de la Lune pour les Lycans d’un air de dire : « n’en dit pas trop non plus… » c’est alors qu’il se prit en retour le propre regard insistant de se dulcinée concernant sa colère. Il allait bien lui rétorquer qu’il suffisait de pas les laisser partir dans le pire des cas, ainsi il ne parleraient pas! Sauf qu’elle avait semble t’il anticipé sa réponse en amont en disant qu’elle préférais éviter un massacre ici. Ce qui alors qu’il entre ouvrait la bouche l’empêcha de parler le forçant à la refermer avec une moue boudeuse en croisant les bras, comme un enfant qui venait de se faire réprimander.

« Oui ben… tant qu’ils en prennent pas à toi ça devrait aller! Dans le cas contraire je peux rien te promettre. Tu me connais ! »

Se défendit il toujours boudeur. Puis quand vint l’heure de s’occuper des chevaux, Jack se proposa instinctivement pour cette tâche, laissant les autres préparer le feu et sa chère et tendre ravir leurs oreilles de sa douce mélodie.

« Je vais m’occuper des chevaux ma Déesse des Forêts! C’est mon boulot ça! »

Lui aura t’il dit de façon enjouée. Ce qu’il ira faire bien entendu, pour les brosser afin de retirer le sable de leur robe et de même pour Celeborn. Le sable risquait d’abîmer leur cuir sous les poils avec le frottement. Ils avaient bien mérité un peu de fourrage et d’eau aussi. Alors Jack allait prendre le temps de s’en occuper.

Tristan se gratte la tête à la remarque d'Holy sur Céléraë.
"Oh, bah je la connaissais pas cette Déesse. Mais elle a l'air sympa au moins."
Il est rustre mais au moins pas désobligeant. Alors qu'il sent Cora s'effondrer contre lui, il tourne la tête, légèrement surpris. Son bras gauche se passe dans le dos de son aînée pour éviter qu'elle ne chute alors que la caravane reprend sa route.
"Les vers c'est pas ragoûtant, mais c'est riche et nourrissant. Enfin, je vous forcerai pas à en manger. Il paraît que certains étrangers les digèrent pas bien, alors ça serait bête de s'intoxiquer."
Il prend le temps d'écouter Holy alors qu'ils roulent encore, il a l'air rassuré. Contrairement à sa sœur, il semble être un véritable roc. Il ne porte pas de marque de fatigue comme elle. "Vous ne savez pas à quel point je suis content qu'on soit tombé sur vous. Je ne sais pas ce que j'aurais fait si jamais des bandits nous étaient tombés dessus. Je donnerai ma vie pour la protéger mais je doute que ça suffise contre trois ou quatre larrons armés de cimeterres." Il fixe Cora un instant avant de revenir à Holy. "J'espère qu'elle aura enfin un peu de repos tranquille. Ses visions sont de plus en plus fréquentes et violentes. Vous connaissez celui qu'elle cherche alors ça me rassure, mais je prie les sables tous les jours pour qu'on ne lui dise pas qu'elle est juste folle. Vous qui connaissez ce Tungstène Dame Holy, il s'y connait en visions et maux de l'esprit ?"
Le temps qu'elle lui réponde, les voilà presque ensablés. La caravane s'arrête avant de rejoindre les nombreux ossements qui pavent le fond des sables. Tristan charge Cora sur son dos en essayant de ne pas la réveiller. Il la dépose ensuite proche du futur feu de camp, allongé sur sa cape qu'il aura pris le temps d'enlever. Le temps d'aller sortir les roues du sable et d'aider à désarnacher toute la cavalerie, il reviendra se joindre à ses côtés. Il porte une tenue de civil avec quelques renforts en cuir ça et là. Il déposera son marteau à côté de Cora, avant de se détendre un peu. Il reste muet, pour profiter de l'air que leur joue la "cerfvalière" avant que la jeune femme s'étant faite discrète depuis leur arrivée ne vienne le questionner.
"Comment dire... Perso, je n'y connais rien en magie. Je ne pense pas avoir de talents pour ça et même si c'était le cas, je n'en ai jamais eu la preuve. C'est Cora qui a des visions intempestives et bizarres. Enfin quand elle m'en parle c'est... incompréhensible. Aucun de nous deux n'arrivent à en tirer du sens. Elle vous en parlera sûrement quand elle sera réveillée. Oui ça pourrait être bien ! Je n'ai aucune idée de ce qu'est l'aéromachin et la divinatruc mais peut-être que vous pourriez m'expliquer." Il la dévisage un instant, se rendant peut-être mieux compte maintenant qu'il la voit à la lumière du feu. "C'est amusant vos oreilles et votre queue, ça vous va bien. Vous êtes une genre d'hybride ? Je n'en ai jamais vu des comme vous. Pourtant il y en a plein à Stellaraë."
Il n'a pas l'air dégoûté ou même apeuré. Sait-il seulement ce qu'est un thériantrope ? Il n'a pas l'air d'être une lumière mais pour autant ça pourrait être un risque pour les voyageurs sous couverture. Il sent la magie, ne présente pas de marque de fatigue contrairement à sa sœur. Avec tous ces faits il y a deux options : soit il n'est au courant de rien et donc il dit la vérité, soit il a des choses à cacher et pourrait être une source de danger pour le groupe.